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Erection de Tampèlga en village : "Une poudrière" latente à Nandiala
Publié le mercredi 13 juillet 2016  |  Sidwaya




Dans la commune rurale de Nandiala, à 25 km de Koudougou, chef-lieu de la région du Centre-Ouest, l’érection d’un quartier en village fait des grincements de dents. Il s’agit du village de Tampèlga, jadis rattaché à celui de Baonghin. Dans cette affaire, le premier maire de Nandiala, Bawendé Jean Kaboré, est accusé d’avoir outrepassé les notables coutumiers et contourné les procédures administratives pour faire de Tampèlga un village. Immersion dans une affaire d’érection de village qui veut se muer en conflit foncier.

Jadis havre de paix, Baonghin est un village de la commune rurale de Nandiala où cohabitaient, dans une parfaite harmonie, les habitants des neuf quartiers qui le composaient. Aujourd’hui les habitants desdits quartiers vivent dans une atmosphère de suspicions sur fond de conflit foncier latent. Et pour cause, l’érection d’un des quartiers, Tampèlga en village depuis 2014.

Mercredi 18 mai 2016, il est 10h30 mn, le chef de Baonghin, Noaga Kiemtoré, entouré de certains de ses frères, échangent sur la situation créée par l’érection du quartier Tampèlga en village. C’est dans une atmosphère tendue que le chef nous reçoit pour nous expliquer les origines et l’impact de cet évènement sur le village. Selon lui, l’affaire remonte à 2005 lorsque des ressortissants de Tampèlga ont entrepris des « démarches floues » pour ériger leur quartier en village sans l’assentiment des notables.

A entendre le chef, cette démarche, en son temps, a été conduite par Mathias Kaboré, un ressortissant dudit quartier, qui a essayé de tromper les notables des différents quartiers de Baonghin pour leur faire signer un procès-verbal de palabre pour l’érection de Tampèlga en village. « A l’époque, il avait indiqué aux notables qu’il s’agissait d’un projet de construction d’un barrage au profit de Tampèlga.

Puis pour bénéficier de vivres pour les travailleurs, il fallait que les notables, qui étaient des illettrés, signent le papier en question », indique le chef de Baonghin. Et de poursuivre : « De la sorte, Mathias Kaboré est arrivé à tromper la vigilance des notables de certains quartiers afin qu’ils signent le document ». C’est quand le papie, a-t-il ajouté, est arrivé chez son grand-frère et défunt chef, Gounbga Kiemtoré, que le pot aux roses a été découvert. « Mon grand-frère était illettré, mais comme il a travaillé avec l’administration à l’INERA de Saria, il connaissait la valeur d’une signature.

Il a fait appeler son fils pour qu’il lui explique le contenu du papier avant signature. C’est alors qu’il a su qu’il s’agissait d’un procès-verbal de palabre sur l’érection de Tampèlga en village et non une question de vivres comme Mathias Kaboré le prétendait », se rappelle Noaga Kiemtoré. Toutes nos tentatives pour rencontrer Mathias Kaboré en vue d’avoir sa version des faits sont restées vaines.

Les notables divisés sur le sujet

Pour discuter et trouver une solution à la question, soutient Kalbi Kiemtoré de la famille du chef de Baonghin, les notables des neuf quartiers du village se sont réunis en son temps et ont tous rejeté l’idée de l’érection de Tampèlga en village. Une thèse confirmée par Paladé Kaboré, actuel notable de Tampèlga, qui reconnaît que son grand-frère et ancien notable du quartier, Yamba Kaboré, avait été contre le projet, avant de revoir sa position par la suite.

Comme l’idée divise au sein des tenants de la tradition, les partisans de l’érection n’entendent pas s’arrêter en si bon chemin. Avec l’élection de Bawendé Jean Kaboré comme premier maire de Nandiala en 2006, le dossier a désormais un soutien de taille. « Avant que nous ne prenions fonction au conseil municipal, le maire m’a dit que le dossier d’érection de Tampèlga en village lui tenait à cœur parce qu’il estime que le quartier est victime d’une injustice.

