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Situation nationale : avant qu’il ne soit trop tard
Publié le jeudi 7 avril 2016  |  L`Observateur Paalga
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© Autre presse par DR
Situation nationale : avant qu`il ne soit trop tard




L'Africain prévient son frère malvoyant qui marche au précipice seulement après le dernier pas fatal. On crie «Attention au trou!» quand l'autre a un pied dedans et tout le corps lancé. Pourtant, on a vu le marcheur venir de loin. Il nous faut nous départir de ce genre de malice. Tout le monde dit que «ça ne va pas». Du plus grand au plus petit. Du plus vieux au gamin d'hier. Et nous n'ignorons pas d'où nous venons, et ce que nous avons traversé ensemble. On sait ce qu'on souhaite. Or nous nous doutons qu'il ne suffit pas de souhaiter, si on ne cherche pas ensemble la thérapie qui convient.

Avant qu'il ne soit trop tard pour tous. Pour comprendre ce titre, nous allons commencer cette conversation par un conte. Un conte tiré de la mythologie grecque. Cela peut sembler très lointain dans l’espace et dans le temps pour nous Burkinabè. Rassurez-vous, il n’en est rien. Car, comme les adolescents d’aujourd’hui, à notre jeune âge tous, nous avons applaudi les exploits d’Hercule au cinéma. Même si nous ne comprenions pas toujours pourquoi ce grand gaillard combattait. Et nous ne comprenions pas non plus pourquoi tous ces gens lui voulaient du mal.

C’est une interminable histoire qui s’est étalée sur douze longues années. Alors, nous allons oser résumer. Hercule était un jeune garçon qui ne savait pas contrôler sa force, et encore moins dompter ses humeurs. Son grand malheur, c’est qu’il est devenu adulte, sans pouvoir changer son caractère. Il avait de nombreux «deuxième bureau». Ce qui provoquait des disputes à la maison avec sa Zalissa. Et un jour, dans un accès de rage, il tua de ses propres mains, sa femme et tous ses enfants. C’est ainsi pour nous tous.

On se fâche, on commet des actes. Et une fois calmé, on se rend compte qu’on a aligné des sottises. Et comme on le fait aujourd’hui, Hercule est allé voir son marabout. A l’époque, on disait l'oracle. Et le grand sorcier lui ordonna de se mettre, pendant douze ans, au service du roi d’un territoire voisin. La grande malchance d’Hercule, c’est que ce roi voisin était malhonnête et corrompu. Et ce potentat lui imposa successivement les tâches les plus difficiles qu'on puisse imaginer : «les douze travaux d'Hercule». Et voilà pourquoi au cinéma Hercule tue des lions à mains nues, et se bat sans répit.

Parmi ces douze corvées, Hercule devait nettoyer les écuries du roi Augias. Un conteur peut s’égarer et perdre le fil de son récit. Tous comprennent et pardonnent si l’histoire est savoureuse. En fait d’écuries, c’était des étables où le roi gardait un troupeau de plusieurs milliers de bœufs. C’est un travail gigantesque, « ine goros tarwail mième », mais ce n’est pas cela qui est embêtant. Hercule devait mettre de côté sa dignité pour aller nettoyer ces écuries qui n’avaient pas été entretenues depuis 30 ans et qui débordaient d’excréments. Imaginez du fumier qui n'avait pas été enlevé depuis trente ans et la puanteur infecte qui se répandait partout! On dit qu’à cause de cela, les gens étaient écœurés et fuyaient ce royaume.

Un endroit extrêmement sale

Jusqu’ici, ce conte vous plaît? Comme c’est notre héros Hercule, il a réussi à nettoyer ces écuries. Comment? On ne vous le dira pas ici. Ce n’est pas notre propos, et puis, on a dit qu’on allait résumer l’histoire! Et puis, quand Hercule a fini son travail, les gens qui étaient chargés d’assister pour témoigner et juger l’ont escroqué. Ce qu’il faut retenir, c’est que quand les Blancs parlent des écuries d’Augias, ils décrivent un endroit épouvantable de saleté. Et nettoyer les écuries d’Augias, c’est prendre des solutions radicales. Comme l’a fait Hercule.

