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Relations ivoiro-burkinabé : le triomphe du réalisme
Publié le jeudi 14 juillet 2016  |  Le Pays
Coopération:
© aOuaga.com par Marc Innocent
Coopération: SEM. Alpha Barry, Ministre des affaires étrangères du Burkina Faso, en visite en Côte d`Ivoire
Le ministre des Affaires Etrangères du Burkina Faso, SEM. Alpha Barry, en visite de travail en Côte d`Ivoire a été reçu, ce lundi 22 Février 2016, en audience par son homologue Albert Mabri Toikeuse, puis par le Président Alassane Ouattara.




Alpha Barry, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, de la coopération et des Burkinabè de l’extérieur, est arrivé le mardi 12 juillet dernier à Abidjan. A cette occasion, le chef de la diplomatie du « pays des Hommes intègres » a laissé entendre, à propos des relations entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, ceci : « Nos différends sont derrière nous ». Tous ceux qui suivent les relations entre ces deux pays depuis la chute de Blaise Compaoré en 2014, n’ont pas besoin de se triturer les méninges pour savoir de quels différends Alpha Barry parle. De toute évidence, le plus emblématique d’entre eux, est le mandat d’arrêt que la Justice burkinabè avait lancé contre le président de l’Assemblée nationale ivoirienne pour son rôle présumé dans le putsch manqué du Général Diendéré. Cette affaire avait été perçue du côté de la lagune Ebrié, comme une pure provocation. La suite, on la connaît. La politique s’est invitée dans le dossier. De ce fait, le « règlement diplomatique » pour reprendre les mots de Roch Marc Christian Kaboré, a été privilégié. Le Burkina renonce au mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, à charge pour le gouvernement ivoirien de le juger. En un mot comme en mille, cela revient à un enterrement de première classe de cette affaire. En effet, l’on ne peut s’imaginer un seul instant que l’actuel locataire du palais de Cocody, en vienne à chercher noise à celui grâce à qui il doit en partie son trône, en initiant une procédure judiciaire contre lui en Eburnie. Et puis d’ailleurs, il n’est pas dans les habitudes d’ADO de poursuivre en justice ses partisans, même ceux dont la responsabilité est flagrante dans les tueries consécutives à la crise post-électorale ivoirienne. L’affaire Guillaume Soro peut donc être considérée comme classée. Le moins que l’on puisse dire, est que le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré y a joué un grand rôle.

L’on peut se féliciter du réchauffement des relations ivoiro-burkinabè

Un autre dossier qui empoisonnait les relations entre les deux pays, était la présence sur le sol ivoirien, de soldats de l’ex-RSP (Régiment de sécurité présidentielle). Cette question a connu beaucoup d’avancées. L’on se souvient en effet que le plus caïd d’entre eux, avait été arrêté puis extradé par les autorités ivoiriennes vers le Burkina Faso. Comme on le constate, d’un côté comme de l’autre, des actes forts d’apaisement ont été posés. Et l’adage burkinabè selon lequel « les œufs qui sont contenus dans la besace peuvent s’entrechoquer, mais pas au point de se casser », s’en trouve vérifié. En effet, dans l’histoire des deux pays, il y a eu des moments où l’on pouvait craindre le pire entre les deux pays, mais les choses ont fini toujours par s’arranger. Et c’est tant mieux pour tous. Sous Thomas Sankara par exemple, l’on avait craint la rupture avec le « Vieux », c’est-à-dire Félix Houphouet Boigny. Fort heureusement, on n’en est pas arrivé là. Car, ceux qui allaient en payer le prix fort, auraient été les populations. L’on peut donc se féliciter du réchauffement des relations ivoiro-burkinabè suite à la période de brouille constatée depuis la chute de Blaise Compaoré. Et les artisans de cette embellie sont les deux présidents. Et au change, l’on peut dire que c’est le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré qui gagne au triple plan politique, économique et social. D’abord au plan politique, tout le monde sait que la principale menace contre son régime, peut venir de la Côte d’Ivoire. En effet, c’est sur les bords de la lagune Ebrié que tous les pro-Blaise indécrottables, ont déposé leurs valises après la chute de leur mentor. Et ADO leur a offert le gîte et le couvert. Ces individus, forts des moyens, notamment financiers dont ils disposent et dont les origines sont liées à leurs accointances passées avec le régime déchu, ne rêvent que d’une chose : un pourrissement des relations entre la RCI et le Burkina Faso. En bons pêcheurs en eau trouble, ils n’hésiteront pas à se saisir de ce scénario pour déstabiliser le Burkina. Ils le feront d’autant plus volontiers qu’ils ont la rancœur tenace contre leurs anciens camarades qui, aujourd’hui, sont aux affaires au Burkina. La meilleure manière pour Roch Marc Christian Kaboré de leur couper l’herbe sous les pieds, est de prendre langue avec ADO pour dissiper les nuages entre les deux pays. L’annulation du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro répond à cette logique.
Au plan économique, l’enfant de Tuiré dans le Ganzourgou, sait qu’il ne gagne rien en entretenant un climat délétère avec la Côte d’Ivoire. En effet, ce pays est la principale puissance économique de la zone UEMOA (Union économique et monétaire Ouest africaine) à laquelle appartiennent les deux pays. En plus, la Côte d’Ivoire constitue le principal partenaire du Burkina dans cette même sous-région. Et la masse d’argent injectée dans l’économie burkinabè par la diaspora qui réside en Côte d’Ivoire, n’est pas négligeable. Sans compter que sur le plan énergétique, la Côte d’Ivoire tient le Burkina Faso en laisse. Les autorités ivoiriennes disposent donc de plusieurs leviers économiques qu’elles peuvent actionner à tout moment, pour punir le pouvoir de Roch Marc Christian Kaboré. Mieux vaut alors pour ce dernier, les avoir avec lui que contre lui. Si cela doit passer par le règlement diplomatique de l’affaire Guillaume Soro, il ne se gênera nullement pour le faire, ce d’autant plus que son pays est déjà au creux de la vague.

