C’était acté, la IVe République devra céder sa place, au Burkina Faso, à une Ve République que tout le monde souhaite plus opérationnelle, plus en phase avec les réalités du pays. Une cinquième République régie par une nouvelle Constitution, dont l’avant-projet est désormais attendu pour le mois d’août, avec la mise en place, le 1er juin dernier, de la commission chargée de la proposer. Présidée par Halidou Ouédraogo, cette commission, composée de 92 personnalités issues du monde politique, universitaire, associatif, religieux et syndical, dispose en effet de soixante jours pour formater le contrat social qui fondera la Ve République.
Si l’on attend de pied ferme la copie de la «commission Halidou », les débats ne vont pas moins bon train dans l’opinion sur l’esprit et la lettre à imprimer au nouveau texte constitutionnel, dans un contexte sous régional marqué par la valse des mandats présidentiels, soutenue par le «kwassa-kwassa» des régimes et systèmes politiques, le tout rythmé par le clairon annonçant une nouvelle République. Régime présidentiel, semi-présidentiel ou parlementaire? Le comité de rédaction de l’avant-projet de la nouvelle Loi fondamentale planchera certainement sur les atouts et les faiblesses de ces formules afin d’opérer le meilleur choix possible pour l’avenir et la stabilité institutionnelle du pays.
En tout état de cause, on s’interroge abondamment, ci et là, sur les «enjeux, défis et perspectives» de ce chamboulement institutionnel, du reste nécessaire, tout en questionnant son impact sur le renforcement de la démocratie dans nos pays. Et l’on en vient ainsi à souhaiter, au Burkina Faso par exemple, que le travail des commissaires permette de «mettre en place une Constitution qui arrive à traverser les générations». C’est en tout cas le vœu cher à Asseghna Somda, exprimé le 18 juin dernier, lors de la conférence publique organisée sur la question par la Jeune chambre internationale universitaire Ouaga soleil. Au surplus, Samuel Ibrahim Guitenga, l’autre conférencier qui intervenait dans le même cadre, estime pour sa part que le «mandat unique», disposition phare de la réforme constitutionnelle en discussion au Bénin voisin, est «la mesure appropriée au contexte africain».
Annoncé pendant la campagne pour l’élection présidentielle de mars dernier au Bénin, le nouveau chef de l’Etat béninois, Patrice Talon, fait en effet du mandat unique la toile de fond de la réforme constitutionnelle qu’il a engagée dans son pays. La commission mise en place à cet effet a du reste proposé un mandat de sept ans non renouvelable, provoquant l’ire d’une bonne partie de la classe politique pour qui ce virage représente «un grand risque». Si les partis politiques et certaines organisations de la société civile sont vent debout contre cette «affaire de mandat unique», tous s’accordent cependant à reconnaître, avec Patrice Talon, que «la Constitution du 11 décembre 1990 a fini par révéler, à l’épreuve du temps et de l’exercice du pouvoir d’Etat, ses limites eu égard aux prérogatives implicitement excessives qu’il confère au Président de la République».
Il n’y a pas jusqu’en Côte d’Ivoire où l’on ne parle pas de révision constitutionnelle et de changement de République. Là aussi, la question fondamentale des mandats présidentiels reste une préoccupation majeure. Le président Alassane Ouattara, qui compte soumettre le nouveau texte constitutionnel à référendum en septembre ou en octobre prochain, multiplie du reste les concertations. Au point d’obtenir une mention favorable de la chefferie, qui plaide pour une constitutionnalisation de… la chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire. Mieux, les têtes couronnées du pays de la reine Pokou militent clairement pour un quinquennat présidentiel renouvelé deux fois, ce qui amènerait le bail total possible au palais présidentiel ivoirien à quinze années d’affilée.
Ainsi que l’on peut en juger, plusieurs pays de la sous-région sont engagés dans un processus de relecture de leurs Lois fondamentales. Et si les ingrédients proposés du Bénin à la Côte d’Ivoire, en passant par le Burkina Faso laissent transparaître quelques spécificités qui soulignent le cheminement sociopolitique propre à chacun de ces pays, les questions relatives notamment à la durée du mandat présidentiel reviennent comme un sempiternel refrain. Septennat unique, comme proposé au Bénin, quinquennat renouvelable deux fois comme murmuré en Côte d’Ivoire ou quinquennat renouvelable une seule fois comme c’est encore le cas au Burkina Faso, les choix sont variés et les questionnements nombreux…
Par Serge Mathias Tomondji