Un endroit qui a accumulé toutes sortes de saletés pendant 30 ans, et qui, de temps en temps laisse échapper des bouffées de puanteur? Un roi malhonnête et corrompu? Des juges qui escroquent à qui mieux mieux? Un travail de nettoyage qu’il faut réussir à tout prix? Tout cela ne vous dit rien? Vraiment rien? Même pas un tout petit peu? Nous sommes au cœur du problème. Et toute ressemblance avec une situation ayant existé ou existant est tout à fait volontaire.

Question importante: comment un endroit devient-il sale? Possiblement, deux réponses. Soit parce que les gens qui y vivent produisent des saletés, soit parce qu’on néglige de nettoyer les lieux. Souventes fois, on a la combinaison des deux. Tous les jeunes célibataires le savent et tous les mâles adultes n’ont pu oublier cette phase de la vie d’homme. Pour l’adolescent qui apprend à vivre indépendant, balayer son habitation revient le plus souvent à déplacer la poussière. C’est-à-dire à planquer les saletés sous le tapis et dans les coins. Pourtant, tous savent ce qu’il en coûte de vivre au milieu des détritus.

Des mesures radicales

Vous pensez que ces images sont exagérées? Jetez un œil sur la presse nationale! Les mots ont un sens. Blanchiment; détournements; escroqueries de toutes sortes; crimes et délits en veux-tu en voilà; manipulations et contorsions à profusion; passations de marché truquées; prévarications diverses et variées; faux papiers et faux diplômes à tous les étages: chaque jour apporte son lot de révélations.

Nous venons d’élire nos responsables nationaux pour les 5 prochaines années. Impossible de confier une mission à quelqu’un en lui liant les mains. Corollairement, si on veut que nos responsables puissent travailler au bien-être commun, il nous revient de leur donner les moyens pour le faire. Et cela commence au niveau du citoyen. On va nous dire que le citoyen est pauvre, que les municipalités ont des budgets squelettiques, et que le gouvernement n'a pas toujours les moyens. Tout cela est vrai. Mais on peut aider quelqu'un en s’empêchant de commettre des actions qui, au finish, entravent ce qu'il entreprend.

Peut-être n’a-t-on pas conscience des actes qu’on pose. Que dire du citoyen qui vient brûler exprès un feu rouge? C’est un bandit en ce sens qu’il contrevient aux règles régissant la vie de tout le monde. C’est un malfaiteur parce que son acte met en danger la vie des autres usagers de la route. De même tous ceux qui attendent l’occasion de prendre «leur part». Quand bien même on sait cette «part» indue! «Régm dinda». Comme s’il avait travaillé en groupe avec quelqu’un et qu’il viendrait en conséquence réclamer la part qui lui revient. «Régm dinda». Comme s’il avait confié de l’argent à quelqu’un! Le Trésor public alimenté par les impôts et les contributions de tout le monde devient donc un butin qu’il faut s’empresser de partager.

On cautionne sans le savoir les concitoyens à l’entregent féroce, embourbés dans des «anffières». Calomnie? Chacun doit questionner son propre comportement. On encense untel pour ce qu’il possède, sans même prendre le temps de s’interroger sur l’origine de ces biens. Et après, on fait mine de s’étonner quand le pot aux roses est découvert. On ne cherche même pas à masquer son envie, ou encore sa jalousie. Envier un tricheur! Jalouser un détourneur de biens publics! Pourquoi pas les féliciter, pendant qu’on y est?

On joue au «rouge perdu, noir gagné» avec l'argent public, alors que des hôpitaux manquent de tout, alors qu'on crève la dalle dans nos contrées, alors que des policiers et des gendarmes pourchassent des brigands sans pouvoir disposer du matériel adéquat! Le ministre d’État, Simon Compaoré, vient de le constater lors de sa visite à la maréchaussée. Un conseil de ministres vient de débusquer 86 milliards de blanchiment, c'est-à-dire une somme folle «lob likin», et pendant ce temps notre gouvernement est obligé de mendier pour s'occuper de nous! Qui prend au sérieux un chef de gouvernement qui se promène avec une boîte de «tomat dooro» à la main?

Monsieur le Maire? C'est pas la peine quoi!

