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Contre-analyse : rencontre des ministres des finances de la zone franc à Yaoundé : Il est temps de grandir !
Publié le lundi 11 avril 2016  |  Le Pays




Les ministres des Finances de la zone CFA se sont retrouvés le 9 avril dernier à Yaoundé autour du thème suivant : quelle politique monétaire, pour quels objectifs ? Cette rencontre, faut-il le noter, se tient sur fond d’interrogations persistantes sur l’avenir de cette monnaie et dans la perspective des assemblées annuelles de la Banque Mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI). A cette rencontre des argentiers des Etats membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et des pays de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC), participe l’ancienne puissance coloniale représentée par Michel Sapin. La présence de ce dernier est suffisamment révélatrice du fait que la France, pour des raisons évidentes liées à ses intérêts, n’est pas prête à renoncer de sitôt à cette monnaie qu’elle a réussi à imposer à ses ex-colonies africaines depuis le 26 décembre 1945, date de sa création et peu après que l’Hexagone a signé les accords de Bretton Woods.

La philosophie qui avait prévalu à la création du Franc CFA n’a pas varié d’un iota

En 1945, pour rappel, la France était sortie exsangue économiquement, surtout de la Deuxième Guerre mondiale. Une solution pour se remettre sur ses deux pieds, était de compter sur son empire colonial africain. D’où l’idée de créer le « Franc des Colonies françaises d’Afrique » devenu par la suite le « Franc de la
Communauté financière africaine » pour les Etats membres de l’UEMOA et le « Franc de la Coopération financière en Afrique centrale » pour les pays membres de l’Union monétaire de l’Afrique centrale. Cette monnaie donc a connu des mutations de sigles avec les indépendances politiques formelles concédées généreusement par la France, mais dans le fond, la philosophie qui avait prévalu à sa création n’a pas varié d’un iota. Et ce ne sont pas de simples ministres des Finances qui vont oser mettre les pieds dans le plat en suggérant l’abandon de cette monnaie. Bien au contraire, l’on peut être sûr qu’ils feront diversion en mettant en avant la nécessité de maintenir le Franc CFA et ce en prenant appui sur des arguments éculés du genre « le franc CFA garantit la stabilité macro-économique de nos Etats, permet de lutter contre l’inflation et favorise l’intégration économique des Etats membres par les échanges ». A l’analyse, l’on peut bien se rendre compte de la vacuité d’un tel argumentaire. En effet, si l’on prend rien que le cas de l’UEMOA, les statistiques publiées par cette institution montrent que le commerce entre les pays membres ne dépasse pas 15% de leurs échanges totaux. Et cela représente à peine un quart de leurs échanges avec l’Union européenne. Et cet exemple n’est pas isolé. Bien d’autres existent qui montrent à suffisance que cette histoire de Franc CFA s’apparente beaucoup plus, pour reprendre l’expression de Tiken Jah Fakoly, à du "blaguer tuer" qu’à toute autre chose. Elle est, pour appeler les choses par leur nom, comme l’a fait remarquer Demba Moussa Dembélé, économiste et chercheur sénégalais, « non seulement un instrument de contrôle des économies africaines, mais également un symbole d’humiliation des dirigeants africains ». Cette analyse est, on ne peut plus pertinente. On se souvient, en effet, de la dévaluation de 1994 à Dakar, imposée par la France et le FMI, dirigé à l’époque par Michel Camdessus, ancien gouverneur de la Banque de France. A cette occasion, c’était le ministre français de la Coopération qui avait été dépêché à Dakar pour annoncer la dépréciation du F CFA devant un parterre de chefs d’Etat ahuris, mais obligés de signer pour ne pas prendre le risque de se mettre à dos la France. Pour une humiliation, c’en était une. Malgré cela, les dirigeants des ex-colonies françaises continuent de s’accrocher au symbole de leur humiliation. Et pour cause. L’on peut d’abord avoir l’impression que nos têtes couronnées ne sont pas encore parvenues à s’affranchir de l’idéologie coloniale selon laquelle tout ce qui émane de "nos ancêtres les Gaulois" est bien pour les "indigènes". Sur le papier, le système de l’indigénat est terminé mais dans la mentalité de bien des dirigeants, il est encore présent au point qu’ils sont formatés de manière à avaler toutes les couleuvres venant de l’ancienne puissance coloniale.
La deuxième raison de cette servilité à l’égard de la France, qui empêche de briser le carcan du Franc CFA, est liée au manque de leadership audacieux et visionnaire des dirigeants africains. L’existence d’une personnalité de ce profil à la tête d’un des Etats de l’UEMOA ou de la CMAC, aurait pu jouer le rôle de locomotive pour pousser les autres à aller dans le sens d’une rupture avec ce cordon ombilical monétaire aliénant et rétrograde que représente le Franc CFA.

Aucun pays des BRICS ne dort sur la natte monétaire d’une ancienne puissance coloniale

En attendant l’avènement d’un leader politique de ce genre pour aider les ex-colonies françaises à s’affranchir du joug du Franc CFA, véritable survivance du pacte colonial, l’on peut faire le constat que l’écrasante majorité des pays qui ont en commun cette monnaie, tire le diable par la queue et ce malgré les immenses richesses dont la plupart dispose. Ils ont donc les atouts économiques pour battre monnaie. Seule la France n’y a pas intérêt. Et à travers elle, ses valets qui, avec sa bénédiction, se sont emparés de la tête des Etats et entendent y rester en recourant à des tripatouillages de la Constitution de leur pays ou encore à des mascarades d’élection. L’on comprend dès lors pourquoi la France fait dans la langue de bois face aux nombreux dénis de démocratie auxquels bien des dirigeants de la zone CFA, de l’Afrique centrale surtout, se livrent aujourd’hui. Il revient par conséquent aux peuples de ces pays de s’approprier le débat sur la problématique du franc CFA. Et ces peuples, sous la houlette des sociétés civiles qui ont de la hauteur de vue, doivent se garder de ne pas se laisser divertir par des économistes de service, formés pour la plupart dans les grandes écoles occidentales et aux yeux desquels l’abandon du CFA serait une aventure périlleuse qui déboucherait sur une catastrophe. En tout état de cause, il est grand temps pour l’ensemble des pays de la zone CFA de grandir en prenant leur distance vis-à-vis de cette monnaie qui les empêche véritablement d’exister dans le concert des nations en tant que pays souverain avec tous les attributs que cela suppose. Et l’un de ces attributs est justement la monnaie. Explorer cette voie, au-delà des possibilités qu’elle peut donner en matière de développement réel, est d’abord une question de dignité. En tout état de cause, aucun pays des BRICS ne dort sur la natte monétaire d’une ancienne puissance coloniale. A méditer.

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