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L’islam n’interdit pas de serrer la main d’un non musulman
Publié le mardi 5 juillet 2016  |  Sidwaya




Le début et la fin du Ramadan donnent régulièrement lieu à des divergences. Dans cet entretien accordé à Sidwaya, le spécialiste de la civilisation arabo-islamique au CNRST, par ailleurs chargé des écoles coraniques au sein de la Communauté musulmane du Burkina Faso (CMBF), Dr Adama Ouédraogo analyse la question.


Sidwaya (S.) : Comment se porte la CMBF, un an après le renouvellement de ses instances ?
Adama Ouédraogo A.O : Avant de dire comment elle se porte, il faut d’abord indiquer que la CMBF est la toute première association islamique au Burkina Faso, si l’on considère que la Tidjanya représente une confrérie autour d’un leader (cheick). Avec l’évolution des situations, il y a eu d’autres tendances et beaucoup d’associations islamiques ont été mises en place. On en dénombre une centaine. Et la Fédération des associations islamiques du Burkina (FAIB) a été créée pour regrouper toutes les structures. Pour répondre à votre question, je peux dire que tout va bien au sein de la communauté.

S. : Qu’est-ce qui explique ces dissidences?

A.O. : Je dirai plutôt qu’il y a eu des divergences de vues notamment sur la pratique religieuse. Certaines associations ont trouvé que la communauté musulmane n’appliquait pas les préceptes religieux comme il se doit. Elles lui ont reproché de manquer de rigueur. Sinon, à son début, le but de la CMBF a été de rassembler toutes les structures musulmanes en son sein.

S : Cette année encore les musulmans du Burkina n’ont pas commencé le jeûne le même jour. A quand la fin de cette situation?

A.O. : Cette situation est liée à un problème d’instruction des musulmans. La majeure partie des adeptes de la religion manque d’instruction religieuse. Je me rappelle qu’un Sénégalais m’a une fois dit qu’il y a beaucoup de musulmans au Burkina, mais qu’il n’y a pas de culture islamique. Sur le coup, ses propos m’ont choqué. Après réflexion, je me suis rendu compte qu’il n’avait pas tort. Les divergences au sein de nos structures sont liées pour la plupart du temps à ce manque de culture.

S : Mais qu’est-ce qui devrait être fait pour mettre fin à ces dissensions ?

A.O : Il faut continuer à former les gens, surtout les personnes qui sont à la tête des différentes associations. Il faut que les dirigeants aillent au-delà de leur personnalité pour mettre en avant les intérêts de la religion. Car, les cas de discorde ternissent avant tout l’image même de l’islam et cela ne profite à aucun musulman. Vraiment, il faut cultiver l’instruction islamique.

S. : Les musulmans devront observer la lune pour marquer officiellement la fin de Ramadan. Au sein de votre organisation comment se fait l’observation ?

A.O: Nous avons une commission nationale qui siège pour fixer les dates de début et de fin du Ramadan. Il y a des correspondants un peu partout au Burkina. Le comité d’observation central basé à Ouagadougou contacte chacun de ces représentants pour savoir, si la lune a été aperçue dans leur localité. Cette année, la commission a siégé effectivement le 5 juin. Mais jusqu’à 20 heures, nulle part, la lune n’avait pas encore été vue. Il a fallu donc appliquer le précepte qui stipule de compléter le mois à 30 jours(le mois de Shabane). C’est à la dernière minute, vers 1 heure du matin, que des gens ont déclaré avoir aperçu le croissant lunaire. Mais à ce moment, le communiqué était déjà passé et il était difficile de rattraper le coup. Ce n’est pas parce que la lune a été aperçue dans les autres pays qu’il faut que nous nous alignions. Nous n’avons pas les mêmes situations géographiques. Si on décide de règlementer, il faut aller jusqu’au bout et respecter les décisions. Il n’y a pas de raison que des gens aillent à l’encontre d’une décision qui a été prise au plan national. Et cela, étant donné que toutes les sensibilités musulmanes sont représentées dans cette commission d’observation lunaire.

(S). : La technologique est assez développée de nos jours. Pourquoi n’est-elle pas utilisée pour déterminer exactement ces dates importantes ?

A.O. : Je suis d’avis qu’il serait pratique que le calendrier lunaire soit établi indiscutablement à l’avance. D’ailleurs, je vous fais remarquer que les calendriers mentionnent très souvent des dates indicatives qui peuvent s’avérer plus ou moins exactes. Toutefois, il y a lieu de respecter aussi la pratique islamique elle-même. Observer la lune est un principe de l’islam. Et de toute façon, nous n’avons pas encore ces moyens technologiques.

S. : Finalement, face à autant de polémiques, à quand la fête de l’Aïd El Fitr ?

A.O. : La commission va siéger ce mardi soir et on ne peut qu’attendre sa décision.

S : A quelle enseigne seront logés ceux qui ont débuté le jeûne le 6 ou le 7 juin ?

