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Art et Culture

Elevage domestique à Dori : Une pratique culturelle, source d’insalubrité et de maladies
Publié le jeudi 18 aout 2016  |  Sidwaya




La commune urbaine de Dori connaît une insalubrité qui est causée par plusieurs facteurs. Il s’agit des eaux stagnantes, des tas d’immondices et des caniveaux bouchés par toutes sortes d’ordures. A cela s’ajoutent les excréments des animaux notamment la bouse de vaches due à l’élevage pratiqué à domicile. Pourtant, selon les spécialistes de la santé, cette insalubrité a de nombreuses conséquences sur la santé des Doriens. Dans le but de comprendre l’impact de l’élevage domestique sur la santé de la population, les efforts de la commune et de ses partenaires pour assainir la ville et l’appréciation des éleveurs eux-mêmes, nous avons rencontré les différents acteurs.

Nous sommes dans la deuxième quinzaine du mois de juillet et la saison pluvieuse s’est tant bien que mal installée dans la région du Sahel et particulièrement dans son chef-lieu, Dori. L’adage qui stipule qu’ «après la pluie, le beau temps», n’est pas de mise car les Doriens doivent composer avec les multiples conséquences des pluies. En effet, faire un tour dans la capitale du Liptako qui compte huit secteurs, l’on a du mal à accéder à certains quartiers du fait des ordures sur la voie et de la divagation des animaux qui provoque des accidents. En plus du difficile accès de certains quartiers, le mélange des ordures, des excréments et des eaux stagnantes, provoque très souvent des odeurs nauséabondes à vous couper le souffle, comme c’est le cas devant l’abattoir de Dori. Par ces temps de pluie et avec l’élevage en pleine ville, les populations courent le risque de contracter plusieurs maladies liées au péril fécal. En effet, les animaux cohabitent avec les humains et la bouse de vache se mélange aux eaux stagnantes et aux ordures de toutes sortes. Des tas d’immondices sont perceptibles par endroits et les caniveaux sont bouchés d’ordures et d’eaux usées.
Et pour le chef de service de la promotion de la santé à la direction régionale de la santé du Sahel, Achille Ilboudo, le maintien des animaux au sein et à la devanture des concessions, les eaux stagnantes et les tas d’immondices dans la ville de Dori, sont la cause de nombreuses maladies chez les populations dont les plus fréquentes sont le paludisme, les maladies diarrhéiques, les parasitoses intestinales et les affections de la peau (dermatoses). Les humains et les animaux ne peuvent pas vivre dans le même cadre comme cela se fait au Sahel et particulièrement à Dori, estime M. Ilboudo. «La proximité avec les animaux crée beaucoup de problèmes. C’est pourquoi, les animaux doivent être mis à l’écart notamment dans un enclos. L’élevage au Sahel est sacré, mais il est vraiment recommandé qu’il y ait moins d’animaux dans les concessions. Ces derniers doivent demeurer dans un enclos qui est nettoyé quotidiennement», conseille-t-il. Quant au chef de service de la promotion des filières animales à la direction provinciale des ressources animales et halieutiques du Séno, Sibiri Tanou, il explique que les pathologies animales se transmettent aux humains par contact et par consommation du lait, de la viande ou la manipulation de la carcasse de l’animal. «Par le contact, ce sont des maladies bactériennes à savoir la tuberculose, la brucellose et la salmonellose. Par la consommation, en plus des pathologies bactériennes, il y a le charbon bactérien et les parasitoses telles que le ténia et le cysticercose», indique-t-il. Pour éviter toutes ces pathologies animales, M. Tanou conseille d’observer des mesures d’hygiène et de respecter les protocoles sanitaires animaux ; lesquels protocoles préconisent le déparasitage, la vaccination, le traitement clinique et l’inspection vétérinaire des denrées d’origine animale.
Sur la question, les statistiques du district sanitaire de Dori, spécifiquement les chiffres du Centre médical (CM) urbain et du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) du quartier Wendou de ladite ville en disent long. En effet, pour l’année 2013, ce sont 16 099 personnes qui ont été consultées au CM urbain de Dori à cause des diarrhées, des parasitoses intestinales, des affections de la peau, de la dysenterie, du paludisme, de la teigne et de l’eczéma, entre autres. En 2014, ce sont 22 925 personnes qui ont fréquenté le CM et le CSPS du quartier Wendou pour les mêmes pathologies. En 2015, ce chiffre a été estimé à 18 832 patients. Les statistiques du Centre hospitalier régional (CHR) de Dori traduisent les mêmes tristes réalités pour des populations qui occasionnent elles-mêmes leur propre malheur sanitaire.