Je lui ai dit de privilégier le dialogue et de chercher le consensus au niveau des notables et à la base », affirme Faustin Zongo, conseiller municipal de Nandiala de 2006 à 2012 puis maire de la commune de 2012 à novembre 2014. L’association Buud-noma de Tampèlga, qui regroupe les ressortissants du quartier, est mise à contribution pour appuyer le dossier. Mais les notables du village restent fermes sur leur refus, estimant que les populations vivent en parfaite harmonie et qu’il n’est donc pas question de diviser les familles.

Devant l’insistance des initiateurs de l’érection, les notables se réunissent, le 12 et le 16 juillet 2010 autour du chef de Baonghin sans trouver de consensus sur la question. Selon les PV de ces deux rencontres auxquelles ont participé les représentants de tous les quartiers, y compris Tampèlga, le sujet de l’érection a été rejeté. Pour l’actuel notable de Tampèlga, Paladé Kaboré, ce refus était lié à l’ignorance.

L’essentiel, selon lui, est que le chef de Nandiala, qui coiffe le village de Baonghin, avait donné son accord pour l’érection de Tampèlga en village. Faux ! rétorque, Naaba Sigri, chef de Nandiala. « Je n’ai jamais été associé ni de près, ni de loin, à l’érection de Tampèlga en village. Par conséquent, je n’ai pas donné mon accord », réfute-t-il.

Blocus du conseil municipal

Pendant que les coutumiers dans leur majorité s’opposent, les choses se jouent aussi sur un autre front, au conseil municipal. En effet, le défunt notable du quartier, Yamba Kaboré soutenu par l’association Buud-noma de Tampèlga adresse alors au maire une demande d’érection de la localité en village. Contacté pour avoir sa version, le président de l’association, Adolphe Kaboré, préfère ne pas s’exprimer sur la question.

Toutefois, il nous indique au téléphone que les actions de son association sont guidées par le souci du développement. Le 30 juin 2009, le maire, Bawendé Jean Kaboré, convoque le conseil municipal pour une session et le sujet est évoqué. « Dans les divers, le maire nous a indiqué qu’il a reçu un courrier confidentiel sur une demande de la population de Tampèlga pour l’érection de la localité en village.

Et dans ce courrier, il est demandé au conseil municipal de donner son avis. Nous avons voulu prendre connaissance du contenu du courrier en question mais le maire a refusé », affirme Faustin Zongo, conseiller municipal ayant assisté au conseil. Incriminé, le maire se refuse à tout commentaire. « Je ne me sens pas concerné par cette affaire, je ne veux pas m’exprimer sur le dossier Tampèlga et j’assume mon choix », nous indique-t-il au téléphone.

Que se cache-t-il derrière le refus de l’ancien maire, principal accusé dans cette affaire, de s’exprimer sur le sujet ? Difficile de répondre à cette question. Mais pour la première adjointe au maire de l’époque, Mme Kouka Kaboré, lorsque le sujet a été évoqué en session de conseil municipal, tous les conseillers ont donné leur aval pour l’érection de Tampèlga en village sauf un seul du village de Baonghin.

Mensonge ! réplique le 2e adjoint au maire et doyen des conseillers de l’époque, Kalaga Zongo dit Pays qui soutient que le conseil municipal a rejeté le dossier. « J’ai dit personnellement au maire ce jour que nous sommes nés trouver que Tampèlga a toujours relevé de Baonghin et les habitants vivent en harmonie. Ce n’est pas au conseil municipal de diviser le village si cela ne rencontre pas l’assentiment de tous. Sinon, nous risquons de créer un foyer de tensions », relève-t-il.

Naaba Kaongo de Somé, Naaba Kiba de Rialo, Agathe Kabré, Faustin Zongo, Adama Kiemtoré que nous avons rencontrés ont été des conseillers municipaux de 2006 à 2012. Ils sont unanimes que le dossier a été rejeté par le conseil municipal. « Après le refus du conseil municipal de statuer favorablement sur le dossier, le maire nous a clairement dit que nous soyons d’accord ou pas, le processus d’érection de Tampèlga en village est enclenché et que rien ne peut l’arrêter », révèle le conseiller municipal, Naaba Kaongo de Somé.

