La 5e conférence au sommet du Traité d’amitié et de coopération (TAC) entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire (TAC), se tient ce 29 juillet 2016 à Yamousoukro en Côte d’Ivoire, sous la co-présidence des deux chefs d’Etat, l’Ivoirien Alassane Dramane Ouattara (ADO) et son hôte burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré. Ironie du sort, ce sommet se tient au moment où ses initiateurs, Laurent Gbagbo et Blaise Compaoré, ne sont plus aux affaires, pour les raisons que l’on sait. L’un est en jugement à la Cour pénale internationale (CPI), et l’autre en exil forcé et recherché par la Justice de son pays qui a émis un mandat d’arrêt international contre lui. Toutefois, l’ambiance conviviale et fraternelle qui a entouré les préparatifs de ce 5ème sommet, traduit à souhait la volonté des deux chefs d’Etat de tourner la page de la mésentente qui s’était installée au sommet des deux pays, ces dernières années. L’heure est donc à la décrispation car, malgré les frustrations et les rancœurs, il s’agit de recoller les morceaux d’une relation mise à rude épreuve par les vissicitudes de l’histoire, dans l’optique de la rendre plus stable et plus durable, au profit des deux nations.
Ce sommet est celui de la normalisation
Aussi, au-delà des points qui seront abordés dans le but du renforcement de la coopération entre les deux pays, l’on peut dire que ce sommet, dans la forme, est celui de la normalisation. D’autant que le précédent, qui devait avoir lieu en 2015, n’a pas pu se tenir pour les raisons que l’on sait. Notamment, l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 (soit 3 mois après le 4è sommet qui s’était tenu à Ouagadougou), qui a entraîné la chute et la fuite de l’ex-président burkinabè, Blaise Compaoré, réfugié depuis lors chez son ami ADO qui l’a pris sous son aile protectrice en Eburnie, et le putsch manqué de septembre 2015 avec les accusations portées contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, Guillaume Soro, dans la tentative de déstabilisation des instances de la Transition du pays de Thomas Sankara. Autant de faits qui avaient jeté un froid glacial entre les Exécutifs des deux pays qui se regardaient en chiens de faïence. Si fait qu’avec la tenue de ce 5ème sommet, l’on peut dire que le réalisme a triomphé. Car, quoi qu’on dise, la réalité est que les relations entre les deux pays sont tellement imbriquées qu’il est difficile pour eux de se passer l’un de l’autre. La Côte d’Ivoire abritant la plus forte colonie de la diaspora burkinabè pendant que le Burkina demeure le principal corridor de transit des marchandises du port d’Abidjan vers les pays de l’hinterland. C’est dire l’importance des enjeux économiques pour les deux parties. Mais au-delà, le contexte sous-régional voire international de lutte contre le terrorisme, obligeait aussi à un tel rapprochement. D’autant que les deux pays ont été frappés tour à tour par des attaques jihadistes. En outre, en se fondant sur les déclarations des deux gouvernements, l’on peut dire avec peu de risques de se tromper, que c’est la collaboration entre les services de renseignement des deux pays qui a permis les avancées majeures et significatives enregistrées dans la traque des auteurs de ces attentats odieux. C’est en cela que le réalisme des autorités burkinabè est à saluer. Car, il y a fort à parier que ces résultats auraient été difficiles à atteindre s’il n’y avait pas eu cette décrispation au sommet. Et s’il y a une certitude, c’est qu’aucun Etat n’avait intérêt à ce que les deux pays restent dans cette situation de tension permanente. Car, il y a manifestement plus à gagner qu’à perdre en allant à l’apaisement, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la menace jihadiste qui est loin d’être totalement écartée. Et ce, nonobstant le sentiment d’amertume compréhensible des insurgés burkinabè qui n’entendent pas voir enterrés de quelque manière que ce soit, les dossiers qui fâchent.
Cela dit, le tout n’est pas de tenir régulièrement des sommets du genre. Mais il s’agit aussi d’évaluer l’impact de l’application des accords qui y sont signés, sur les populations et leur respect par les deux parties.
Pourvu que cela profite aux deux peuples
Car, si les attentes du présent sommet se conjuguent principalement en termes de renforcement des infrastructures de transport terrestre et ferroviaires du côté burkinabè par exemple, en matière de libre circulation des personnes et des biens, des efforts restent encore à faire, eu égard aux tracasseries policières qui ont encore la peau dure à certaines frontières. Sans oublier que dans le fond, certains projets d’accords de ce 5ème TAC laissent quelque peu les populations sur leur faim, en raison de leur déphasage apparent avec les préoccupations actuelles de la grande masse. Notamment ceux relatifs aux opérations de sauvetage d’aéronefs, de services aériens…
En tout état de cause, l’essentiel est que le TAC ait survécu aux relations tumultueuses qui empoisonnaient les relations entre les deux pays. Pourvu que cela profite aux deux peuples. Car, à y regarder de près, jamais les peuples ivoiriens et burkinabè n’ont réellement été en conflit. Même au plus fort de la crise, les populations continuaient à se fréquenter et les flux migratoires se menaient dans les deux sens. Ce sont plutôt les relations exécrables au sommet, à un moment donné de l’histoire, qui déteignaient négativement sur la vie des populations. Et cela se comprend. C’est pourquoi l’on peut se réjouir que les gouvernants actuels se soient élevés au-dessus de certains problèmes conjoncturels, pour aller de l’avant. La vie continue. Et comme l’a si bien relevé le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, « la vie des deux nations ne s’arrête pas à l’affaire Blaise Compaoré ». Le reste est une question de temps. Et gageons que l’Histoire saura s’en charger.
« Le Pays »