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Abdoul Aziz Nikiéma : “Rendre au Burkina ce qu’il m’a donné”
Publié le vendredi 8 juillet 2016  |  Sidwaya




Il était considéré comme le grand espoir du football national tant son coefficient technique était déjà au-dessus de la moyenne quand il était avec ses potes de U-17 et U-19 en sélection nationale. Même en senior, il n’avait pas d’équivalent dans l’animation du jeu. Mais les blessures et les choix souvent hasardeux de carrière ont eu raison de son parcours prometteur. Aujourd’hui reconverti dans l’encadrement et dans l’éducation, Abdoul Aziz Nikiéma a tenu à rester dans le monde du football. Pourquoi ? Interview.

Vous êtes porté disparu des radars du football burkinabè. Que devient aujourd’hui Aziz Nikiéma ?

Je continue toujours dans les activités du football. C’est vrai, je ne suis pas professionnel. Je joue au niveau amateur et parallèlement, je suis éducateur. J’ai passé mes diplômes et c’est devenu mon activité première. C’est en quelque sorte ma reconversion et c’est une nouvelle aventure qui s’annonce pour moi.


Vous êtes encore jeune et vous pouvez toujours apporter quelque chose au football. A-t-il été facile pour vous de passer de l’autre côté du terrain ?


Il a fallu à un moment donné que je fasse un choix mais il s’est avéré ne pas être facile au début. Cependant c’était un choix de cœur car j’ai voulu de la stabilité pour mieux profiter de ma famille. Je suis marié et j’ai des enfants donc un choix s’est vite imposé à moi. J’avais la possibilité de continuer ma carrière quitte à ne pas rester en France auprès de ma famille. Comme j’ai voulu me stabiliser en France, il me fallait faire ce choix. Après avoir mûrement réfléchi, j’ai voulu rester dans le milieu du football et c’est ainsi que j’ai commencé à passer quelques diplômes avant d’obtenir ce BEF (Brevet d’entraîneur de football).


Votre diplôme vous permet d’entraîner jusqu’à quel niveau ?


Le diplôme que j’ai obtenu en France me permet d’entraîner jusqu’à la catégorie senior de la Division d’honneur (DH). Je peux faire beaucoup de chose avec ce diplôme comme travailler dans une fédération, dans un centre de formation, mener des projets dans une structure, faire un projet sportif, éducatif ou associatif et même entraîner. Ce diplôme me permet d’avoir plusieurs cordes à mon arc. Certes, il est bien mais ce n’est pas une finalité mais juste une étape. Il y a d’autres diplômes à passer et j’aimerais aller au bout de ma formation. Avec les compétences que j’ai, je peux déjà entraîner une équipe senior mais je voudrais aller voir plus haut. Car pour entraîner une équipe professionnelle en France, ce diplôme ne me suffit pas. Mais des Européens qui auront le même diplôme que moi aujourd’hui, viendront exercer en Afrique et seront mieux considérés qu’un africain à valeur égale. Il faut contribuer aussi à changer ces mentalités et faire confiance aux africains qui essaient de se former pour venir apporter leur expérience à leur pays d’origine. C’est dommage mais on ne fait pas assez confiance aux africains.


Mais en Europe également les clubs professionnels rechignent à donner les rênes de leurs équipes aux africains. Êtes-vous conscient de ce fait ?


Je suis bien conscient de ce fait. C’est une observation que nous faisons tous les jours. Même si vous regardez en ligue 1 en France, on peut compter le nombre d’Africains qui se sont assis sur un banc de touche. Claude Makélélé a bien commencé mais il n’a pas terminé la saison sur le banc du Sporting club de Bastia. En Europe c’est difficile et dans nos pays d’origine, on nous ferme aussi les portes, pour finir on va se décourager. Si on ne nous donne pas cette chance en Europe, qu’au moins chez nous en Afrique, on laisse tomber les préjugés car nous avons les mêmes compétences que les Européens. Nous avons tous fait les mêmes écoles. Il faut encourager cette jeune génération car c’est un bénéfice pour le pays. Elle incitera les footballeurs, après leur carrière, à s’orienter vers l’encadrement qui est une tâche noble mais difficile.