A.O. : Il n’y a pas de différence. Le Coran prescrit le jeûne pour 29 ou 30 jours. C’est-à-dire que ceux qui ont débuté le jeûne le 7 juin sont à leur 29e jour aujourd’hui (ndlr : mardi 5 juillet ). Donc, ils n’ont aucun souci à se faire.

S. : La fête de Ramadan rime avec la Zakat El Fitr. Que disent les saintes écritures en la matière ?

A.O. : Comme son nom l’indique, El Fitr veut dire la rupture. Après avoir jeûné, on doit donner la Zakat. Ceux qui ont les moyens doivent respecter cette règle, pour permettre aux plus démunis de fêter. Le jour de la fête, il ne doit pas y avoir de gens qui n’ont pas à manger. Pour la quantité à offrir, c’est environ 2,5 kg de céréales qu’on a l’habitude de consommer. Mais on peut donner plus. Le don se fait avant la grande prière pour permettre au bénéficiaire de cuisiner. Les dons doivent être faits à l’endroit des nécessiteux qui peuvent être dans le voisinage. Il est préférable aussi de donner aux pauvres musulmans. Ce n’est pas une discrimination puisque c’est lui qui veut fêter. Après si vous préparez, vous pouvez donner à vos voisins non musulmans.

S. : Quelle doit être l’attitude du musulman le jour de la fête ?

A.O: Il peut préparer ce dont il a envie, mais cela doit être du hallal (qui respecte les principes de l’islam : NDLR). Toutefois, on ne doit pas acheter de l’alcool le jour de la fête. Même si c’est pour le donner à des invités. Celui qui achète ce genre de choses est en dehors de l’islam. Au-delà du repas, il est préconisé au musulman de rendre visite aux parents, amis et connaissances.

S. : Après le Ramadan, on constate comme un relâchement de la foi et de la pratique religieuse de certains musulmans. Comment changer cette donne ?

A.O. : Le musulman doit vivre sa foi à tout moment, que ce soit avant, pendant ou après le mois de Ramadan. Certes, il y en a qui n’arrivent pas à demeurer constant dans la pratique de la religion au-delà du mois de cette période. Mais si une personne parvient à se mettre la pression pour suivre la parole de Dieu pendant un temps, il doit pouvoir continuer et changer son comportement, notamment en s’instruisant. De nos jours, il existe plusieurs moyens pour se former en islam. Il y a la télé, la radio avec des chaînes de confession musulmane. Il y a aussi l’Internet. Les documents ne manquent pas non plus. Je pense que c’est plutôt une question de décision. Tout musulman qui désire suivre le chemin de l’islam n’a qu’à s’armer de volonté et éviter les habitudes, les personnes ainsi que les milieux qui sont susceptibles de le détourner de cette voie.

S. : Cela ne frise-t-il pas le clanisme ?

A.O.: L’islam n’interdit pas de serrer la main d’un non musulman. Au-delà du cadre religieux, chacun sait qu’il faut éviter la mauvaise compagnie.

S. : Le Burkina Faso vit des remous sociopolitiques (actes de violences et d’incivisme…). Quelle est la contribution de la CMBF pour un pays de paix ?

A.O. : La communauté islamique fait ce qu’elle peut à travers des actions visibles comme invisibles. A chacune de nos prières, nous prônons la paix dans le pays. Si nous vivons dans la paix, tout le monde peut vaquer à ses occupations, aller à la mosquée, à l’église, au marché... Même au niveau des écoles coraniques, il est enseigné aux élèves de prier pour la paix, à tout moment. Concernant la situation actuelle, la communauté musulmane, à travers les moyens de communication (télévision, radio) demande à ses fidèles de toujours promouvoir la cohésion sociale. Nous approchons également les autorités pour les sensibiliser à ce sujet. Le problème de l’incivisme est très complexe de nos jours. L’ensemble de la société a besoin d’être éduqué. Que ce soit au niveau des écoles classiques ou religieuses, des familles et même des dirigeants, chacun doit contribuer à l’éducation civique. Il faut que chacun travaille à rétablir la sérénité sociale, à commencer par les dirigeants et surtout les partis politiques.

S. : Vos vœux pour la Umma islamique et le Burkina Faso ?

A.O. : Je demande à Dieu d’accorder sa grâce à la communauté musulmane, à l’ensemble des Burkinabè et au monde entier. L’être humain n’a plus de valeur aujourd’hui, on se tape dessus, on s’entretue. Il faut que nous travaillions à devenir des humains, à respecter l’homme et sa dignité. J’en appelle aux leaders religieux à toujours œuvrer à la cohabitation pacifique entre les religions et entre les populations. Les partis politiques doivent aussi jouer le même rôle, car, ils sont responsables de notre situation actuelle. Si le pays vit en paix, c’est grâce à eux. S’il prend feu, c’est également de leur faute. C’est eux qui nous utilisent.

Propos recueillis par
Djakaridia SIRIBIE et
Fabé Mamadou
OUATTARA
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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