Le cas de Blaise Compaoré pose moins de soucis au locataire du palais de Cocody que celui de Guillaume Soro

Au plan social, si l’on peut le qualifier ainsi, Roch Marc Christian Kaboré et ses camarades du MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) savent que dans la perspective de la présidentielle de 2020, scrutin auquel les Burkinabè de l’extérieur sont désormais autorisés à prendre part, la diaspora burkinabè en Côte d’Ivoire représente un grand enjeu électoral. Or, celle-ci pourrait ne pas voir d’un bon œil que les autorités de leur pays d’origine, entretiennent des relations exécrables avec les autorités de leur pays d’accueil. Et c’est de bonne guerre. Car, cela pourrait déteindre négativement sur leurs intérêts en Côte d’Ivoire. Sous Laurent Gbagbo, ils ont payé les conséquences de l’inimitié politique qui a pu exister entre Ouagadougou et Abidjan à propos du soutien apporté par le régime de Blaise Compaoré aux rebelles de Guillaume Soro. Roch Marc Christian Kaboré sait que pour ne pas courroucer sa diaspora en RCI et la retourner contre lui, il n’a pas d’autre choix que de fumer le calumet de l’apaisement avec les maîtres actuels de la Côte d’Ivoire. Bien sûr, au plan endogène, le traitement qu’il a réservé à l’affaire Guillaume Soro peut ne pas être du goût de certaines associations de la société civile burkinabè qui pourraient voir par là, une intrusion du Politique dans les affaires du Judiciaire. Elles sont dans leur bon droit. Mais l’on peut leur rétorquer que le pouvoir actuel fait preuve de réalisme, pour les considérations que nous avons évoquées plus haut, en s’inscrivant dans une démarche de normalisation des relations ivoiro-burkinabè, au risque de se faire hara kiri. De ce qui précède, l’on peut tirer l’enseignement suivant : c’est le réalisme qui a triomphé. Et en la matière, l’on peut puiser dans l’histoire bien des exemples de pays en froid, dont les dirigeants ont joué la carte du réalisme pour éviter l’affrontement, au grand dam parfois de leurs opinions publiques respectives. Dans tous les cas, s’il est établi que Guillaume Soro a été réellement impliqué dans le putsch du Général Diendéré, les Burkinabè peuvent prendre leur mal en patience. Car tôt ou tard, cela peut le rattraper. Mais pour l’instant, Roch est conscient des dangers que le maintien du mandat d’arrêt contre le deuxième personnage de l’Etat ivoirien, représente pour son régime. Il a donc choisi, pour la survie de son pouvoir, d’aller dans le sens de l’apaisement plutôt que dans celui du bras de fer avec son grand et puissant voisin. En plus donc du réalisme, il pourrait avoir été inspiré par l’adage selon lequel « les embrassades ne mettent pas forcément fin à la bagarre ». Après lui donc, l’histoire pourrait un jour rouvrir le dossier. Par contre, il lui sera plus difficile de procéder de la même manière vis-à-vis du mandat d’arrêt lancé contre Blaise Compaoré. Car, les deux dossiers n’ont pas la même charge politique. Blaise Compaoré a dirigé le Burkina Faso pendant un quart de siècle. Et au cours de ce long règne, il a pu commettre des crimes pour lesquels les Burkinabè, légitimement, peuvent lui demander des comptes. Après tout, Ouattara lui-même n’est-il pas en train de faire rendre gorge à son prédécesseur devant la CPI ? On ne peut donc pas dénier ce droit aux autorités actuelles du Burkina Faso. Le cas de Blaise Compaoré,  de ce fait, pose, peut-on dire, moins de soucis au locataire du palais de Cocody que celui de Guillaume Soro. Mais, ce que l’on peut déplorer dans la sortie du ministre Alpha Barry, (même s’il s’agit là d’une maladresse langagière diplomatique) c’est lorsqu’il dit que les autorités burkinabè se réjouissent de la levée du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro. En effet, le putsch manqué du Général Diendéré n’a pas encore livré tous ses mystères. Et rien ne nous dit, dans l’état actuel des enquêtes, que Guillaume Soro n’a pas mis la main dans le cambouis. Il n’y a donc pas pour le moment de quoi se réjouir, et ce d’autant plus que dans cette histoire, bien des vies burkinabè ont été fauchées. Et cela, les Burkinabè ne l’oublieront pas de sitôt.

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