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Violences autour de la mise en place des conseils municipaux : Mauvais présage pour la gestion des communes
Publié le vendredi 24 juin 2016  |  Le Pays




Les gourdins et machettes sont de sortie à l’occasion de la mise en place des conseils municipaux au Burkina. Ce constat, lamentable à plus d’un titre, achève de convaincre que le démon de la discorde n’est jamais loin. C’est visiblement le scrutin municipal qui aura déchaîné le plus de violences dans l’histoire des élections locales au Burkina Faso, notamment depuis l’avènement de la communalisation intégrale. En effet, depuis lors, aucun scrutin n’a été à ce point secoué par la violence. Ce scrutin aura été marqué par des troubles en amont et en aval. C’est le moins que l’on puisse dire quand on considère le fait que des localités entières n’ont pas pu élire leurs conseillers le même jour que le reste du pays, en raison d’actes de violences plus ou moins prononcés. Et comme si cela ne suffisait pas, la mise en place des conseils municipaux, suite au scrutin, en a rajouté avec son lot de tueries, de saccages et d’incendies. Les conseillers municipaux de certains partis politiques et leurs partisans qui se sont lancés à la conquête des postes de maires, n’hésitent pas à faire feu de tout bois à l’encontre de tous ceux qui osent se mettre en travers de leur chemin.

Il y a, dans ces violences, une part d’instrumentalisation

Mais qu’est-ce qui fait tant courir nos élus locaux ? Il faut dire que dans bien des localités, des amis d’hier devenus ennemis aujourd’hui, se font face dans un combat sans merci. Cela n’est pas de nature à apaiser le climat autour de cette élection. Mais, au-delà de cela, c’est à un bras-de-fer entre partisans du même parti ou du même regroupement politique qu’on assiste, sur fond de bagarre de positionnement. En d’autres termes, il y a, dans ces violences, une part d’instrumentalisation. On ne peut s’empêcher de penser qu’il y a des mains invisibles qui tirent les ficelles. Chaque leader estimant que son heure de gloire a sonné ou qu’il faut qu’il mette à la tête des conseils, ses hommes de main. Cela explique en partie, ces violences entre gens de même parti.
A cette réalité, il convient d’ajouter le fait que l’insurrection est passée par là. En effet, depuis que les populations ont pris conscience de l’étendue de leur force, elles sont résolues à ne plus se laisser conter fleurette. Ainsi, elles ne se font pas prier pour monter au créneau et récuser les choix qu’elles estiment ne pas correspondre à leurs attentes. Autrement dit, bien des populations refusent désormais d’assister docilement à l’imposition de bourgmestres par des élites qui sont loin de leurs réalités. Certes, des primaires ont été organisées dans certains partis. Mais la suite des événements laisse penser que soit ces primaires n’ont pas été conduites dans les règles de l’art, soit les militants et candidats ont fait dans l’hypocrisie ou l’égoïsme. C’est, en effet, ce qu’on peut penser lorsqu’un parti désigne un candidat et qu’il y a une immense fronde au sein du même parti contre ce candidat. Soit ce candidat manque réellement de
légitimité, soit ses challengers ne pensant qu’à eux-mêmes, sont mauvais perdants. En tout état de cause, cette situation témoigne d’un certain manque d’emprise des partis sur leurs militants, ces derniers n’ayant pas vraiment confiance aux instances dirigeantes de leur parti.
Autre élément et non des moindres à la base des violences : les subsides que d’aucuns espèrent tirer de leur position à la tête de leurs communes respectives. De par le passé, des maires faisaient des deals autour des lotissements et des parcelles, leur sport favori, leur source principale de revenus. Cela dit, il est aussi question de nouveaux statuts pour les nouveaux maires. Car, il se susurre que leur statut sera revu et revalorisé. Les subventions de l’Etat n’attisent pas moins les convoitises. Cela peut aussi expliquer cette guerre de positionnement. Toujours est-il que cet état d’esprit montre que bien des gens viennent en politique pour se servir et non servir.
Ces motifs ne sont pas exclusifs les uns des autres. Bien au contraire, il y a un peu de tout cela dans le comportement de nos élus locaux. Ces violences, faut-il encore le souligner, si elles consacrent un échec des hommes politiques à apaiser leurs militants à la base, indiquent également que la gestion des communes risque d’être très difficile. En clair, ces violences sont un mauvais présage pour la gestion des communes. Des batailles rangées de cette ampleur laissent forcément des séquelles. C’est tout le contraire de ce que requièrent le développement et la démocratie à la base.
Il importe donc de trouver les voies et moyens pour conjurer ces violences. Cela commande d’abord que les hommes politiques fassent l’effort de respecter les choix des populations à la base, que les leaders arrêtent de diviser les populations, toutes choses qui compromettent la conjugaison des efforts pour le développement. Les populations sont de plus en plus critiques et semblent décidées à s’émanciper des vielles méthodes de gestion des partis, celles des parachutages. C’est aux leaders politiques aussi de comprendre que les temps ont changé. Les partis politiques se doivent de démocratiser au maximum leur mode de fonctionnement et surtout, se garder d’imposer des candidats aux différents scrutins.

La cohésion sociale doit être préservée à tout prix

Sur ce sujet justement, il est temps que le mode de scrutin pour l’élection des maires, soit repensé. Ce système y est pour beaucoup dans cette explosion de violences. Chaque candidat, chaque leader politique avance masqué jusqu’à l’élection des conseillers. Ce faisant, il multiplie les manœuvres pour passer ou faire passer son poulain à la tête de sa collectivité locale. Il convient de tirer leçon de toutes les violences qui secouent le pays lors des élections communales. Et comme plus rien ne doit être comme avant, il urge de revoir le mode de désignation des maires. Dès les compagnes électorales, il est de bon ton et plus honnête que l’électeur sache pour quel maire il vote. Certes, cela ne garantit pas la fin des courses-poursuites entre élus, mais permet au moins aux populations de trancher pour un candidat ou pour un autre, dans les urnes, de façon directe et sans intermédiaire. C’est dire qu’il faut instaurer l’élection du maire au suffrage universel direct. Certains partis sont déjà dans la bonne lancée à ce niveau et cela mérite d’être encouragé et amélioré à sa juste valeur.
En attendant, ces violences ou ces dérives n’honorent ni leurs auteurs -les partis politiques concernés y compris- ni le Pays des Hommes intègres. Le Burkina n’avait pas besoin de parachever son retour à l’ordre constitutionnel normal dans un tel élan de bestialité. Il est plus qu’urgent de situer les responsabilités dans ce qui s’est passé au niveau de chaque localité et de prendre les sanctions qui s’imposent. En tout état de cause, la cohésion sociale doit être préservée à tout prix face à cette chienlit. « Il n’est jamais trop tard pour bien faire », dit l’adage. Toutes les personnes commanditaires ou complices de ces violences doivent se dépêcher de faire amende honorable et de s’inscrire dans la logique de la concorde. Même lorsqu’on pense avoir raison, on doit s’efforcer d’inscrire son action dans la légalité et dans la paix. Les collectivités locales ne sauraient faire l’économie de l’esprit de tolérance, de collaboration au-delà des diversités et des antagonismes. C’est une condition sine qua non de leur développement, voire de leur survie.

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