L’élevage au Sahel, une affaire de culture


De l’avis du président de la section du Sahel de la Fédération des éleveurs du Burkina (FEB/Sahel), Hanafi Amirou Dicko, «l’élevage est l’activité principale du Sahélien et là où il se trouve, il ne peut pas s’en passer parce que c’est sa vie». Abondant dans le même sens, Aminata Barry, éleveur à Dori précise que l’élevage est leur tradition et depuis sa naissance, ses parents le pratiquent. Elle dit donc simplement perpétuer la tradition et espère léguer cette pratique à sa progéniture. Ainsi, Mme Barry, dit détenir une vingtaine de bœufs et de moutons dans la cour et dans un enclos devant la concession. En plus de cela, elle soutient avoir une centaine d’animaux dans son village. Au-delà du lait de vache que ses animaux lui procurent, Mme Barry estime qu’avoir les animaux près de soi a des avantages. «Si une bête disparaît, il est facile de le constater. Si une autre est malade également, on la met en quarantaine pour un traitement», avance-t-elle. Comme elle, M. Dicko dispose de quelques têtes d’animaux dans un enclos devant sa cour à Dori, mais la grande partie de ses bœufs, moutons et chèvres se trouve ailleurs.
Pour ce qui concerne les maladies provoquées par la proximité avec les animaux, le vieux Dicko dit ne pas en être convaincu. A ce sujet, il pense que ce sont le manque de curage des caniveaux pleins d’ordures ménagères, les eaux stagnantes et les tas d’immondices qui deviennent des nids de moustiques, causant ainsi le paludisme et bien d’autres maladies. Il confie même que le seul inconvénient de l’élevage est la consommation abusive du lait de vache qui est source de paludisme. «Le paludisme provoqué par le lait est périodique en ce sens qu’il se situe entre le mois de juillet et août donc pendant la saison pluvieuse. Je précise que ce paludisme est passager», fait-il savoir. De son côté, Mme Barry souligne qu’avec la saison des pluies et la bouse de vaches, les moustiques pullulent d’où le paludisme. C’est pourquoi, chaque matin, elle nettoie la cour et l’enclos. «Après chaque pluie, je ramasse la bouse des vaches pour la mettre dans une fosse fumière qui est vendue à la SONABEL et le reste est utilisé dans mon champ», poursuit-elle. Pour éviter de se faire contaminer par les animaux malades, M. Dicko et Mme Barry affirment tester et traiter médicalement leurs bêtes contre la tuberculose et la brucellose une fois par an. Toute chose qui les amène à déclarer qu’aucun membre de leurs familles respectives n’a contracté des maladies liées au péril fécal sauf le paludisme à cause de la présence des moustiques.


Construire une bergerie à la lisière de la ville


A la question de savoir s’il n’y a pas lieu d’envoyer tous les animaux hors de la ville, le vieux Dicko soutient que c’est l’idéal parce que pratiquer l’élevage en zone urbaine est difficile; Dori étant en train d’évoluer en termes de population et d’infrastructures. «Ce n’est pas facile d’élever les animaux comme nous le faisons présentement. Avoir 10 ou 15 têtes dans votre cour, celle-ci ne sera jamais propre. Si vous avez un enclos, en hivernage, il devient boueux et cela fatigue les animaux puisqu’ils se tiennent debout toute la nuit. Le matin, on les conduit au pâturage où ils se tiennent debout également toute la journée si bien que pour finir, les animaux vont maigrir à cause de la fatigue», fait savoir Hanafi Amirou Dicko.
Dans l’objectif de mieux organiser l’élevage en ville, le président de la FEB/Sahel et Mme Barry recommandent la construction d’une ferme ou une bergerie à la lisière de Dori. A l’entendre le vieux Dicko, cela permettra à la mairie de mieux assainir la capitale du Liptako. Cependant, il émet une inquiétude majeure qui est la perte des animaux. De son avis, avoir un berger auparavant était avantageux parce que ce dernier se contentait du lait des vaches vendu par sa femme pour subvenir aux besoins de sa famille et même s’acheter des chèvres qu’il pourra par la suite vendre pour s’acheter un bœuf et devenir lui aussi propriétaire d’animaux. «A cette époque-là, tu paies son impôt et tu l’habilles lui et sa femme. Tu l’aides financièrement à bâtir sa maison, à cultiver son champ jusqu’à la récolte. Ainsi, le berger est tranquille en brousse avec tes animaux et toi tu es rassuré parce que, lorsqu’un animal met bas, il t’informe», relate le vieux avec une voix empreinte de joie. De nos jours, où la trahison est monnaie courante, déplore-t-il, il est difficile de trouver un berger de confiance parce qu’il peut vendre votre animal et venir dire que celui-ci a disparu. Au pire des cas, conclut-il, ton animal met bas sans qu’il ne t’informe. Mais que fait la mairie de Dori pour assainir la ville ?
La mairie et ses partenaires à pied- d’œuvre