Le conseil municipal ayant rejeté à la majorité le sujet, les partisans de la non-érection ont très vite crié victoire. Mais c’est sans compter avec la détermination de ceux qui entendent aider Tampèlga à avoir son autonomie vis-à-vis de Baonghin. Aux élections municipales de 2012, la candidature de l’ancien maire Bawendé Jean Kaboré, comme conseiller est recalée aux primaires. N’ayant pas pu être élu conseiller, il perd du coup son poste de maire.

C’est Faustin Zongo qui est porté à la tête de la mairie de Nandiala. Le dossier Tampèlga semble être conjugué au passé. Contre toute attente, le 7 février 2014, par Arrêté n° 2014-0007/MATS/SG/DGAT/DOGCA, le ministre de l’Administration territoriale et de la Sécurité, Jérôme Bougouma, érige Tampèlga en village. « Un jour, je suis venu trouver l’arrêté d’érection de Tampèlga sur mon bureau, j’étais étonné », se rappelle le successeur du maire incriminé, Faustin Zongo.

Le respect des procédures en doute

Mais pour beaucoup d’acteurs, cette érection n’a pas suivi les procédures en vigueur. Selon une source proche du dossier, un gradé de la police qui a fait sa carrière dans l’administration, plusieurs indices montrent que le dossier a été bâti sur du faux.

Selon lui, l’article 8 du décret portant conditions et modalités d’érection et de suppression de villages indique que le dossier d’érection en village comporte, entre autres, une copie de délibération du conseil municipal censée montrer que l’organe de délibération de la commune a donné son accord. « Mais pourquoi malgré le refus du conseil municipal, l’autorité a-t-elle donné un avis favorable à l’érection de Tampèlga en village ? », s’interroge-t-il.

A en croire la même source, se basant toujours sur l’article 8 de ce décret, le dossier doit être accompagné d’une enquête administrative faite par la police ou la gendarmerie. Le but de cette enquête, poursuit la même source, est de permettre à l’autorité de sonder la population concernée ainsi que les villages environnants en vue d’éviter tout conflit post-érection.

Selon ce gradé de la police, cette enquête a été menée par la brigade territoriale de gendarmerie de Koudougou et des copies de son rapport étaient censées être déposées à la préfecture, au haut-commissariat et même au gouvernorat. « Si l’enquête avait été bien menée, l’autorité allait surseoir à l’érection et demander aux différentes parties d’aller s’entendre avant d’engager le dossier », estime ce cadre de la police qui dit avoir géré ces genres de dossiers en tant que représentant de l’Etat à la tête de certaines localités.

Contactés sur la question, le préfet de Nandiala et le haut-commissaire du Boulkiemdé se sont réservés de tout commentaire et ont indiqué ne pas disposer d’informations sur le dossier. A la brigade de gendarmerie de Koudougou, il n’y a pas de traces de ladite enquête administrative. Dans ce genre de cas, nous souffle le commandant de brigade, l’adjudant-chef Prosper Kaboré, soit le rapport de l’enquête est déclassé après dix ans, soit les procédures d’érection du village n’ont pas été bien suivies.

Une thèse que veut croire Faustin Zongo qui a été à la tête de la commune de Nandiala après le maire incriminé, puisque selon lui, il n’a jamais trouvé les traces du fond de dossier de l’érection de Tampèlga en village à la mairie pendant sa gestion. « Les habitants de Tampèlga voulaient faire une fête après l’érection et ils sont venus me voir à la maison sur la question.

Je leur ai demandé de me montrer le fond de dossier et ils m’ont répondu qu’ils n’en ont pas. J’ai voulu connaître les familles concernées par l’érection et ils m’ont dit également qu’ils ne savent pas. Je leur ai fait savoir qu’il serait difficile pour moi de me mêler de cette affaire », précise Faustin Zongo.

Les politiciens, pointés du doigt

C’est pourquoi certains voient en cette érection, un acte politique. « Le maire nous a dit en son temps qu’il y a des communes qui ne valent pas Nandiala en termes de superficie et de populations mais qui ont plus de conseillers que Nandiala au regard du nombre de leurs villages. Pour cela, il propose qu’on érige d’autres villages en commençant par Tampèlga », se rappelle Naaba Kiba de Rialo, conseiller municipal à l’époque. Mais d’autres personnes voient l’affaire sous un autre angle. « La famille Kaboré qui habite Tampèlga est la plus nombreuse, mais elle se sent brimée. Lors des élections, la majorité de ceux qui votent sont de cette famille Kaboré.

