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Prévention et gestion des crises alimentaires au Sahel : l’information, la clé de voûte
Publié le jeudi 30 juin 2016  |  Sidwaya




Les crises alimentaires et nutritionnelles ne peuvent plus surprendre les chercheurs. Le Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) anime depuis plus d’une vingtaine d’années un dispositif régional de prévention et de gestion des crises alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Halte sur un système de veille qui permet d’anticiper les crises éventuelles au Sahel et en Afrique de l’Ouest.

«Sans des enquêtes et des données agricoles, on ne peut pas planifier ni prévenir des crises alimentaires !» Cette assertion de l’expert en sécurité alimentaire en charge de l’animation du dispositif régional de prévention et de gestion des crises alimentaires au Sahel et en Afrique de l’Ouest, Ector Sédar Houssou, du Comité permanent inter-Etats de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS), rencontré en fin juin 2016, montre l’importance du système d’information dans ce domaine. En effet, les pays de la CDEAO plus la Mauritanie et le Tchad, disposent de mécanismes de gestion de l’information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Ceci est arrimé au dispositif régional dont l’animation est confiée au CILSS. Celui-ci fonctionne à travers des cadres de concertation réguliers pour la prévention des crises alimentaires au Sahel. Ainsi, les données collectées au niveau national et régional par les membres du dispositif régional de veille sont validées à travers cinq concertations régionales qui s’échelonnent sur toute l’année. Tout débute en juin et se termine en mars de l’année suivante. La première réunion technique se tient en juin et permet d’actualiser les zones à risque à l’entrée de la période de soudure. Elle prépare la campagne agricole et fait le point du dispositif de suivi. En septembre, les acteurs se réunissent encore pour une 2e rencontre. Ouverte aux systèmes régionaux et nationaux d’informations et aux partenaires techniques au développement, son objectif est de faire un bilan à mi-parcours de l’hivernage (évaluation qualitative prévisionnelle de récoltes, identification préliminaire des zones à risque et perspectives alimentaires). Aussi, elle définit le calendrier et la composition des missions conjointes d’évaluation des récoltes en octobre dans les pays du Sahel. « A cette période, nous dégageons des tendances chiffrées sur les productions attendues. Dans certains pays, cette période correspond à l’élaboration des plans de prévision budgétaire pour assister les populations vulnérables en cas de crise », explique Ector Sédar Houssou. La troisième concertation des acteurs, en novembre, permet de valider les résultats préliminaires des productions céréalières, d’établir les bilans céréaliers au niveau national et régional et de dégager les perspectives alimentaires pour la prochaine année de consommation. « Ces résultats provisoires nous permettent d’établir le bilan céréalier et alimentaire pour les dix-sept pays, les quinze de la CEDEAO plus la Mauritanie et le Tchad.
Mais le CILSS qui a en charge l’animation du dispositif regroupe treize pays, les neuf du Sahel plus quatre pays côtiers que sont la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Togo et la Guinée », précise M. Houssou. Tous les dix-sept pays implémentent un outil, « le cadre harmonisé », permettant en novembre d’avoir l’état de l’insécurité alimentaire aiguë dans leur espace. Avec ces informations, une carte est dressée sur la situation courante et la projection sur l’état de l’insécurité alimentaire. L’avant-dernière rencontre est une concertation entre les acteurs de la sécurité alimentaire au Sahel/AO et les donateurs au sein du réseau de prévention des crises alimentaires dans le Sahel (RPCA). Elle a lieu en décembre. Elle fait le bilan global de la situation agricole et alimentaire au Sahel et permet de fournir aux décideurs et aux donateurs du Sahel la synthèse des informations pertinentes pour une meilleure prise de décision. En mars, tous les pays ont mené à terme les enquêtes agricoles. Les acteurs dressent le bilan actualisé de la campagne agricole écoulée avec les chiffres de productions définitives (incluant les productions de contre-saison), procèdent à une mise à jour des zones à risque et des populations vulnérables à l’insécurité alimentaire, font le point des interventions et actions d’atténuation et formulent des recommandations à l’endroit des Etats et des partenaires.

