Certains estiment que ce sont de bonnes mesures ; d’autres s’en plaignent, sans même savoir qu’ils n’en sont pas concernés. Le climat d’incompréhension, depuis l’adoption par le gouvernement le 25 juillet dernier des mesures fiscales de la seconde loi de finances rectificative de l’année 2016, a incité le directeur général des Impôts (DGI), Adama Badolo, à animer une conférence de presse le jeudi 11 août au sein de son service pour « faire comprendre, sensibiliser et conscientiser » les contribuables sur ces mesures qui entrent en vigueur le 1er septembre prochain.
Augmentation des salaires, satisfaction des demandes sociales (gratuité des soins médicaux, éducation pour tous, bourses des étudiants…), réalisation d’œuvres sociales, réalisation des investissements (routes, ponts, barrages…). Le gouvernement burkinabè traîne de nombreuses casseroles qui le coincent sérieusement. Où trouver les moyens de satisfaire toutes ces doléances ? Prêter de l’argent ? Ce n’est certainement pas la bonne solution, car, après, il faudra rembourser au centime près. Mobiliser les ressources propres, c’est donc l’option judicieuse qui s’est présentée au gouvernement qui a, le 25 juillet 2016, adopté la loi portant «loi de finances rectificative de la loi de finances pour l’exécution du budget de l’Etat, gestion 2016 (LFR 2)».
Cette réforme prévoit principalement 4 mesures fiscales relatives aux jeux du hasard, aux véhicules de tourisme, au foncier et à la boisson, sur lesquels l’instauration ou le relèvement des taxes devraient permettre de faire rentrer plus d’argent dans les caisses de l’Etat. C’est dans le but de donner la vraie information, notamment en ce qui concerne les personnes imposables à ces taxes, les exemptions et le mode de recouvrement ainsi que les sanctions en cas de non-respect, que le Directeur général des impôts (DGI), Adama Badolo, aidé de son adjointe (DGA), Catherine Coulibaly, et de sa directrice de la Législation et du Contentieux (DLC), Martine Kouda, a rencontré les hommes de médias hier jeudi. Il s’est agi tout d’abord d’une présentation desdites mesures fiscales en cause. La première, intitulée, «Retenue à la source sur les gains des paris et ceux des autres jeux du hasard», comme l’indique son nom, prévoit une retenue à la source de 10% sur les gains de 100 000 FCFA et plus. Foi du DGI, cette ponction est déjà appliquée au PMU’B et ne concerne donc que les autres autres jeux du genre.
La seconde, «La taxe à l’importation sur les véhicules de tourisme dont la puissance est égale ou supérieure à treize (13) chevaux», quant à elle, est de 5% et ne s’applique pas aux véhicules de transport public de voyageurs.
La troisième mesure porte sur la «Contribution financière sur les propriétés bâties et non bâties». Elle s’applique aux propriétés situées dans une zone aménagée, c’est dire que les «non-lotis » et autres habitations dans les villages ne sont pas concernés. Pour les propriétés bâties, la taxe est de 0,1% de la valeur des constructions à usage d’habitation et de 0,2% pour tout autre usage. Elle est de 0,2% de la valeur des terrains nus des propriétés non bâties. Les recettes de la contribution foncière seront affectées au budget des collectivités territoriales, a assuré Adama Badolo
La quatrième, la «Taxe sur les boissons», celle qui, apparemment, fait des gorges chaudes, n’est en fait, selon le principal orateur du jour, qu’un relèvement de 25 à 30% de cette taxe et est conforme aux directives de l’UEMOA et de la CEDEAO, en matière de taxation de la bière et autres boissons alcoolisées.
Le mode de recouvrement de ces différentes recettes sera à titre déclaratif et les contribuables sont invités à retirer sur place à la DGI ou à télécharger sur son site, dès le 1er septembre 2016, date d’entrée en vigueur des nouvelles mesures, les formulaires de déclaration. Les contrevenants s’exposent à des sanctions pécuniaires, soit le payement d’une pénalité allant de 15 à 200%. Les recettes fiscales au budget de l’Etat, gestion 2016 sont estimées à plus de 1000 milliards de FCFA.
Vous taxez les pauvres ?
Vous en doutez bien que la partie la plus animée de cette conférence de presse a été la phase de questions-réponses qui, visiblement, était attendue par les journalistes et aussi par le DGI, fin communicateur, et ses collaborateurs qui ont trouvé réponse à tout. Ainsi, à la question d’un confrère de savoir si ce ne serait pas les pauvres qui sont soumis aux nouvelles mesures, car, à l’en croire, ce sont eux les principaux joueurs de PMU’B et buveurs d’alcool, le patron des Impôts dira : « Je suis surpris qu’on me dise que ce sont les pauvres qui boivent le plus la bière, car mon oncle au village dira, lui, que ce sont les riches qui en boivent».
Plus sérieusement, a expliqué Adama Badolo, il s’agit pour le gouvernement d’aller chercher l’argent là où il se trouve. Et à l’entendre, cet argent se trouve dans la bière et non dans le riz par exemple. C’est aussi une injustice qui est en train d’être réparée, notamment avec la prise en compte des autres jeux du hasard dans la taxation. « Jugez-vous normal que le joueur de PMU’B paye une taxe et celui du Casino qui gagne des millions n’en paye pas ?» a demandé l’orateur du jour, s’empressant de répondre à la question non et d’ajouter : « Ce n’est que justice !».
Les maisons closes sont-elles concernées par la taxe sur le foncier ? « Oui, elles sont soumises au payement des taxes sur les propriétés bâties, et étant donné qu’on y mène des activités commerciales, elles doivent, en plus, honorer les taxes y afférentes »… Ambiance !
Alima Séogo/Koanda