Ils n’ont pas de conseillers et ils votent pour les autres », avance la 1re adjointe au maire, Mme Kouka Kaboré. Mais pour Emmanuel Kiemtoré, inspecteur de l’enseignement primaire et fils du village, cette érection n’est qu’une volonté de l’ancien maire de se tailler une base électorale, parce que vomi par la population de Baonghin à cause de sa mauvaise gestion.

Ce qui semble surtout poser problème dans cette affaire, à écouter certaines sources, c’est la manière dont les choses se sont passées. « Tampèlga pouvait être érigé en village sans contestation, mais il appartenait à nous les intellectuels de nous concerter et de sensibiliser les parents parce que toute évolution amène un changement.

Nandiala était canton avant de devenir préfecture et commune. Les villages aussi sont appelés à évoluer pour que des quartiers deviennent des villages. Mais c’est la manière qui a manqué », soutient ce cadre de la police et fils du village qui a voulu garder l’anonymat. Pour lui, tous les conflits qui naissent dans les villages sont créés et nourris par les intellectuels et politiciens de ces localités. Le maire incriminé est resté sur son refus de s’exprimer sur la question.

Un conflit foncier latent

Si l’érection de Tampèlga a été actée, elle est loin d’être consommée sur le terrain puisqu’un conflit foncier latent se profile selon des sources concordantes. Tandis que les habitants de Tampèlga attendent que l’administration vienne leur montrer les limites de leur village, ceux de Baonghin estiment que le village a été créé sur leurs terres. « Jusqu’à présent, l’administration n’est pas encore venue nous montrer les limites de notre village.

Nous avons demandé au préfet de venir délimiter le village mais elle nous a dit que l’ordre doit venir de sa hiérarchie », s’impatiente le notable de Tampèlga, Paladé Kaboré. Mais pour le chef et les vieux de Baonghin, il n’est pas question d’installer Tampèlga sur leurs champs.

Ils préfèrent même retirer les terres qu’ils avaient données aux habitants de ce quartier pour cultiver. « Les gens de Tampèlga n’ont pas de terres pour cultiver, c’est nous qui leur avons donné les terres au regard des alliances qui nous liaient. Maintenant qu’ils ont pris leur autonomie sans chercher à échanger avec nous, qu’ils nous rétrocèdent nos terres », martèle le vieux Kalbi Kiemtoré, tout furieux.

A entendre les notables de Baonghin, l’école, le CSPS (Centre de santé et de promotion sociale) et le marché de Tampèlga sont sur les champs des familles Kiemtoré et Zongo. Ce que réfute le patriarche de Tampèlga, Paladé Kaboré, qui indique que ces terres leur ont été données par le premier chef de Nandiala, Naaba Nagraogo. Très remontés par la situation, les gens de Baonghin décident en mars 2016 d’aller détruire le marché de Tampèlga.

Il a fallu l’intervention des ressortissants de Baonghin à Ouagadougou et à Koudougou pour calmer la situation, indique Jean Kiemtoré de la famille du chef. Mais pour lui, ce n’est que partie remise puisqu’il faut que les gens de Tampèlga leur rétrocèdent leurs terres. « L’affaire est très compliquée et si l’administration n’y prend garde, ça va éclater. C’est une poudrière en instance.

Tout ce que nous attendons, c’est le tracé des limites de Tampèlga », martèle Jean Kiemtoré, très excité. « Il faut que l’administration se penche sur la question parce que c’est nous les intellectuels qui essayons de retenir nos parents. Sinon il y a longtemps, ils étaient passés à l’acte. Si rien n’est fait, nous allons les laisser et ils vont retirer leurs terres avec les risques d’affrontements que cela peut créer », ajoute Emmanuel Kiemtoré qui demande l’annulation de l’arrêté d’érection de Tampèlga en village.

Lassané Osée OUEDRAOGO
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