En rappel et suivant le décret N°2014 929/PRES/PM/MATD/MEDD/MEAHA/MEF/MRAH/MFPTS du 10 octobre 2014 publié dans le Journal Officiel N°51 de 2014 relatif aux compétences transférées aux collectivités territoriales, il y est clairement stipulé au chapitre 2, article 4, que la lutte contre la divagation des animaux ainsi que la contribution à la règlementation de l’élevage, incombent aux communes. Pour être plus complet dans notre article, nous avons souhaité échanger avec le maire de la commune urbaine de Dori, mais en vain. A défaut de rencontrer le maire lui-même, nous avons eu un entretien avec le responsable de la décharge publique de la mairie de Dori, Salifou Ilboudo. Des échanges avec lui, il ressort que la commune possède un plan d’actions d’assainissement dénommé Plan de gestion des eaux usées et excrétas de la ville de Dori qui se déroule en trois étapes. Il s’agit d’abord de l’assainissement au niveau des ménages par la subvention de construction de latrines familiales à hauteur de 80%. Ensuite, de l’assainissement au niveau scolaire par la construction de latrines scolaires. Enfin, Il y a l’assainissement des lieux publics. Pour la gestion des ordures ménagères, la mairie dispose d’un service de pré-collecte composé de trois associations et de deux entreprises privées qui enlèvent les ordures dans les ménages et les déposent dans des centres transitoires où il y a des bacs à ordures. « Pour l’assainissement de la ville, la mairie possède un camion à bac à ordures, une hydro-cureuse. 15 bacs à ordures ont été déposés dans les 8 secteurs de Dori pour le dépôt des ordures ménagères. Deux fois par semaine, ce camion enlève les bacs à ordures pour le centre d’enfouissement technique à 6 km de la ville sur l’axe Dori-Sebba», précise Salifou Ilboudo. De plus, la mairie soutient ses partenaires en les dotant de matériels pour la collecte des ordures notamment avec des brouettes, râteaux, pelles, gants, bottes. Au secteur n°3 de Dori, le président de l’association des jeunes intègres pour la restauration de l’environnement (AJIRE), Boubacar B. Dicko soutient que sa structure qui compte 16 membres dont 7 femmes contribue à l’assainissement de la commune en nettoyant les lieux publics tels que le marché central et l’auto-gare. Il renchérit que son association enlève les ordures dans les concessions de façon hebdomadaire. En cette saison pluvieuse, relève-t-il, les membres de l’Association participent au curage des caniveaux aux secteurs n°2, 3 et 4 en vue de faciliter le drainage des eaux de pluie et éviter une inondation en cas de pluie diluvienne. «On fait du bénévolat en contribuant à la propreté de la ville. C’est pour cela que l’association demande à la mairie une subvention pour nous motiver à mieux accomplir notre mission. Nous avons des bras valides qui souhaitent un accompagnement financier pour faire face à un certain nombre de charges», dit-il en guise de cri du cœur.


Souaibou NOMBRE
Snombre29@yahoo.fr



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«Les Peulhs préfèrent une cour salie par la bouse de vaches»


Lorsqu’un jeune Peulh veut se marier à une fille, la famille de celle-ci se concerte et enquête sur leur futur gendre et sa famille. Pour ce faire, l’accent est mis sur le comportement du jeune surtout l’état de la cour de ses parents. « La famille de la fille dira que le jeune et son père sont bien et leur cour est bonne également, si la cour est un peu salie par la bouse de vaches. Cela signifie que la famille du jeune possède des animaux, donc des biens », confie le vieux Dicko. En effet, ajoute-t-il, une fois mariée au jeune, la fille aura des vaches dont elle pourra traire le lait pour la vente en vue de subvenir à ses différents besoins, notamment son habilement, l’achat de bijoux, aider ses parents et s’occuper de ses enfants.


S N

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Que dit l’article 5 du code de l’environnement ?


Il est à reconnaître que la mairie fait des efforts pour rendre Dori propre. Mais tant qu’il n’y aura pas un changement de mentalité, la tâche sera dure. L’élevage en milieu urbain est déconseillé voire interdit à cause de toutes les nuisances que cette activité engendre. L’article 5 du code de l’environnement stipule que : « Toute personne a le droit à un environnement sain. A cette fin, elle peut porter plainte devant les autorités administratives ou judiciaires compétentes afin de faire cesser les nuisances générées par les activités qui troublent la tranquillité, portent atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique. L’administration est tenue de répondre à sa requête ».


SN
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