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Tournée des chefs de la diplomatie française et allemande en Afrique : L’Europe à la recherche d’un bon bouclier contre le terrorisme
Publié le mardi 3 mai 2016  |  Le Pays




C’est au pas de course que les chefs de la diplomatie française et allemande, Jean Marc Ayrault et Frank-Walter Steinmeier, parcourent le continent africain. Après la Libye, il y a quelques jours, le couple franco-allemand a entamé, ce lundi, à partir de Bamako, une descente sur le fleuve Niger, avec pour escales programmées, Gao et Niamey. Cette tournée vient accélérer la cadence des visites européennes en Afrique sub-saharienne, particulièrement celles de l’Exécutif français dans la bande sahélo-saharienne, rappelant les heures chaudes de la ruée des Européens sur le continent après le fameux Congrès de Berlin qui avait scellé le sort de l’Afrique. Qu’est-ce qui donc fait courir ces Européens sur le continent par ces temps de forte canicule ?

C’est du chaos libyen que sont partis les essaims de djihadistes qui ont infesté le Sahel

L’itinéraire choisi par Ayrault et Steinmeier est en soi déjà très éloquent. Car, il est de notoriété publique que c’est du vase pourri libyen où pullulaient toutes sortes de bandes armées après la chute du régime de Kadhafi, qu’est né le syndrome terroriste sahélien. C’est, en effet, du chaos libyen que sont partis les essaims de djihadistes qui ont infesté le Sahel. Ce même chaos a entrouvert les portes de la Méditerranée aux colonnes de migrants qui montaient du Sud Sahara, chassés par la misère née de la mal gouvernance économique et politique dans leurs pays respectifs. En faisant le pèlerinage de la Libye au Sahel, les missi dominici français et allemand reviennent aux sources du mal, faisant leur cette vieille sagesse qui recommande de revenir à son point de départ lorsqu’on est égaré. Il faut donc voir dans le choix de cet itinéraire, les débuts ou tout au moins les préparatifs du service après-vente tant attendu en Libye, avec pour point de mire le nettoyage des sanctuaires djihadistes que sont devenus le pays et ses Etats limitrophes, le Mali et le Niger, après l’intervention européenne.
C’est d’ailleurs ce que confirme le programme officiel de ce voyage. En effet, l’un des objectifs affichés du périple est la lutte contre le terrorisme, la question du développement et les questions migratoires. Sans risque de se tromper, on peut affirmer que l’Europe est à la recherche d’une solution globale et durable à la question du terrorisme et des migrations. En effet, n’optant pas pour « le tout militaire », mais en faisant la place à la promotion du développement, elle s’attaque aux racines du mal. La misère et l’ignorance, en Afrique en sus de servir de terreau au terrorisme, font de la jeunesse désœuvrée des proies faciles pour les recruteurs djihadistes quand elles ne les poussent pas sur les chemins de l’exil.
Mais, au passage, la mission ne manquera pas de faire le bilan des efforts titanesques déjà consentis par les deux pays au Mali dans la lutte contre le djihadisme, en discutant avec les autorités maliennes et les forces internationales en présence. Il s’agit de s’imprégner de la situation sécuritaire à travers le suivi de l’accord d’Alger et matérialiser ainsi l’engagement pris par les partenaires internationaux à soutenir le processus de paix entamé avec l’accord d’Alger qui, à plusieurs reprises, a été malmené.
La particularité de ce voyage réside cependant plus dans le fait que la France ne fait plus « cavalier seul ». Depuis les attentats de Paris, écartelée entre les besoins sécuritaires internes et ses interventions extérieures comme au Mali et en Centrafrique, la France n’a cessé de demander à ses partenaires européens une plus forte mobilisation non seulement pour la soulager, mais aussi pour circonscrire le péril djihadiste aux portes de l’Europe. Son lobbying a été payant auprès de l’Allemagne qui avait déjà dépêché au Mali un contingent militaire de près de 600 hommes. La tournée en tandem dans le Sahel, vient confirmer la vision désormais partagée des deux locomotives, l’une politique et l’autre économique, de l’Union européenne. Tout en couronnant de succès l’offensive diplomatique française, elle traduit la prise de conscience européenne que la sécurité collective européenne est tributaire de celle en Afrique.

Ce qu’il faut déplorer, c’est moins la mobilisation des Européens que l’amorphie de l’Union africaine

L’initiative et les décisions qui en résulteront ne peuvent être donc que bénéfiques pour l’Afrique et c’est en cela qu’elle mérite d’être saluée, surtout quand on connaît les moyens techniques en termes de logistique et de renseignements que possède le vieux continent dans la lutte contre le terrorisme. La sagesse africaine ne dit-elle pas que « c’est grâce au haricot que le caillou peut bénéficier du beurre ? »
Comme on peut s’en apercevoir, cette mobilisation européenne n’est donc pas que philanthropique. Les questions au menu de la visite des deux Nassara sont les facettes d’une même réalité, la sécurité sur le continent européen. En résolvant les questions sécuritaires sur le continent et en limitant les migrations qui menacent d’invasion son espace et son mode de vie, l’Europe se fabrique un bouclier pour sa propre sécurité. Faisant d’une pierre deux coups, elle assure la sécurité de ses investissements sur le continent. L’Afrique a toujours constitué un marché d’approvisionnement en matières premières et un débouché pour les produits manufacturés européens et elle le demeure toujours grâce aux tentacules des multinationales européennes présentes sur le continent. Dans cette bande sahélienne, la sécurité de l’uranium nigérien exploité par AREVA, vaut bien plus qu’une visite.
Ce qu’il faut déplorer cependant, c’est moins la mobilisation des Européens pour la défense de leurs intérêts, que l’amorphie et l’apathie de l’Union africaine (UA) dont la survie même de certains Etats membres est en jeu face à la menace terroriste. Ce faisant, elle manque non seulement l’occasion de se rattraper en reprenant de la main le dossier libyen, mais elle laisse encore une fois son sort à la merci de puissances étrangères. Mais peut-on encore réveiller ce machin africain qui s’est fait l’époux de la maxime selon laquelle «  la fortune vient en dormant » ?

Le Pays
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