Vous vient-il à l’idée de vous investir au Burkina, genre créer une structure associative ?


J’ai même déjà crée une structure associative au Burkina du nom de "Union Namangbzanga pour la jeunesse l’éducation et le sport” (UNJES) mais elle n’est pas encore médiatisée parce que le cadre n’est pas encore bien formalisé. C’est une association que j’ai mis en place en duo avec un ami. Depuis la France, on essayait de la faire fonctionner, mais depuis mon arrivée, on essaie de mettre des choses en place pour que l’association ait enfin une visibilité.


Cette association œuvre dans quel domaine ?


Son activité principale sera le football. Mais il n’y pas que le football dans la vie, nous voudrions aussi intervenir dans l’éducation et le social en aidant les enfants dans leur quotidien. L’association aidera les enfants à travers des métiers. Nous voulons que ces enfants soient assidus à l’école. On voudrait allier foot et vie sociale.


Quelles conditions doivent présenter les enfants pour adhérer dans votre association ?

Il n’y pas de conditions particulières pour adhérer dans l’association. Elle est ouverte à tous les enfants. Je profiterai de ma présence au Burkina pour faire une sélection. Il y avait des enfants qui s’entrainaient déjà et comme celait faisait longtemps que je n’ai pas mis pied au pays, je vais profiter voir ces enfants et sélectionner d’autres enfants qui pourront également intégrer ce centre. Dans l’année, nous essayerons d’organiser des journées de découverte, des stages et des camps vacances pour éventuellement détecter d’autres talents.


Vous comptez-vous donc recruter des enfants de quel âge ?


Notre souhait est de commencer avec les jeunes de 12-13 ans à court terme. A moyen terme, nous aimerions avoir une équipe par catégorie c’est-à-dire minime cadet et junior. A long terme nous voulons disposer d’une formation senior.
Nous allons essayer d’aller doucement avec les jeunes de 12-13 ans pour leur faire progresser techniquement et tactiquement. J’ai eu la chance d’aller en Europe très tôt et j’aimerais apporter ce que j’ai pu apprendre là-bas aux enfants dès la base. C’est à la base (12-13 ans) que tout se fait pour mieux gommer les déchets.


Ce centre sera-t-il sous régime internat ou externat ?


Sous forme internat nécessite beaucoup de moyens. Avec nos peu de moyens, nous allons aller d’abord sous la base de forme externat pour, par la suite, tendre vers l’internat avec un centre assez diversifié. Les enfants s’entraîneront deux fois dans la semaine. Avec l’éducateur, nous essayerons d’établir un programme à l’année pour que les enfants puissent s’entraîner convenablement et participer aux tournois et pourquoi pas au championnat national. Nous avions même déjà eu une séance de détection et de sélection des enfants le samedi 2 juillet dernier au stade René Monory.


Est-ce votre façon de venir partager votre expérience avec les enfants ?


C’est une occasion certes, mais j’aimerais aussi rendre au Burkina ce qu’il m’a donné. Je suis dans le domaine du football et j’ai des compétences. En France, je suis éducateur et j’ai des jeunes enfants que j’encadre. Si je peux le faire dans l’Hexagone, pourquoi pas dans mon pays d’origine ? Cette idée a germé naturellement en moi et il fallait que je vienne apporter aussi ma contribution au développement du football au Burkina.


Vous avez pu goûter au professionnalisme, partagerez-vous votre expérience avec les enfants afin qu’ils sachent déjà que l’Europe n’est pas une fin en soi et que le professionnalisme est parsemé d’embûches ?