Appréciations des recommandations

Tous les dix-sept pays du dispositif utilisent « le cadre harmonisé » aussi bien dans le suivi de la campagne, la mise en œuvre de l’enquête agricole que dans l’analyse de l’insécurité alimentaire. Chaque pays dispose, à cet effet, d’une équipe pluridisciplinaire pour produire des informations avec l’appui technique du CILSS en termes de renforcement de capacités des cadres nationaux. Au Burkina, c’est le ministère en charge de l’agriculture qui a la coordination du dispositif impliquant plusieurs départements ministériels. Sitégné Hien est ancien chef de service du système d’alerte précoce. Pendant dix ans, il a occupé cette fonction de prévention des crises alimentaires et de coordination du dispositif de gestion de l’information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle avant d’être nommé directeur régional de l’Agriculture des Hauts-Bassins qu’il n’a pas encore rejoint. Pour lui, le système d’alerte précoce a pour objectifs de prévenir les crises alimentaires possibles, leur importance, leur sévérité, le groupe de personnes concernées, les zones, pendant combien de temps ce groupe a besoin d’assistance et quand on pourrait intervenir éventuellement pour juguler la crise. Ce système a permis, à plusieurs reprises, d’attirer l’attention des décideurs sur des potentielles crises.
En 2005 par exemple, le Burkina Faso ne pouvait pas couvrir ses besoins alimentaires. Des recommandations ont été faites aux autorités afin qu’elles puissent importer des vivres. Un autre cas en 2008, le système d’alerte précoce a permis d’éviter une situation de crise due à la forte demande du Nigéria qui connaissait un déficit. Cette année-là, le bilan céréalier du Burkina couvrait ses besoins. Mais dès la fin des récoltes, les prix avaient flambé parce que le Nigéria s’approvisionnait en céréales au Burkina FASO. « Nous avons une bonne maîtrise des outils et quelle que soit la situation, nous faisons des alertes précoces. S’il y a des excédents, nous conseillons l’Etat de payer des stocks institutionnels afin d’éviter la baisse des prix aux producteurs. En cas de déficit, nous recommandons d’importer des vivres », explique M. Hien. Cependant, ce n’est pas à tout moment que les chercheurs et les décideurs se comprennent. Souvent, certains décideurs veulent « des résultats politiquement corrects ». Soit, ils refusent les conclusions soit ils veulent les maquiller pour avoir plus d’aides du côté des partenaires. « Les politiques souhaitent que l’on dise que c’est bon ou mauvais en fonction de leurs objectifs. Mais, nous ne pouvons pas mentir, parce que tout ce qu’on dit est vérifiable sur le terrain », assène M. Hien. A l’état actuel des connaissances, les experts affirment qu’une crise alimentaire ne peut pas surprendre à moins que le pays refuse d’admettre les prévisions. Cela est arrivé en 2005 avec le Niger. « Les conclusions de nos travaux ont montré que le Niger allait connaître une crise alimentaire due à la sécheresse et à l’invasion acridienne. Les autorités ont rejeté les conclusions tout en soutenant que leur pays n’était pas en insécurité alimentaire. Avec les interpellations, le Premier ministre d’alors a déclaré que le Niger était en état de famine afin de mobiliser la communauté internationale », raconte Ector Sédar Houssou, expert en sécurité alimentaire. Pour la collecte des informations, les pays font face à d’énormes difficultés parmi lesquelles le manque de ressources. « La principale préoccupation de la région, c’est comment assurer la collecte, l’analyse et la production d’informations de qualité. Il faut que les pays prennent en charge le financement des systèmes d’information, car cela relève de la souveraineté de chaque Etat », a ajouté M. Houssou. Un autre obstacle est qu’il n’existe pas de dispositifs pour analyser de façon permanente la consommation du poisson, des différentes viandes et des fruits notamment sauvages. « Nous n’avons pas de dispositif ou d’outils pour fournir des informations pertinentes sur la consommation du poisson, des viandes et des fruits. Nous faisons des approximations. Notre dispositif est incomplet et tout cela est lié au manque de ressources », poursuit-il. Il plaide pour que les autorités octroient plus de ressources au système d’information sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Les prévisions pluviométriques donnent la campagne 2016-2017 excédentaire ou normale (75 à 80%) dans les pays du Sahel notamment au Burkina Faso. Mais les chercheurs attirent l’attention qu’il peut y avoir des poches de sécheresse.


Boureima SANGA
bsanga2003@yahoo.fr

Définition de quelques concepts


La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. La sécurité nutritionnelle existe lorsque la sécurité alimentaire est combinée avec un environnement sanitaire, des services de santé adéquats et des pratiques de soins et d’alimentation pour assurer une vie saine pour tous les membres du ménage.
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