Oui. C’est pour cette raison que j’ai contribué en apportant mon expérience. J’ai été professionnel et je sais ce que le jeune africain pense dans sa tête du professionnalisme en Europe. Mais l’Europe n’est pas une fin car une fois en ce lieu, c’est la moitié du rêve qui est accompli. Il reste encore l’autre moitié à accomplir et cette partie est encore plus difficile car il faut avoir la chance, croiser les bonnes personnes et être là au bon endroit et au bon moment. A travers cette association, je vais leur donner des éléments et des billes à travers ce que j’ai vécu et leur faire comprendre qu’avant d’aborder le professionnalisme, il faut avoir quelque chose dans la tête. Notre rôle sera de faire intégrer cela aux enfants que nous aurions sous notre responsabilité, leur faire comprendre qu’avant d’être professionnel, il faut être bien éduqué et respectueux. Ce sont autant de valeurs que nous allons transmettre aux enfants qui rêvent de devenir pros. Les enfants qui seront avec nous iront à l’école. Nous serions stricts sur ce volet. On aura certainement des enfants qui auront des difficultés scolaires mais nous les accompagneront le mieux possible. Nous leur feront savoir que l’école est importante. Nous ne laisserons pas les enfants venir jouer simplement. Ceux qui ne seront pas doués pour l’école auront une autre attention particulière, pourquoi pas les orienter vers des apprentissages de métier. Mais pour intégrer tout cela, il nous faudra des partenaires qui accepteront nous soutenir pour que nous puissions mener à bien cette mission.


Votre dernière apparition avec les Etalons remonte à la CAN 2010. Avez-vous toujours des nouvelles de vos partenaires que vous avez quitté subitement ?


Oui, j’ai des nouvelles de quelques-uns surtout ceux avec qui on s’est lié amitié. On est resté en contact et même que je suis passé dans les familles de certains lors de ma présence au pays. Dans le football, on ne peut pas avoir des affinités avec tout le monde.


De 2010 à aujourd’hui, suivez-vous toujours de près l’évolution des Etalons ?

Oui, bien sûr. Je suis l’équipe et je regarde de près sa prestation et son évolution. Je suis au parfum de l’actualité des Etalons.


Appréciez-vous le retour de Duarte sur le banc quand on sait que vous avez pu travailler à un moment donné avec ce technicien ?


Cela ne fait que trois matchs qu’il est là. Avant son arrivée, les Etalons étaient en difficulté mais même s’il n’est là que depuis trois matchs, il a déjà réussi à redresser la barque car au moindre faux pas, on passait à côté de la qualification. Maintenant nous sommes en pôle position pour la qualification. Cela prouve qu’il a montré de belles choses et qu’il est bien l’homme de la situation.


Un mot sur le groupe de qualification des Etalons à la coupe du monde ?


Toutes les équipes ont leur chance. Si les Etalons parviennent à retrouver leur vertu de 2013, ils pourront bouleverser la hiérarchie établie d’avance dans leur groupe car la majorité de cette génération est encore là. Beaucoup ont acquis plus d’expérience et sont renforcés par la fougue des jeunes joueurs qui arrivent. C’est du 50-50 même si nous reconnaissons que le Sénégal est un pays de foot et le Cap Vert n’est pas également mal depuis ces dernières années. C’est une équipe qui a un groupe solide avec quelques individualités qui tranchent. L’Afrique du Sud est aujourd’hui à une phase de transition mais elle peut toujours surprendre sur un ou deux matchs. Nous avons une belle génération qui est encore là et qui peut nous faire encore rêver. Nous serons tous derrière eux pour le soutenir avec le secret espoir d’avoir cette qualification pour le mondial.


N’avez-vous pas un pincement au cœur quand on sait que vous aviez fait partie de ce groupe au début et qu’aujourd’hui vous êtes en retrait ?


Non, pas du tout. J’ai décidé de tourner la page et aujourd’hui je fais autre chose. Je ne suis pas envieux. Je regarde aujourd’hui leur prestation différemment parce que je suis passé de l’autre côté du terrain comme éducateur je vois les matchs différemment. Le choix que j’ai fait est mûrement réfléchi et je suis heureux aujourd’hui. J’ai ma famille qui est avec moi et tout se passe bien.

Béranger ILBOUDO
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