Laissons maintenant le citoyen tranquille pour nous porter au niveau territorial, c’est-à-dire dans le bureau de Monsieur le Maire. Il faut que nous ayons le courage de regarder ce que nous sommes devenus. Pas un jour, pas une cité, où l’on ne parle d’affaires brumeuses de parcelles. Question difficile, emmerdante même, puisqu’elle relève de la gouvernance de proximité. Jusqu'au sommet de l’État. Des affaires d'hier non résolues, telles un célèbre verger à Koudougou. Des affaires dans lesquelles des «môgô pissant» d'avant et de maintenant se prennent malencontreusement les pieds; qu'importent les «explications» -qui n'expliquent rien du tout- de la Sonatur! Ce n'est pas rien si au Parlement on envisage de retirer les prérogatives relatives au lotissement des mains des maires.

C'est même la question la plus dangereuse. Pourquoi? Justement parce que c'est une affaire de proximité. Je ne connaissais pas Blaise. Je ne connais pas bien Roch. Mais je connais le maire qui gère ma commune. Je connais et fréquente chacun des membres de son équipe municipale. C'est dire que je côtoie quotidiennement les personnes responsables, directes ou indirectes, de mes tourments. La question des Koglweogo agite tous les crânes. Mais qui peut prétendre qu'un jour ou l'autre il n'a pas rêvé de pouvoir passer à l'acte?

Le schéma est simple et terrible à la fois. Au village et dans le quartier, on n'a pas besoin du papier du Blanc pour savoir quel terrain appartient à qui. Si à coups d'entourloupes on se fait spolier, ça laisse des traces. Quittons les questions de cadastre pour nous porter à hauteur d'homme. Construire une maison est l'affaire de toute une vie. C'est-à-dire qu'on prive tous les membres de la famille pour réaliser un tel projet. Et si à la fin on se fait dribbler, ça revient à dire que toute votre vie ne vous a servi à rien. Et que vos parents et vos connaissances sont des nullards qui ne vous sont d'aucun secours.

Dans de telles conditions, qui peut dire valablement qu'il n'a pas dans les yeux des envies de massacre? Surtout si on se persuade qu'il ne sert à rien d'aller perdre son temps auprès de tribunaux capables seulement de comprendre les mots de ceux qui ont l'argent. Et on croise tous les jours les gens qui peuvent vous rendre justice. Et qui ne le font pas. On pousse le cynisme et la cruauté au point de venir vous expliquer que vous êtes un imbécile attardé qui ne comprend rien à la marche du monde.

Et que donc ce qui vous arrive est uniquement votre faute. Il peut même vous arriver de vous laisser convaincre que leur logique tordue semble tenir la route. Car, de nos jours, celui qui se bat pour rester «wonnète», celui qui respecte le bien d'autrui, celui qui ne sait pas profiter des situations, celui-là est l'imbécile. Vous voilà étiqueté comme le gars incontrôlable avec qui on ne saurait «travailler». Rien que cela situe l'étendue et la profondeur de notre mal.

Nous faut-il un Torquemada au Burkina Faso?

Les titres s'enchaînent dans la presse burkinabè, provoquant stupeur et incompréhension. Tous ces errements, alors que nous savons que la tâche qui nous attend est immense et incontournable. Alors que nous connaissons et vivons d'insolubles problèmes économiques. Quand bien même nous voyons des périls s'accumuler à nos portes. Qu'est-ce qui nous arrive? Pourtant, il nous souvient qu'il y a eu une campagne électorale et que nous avons voté un Président et son programme. Nous avons encore en tête le discours du Président lors de son investiture. Tout comme nous n'avons pas pu oublier le discours de politique générale du nouveau Premier ministre.

Pour la clarté du propos, encore un peu d'histoire. Pour dire qui est le personnage cité plus haut. Une fois de plus, c'est long et on va prendre la liberté de résumer. Il faut avoir pitié du lecteur. «Tomás de Torquemada, né en 1420 à Valladolid dans le royaume de Castille le 16 septembre, était un dominicain espagnol du XVe siècle. Confesseur de la reine Isabelle de Castille et du roi Ferdinand II d'Aragon, il est le premier Grand Inquisiteur de l'Inquisition espagnole de 1483 à sa mort.»...

...«Il occupera la fonction d'Inquisiteur général d'Espagne pendant 15 ans jusqu'à sa mort en 1498, s'acquittant de sa mission avec un zèle redoutable et une détermination implacable. Sous son autorité, environ 100 000 cas sont examinés par l'Inquisition espagnole et 2 000 condamnations à mort prononcées.»...

Avec l'aide de légistes, il rédigea un «code de l'inquisiteur» de vingt-huit articles qu'il promulgua le 29 novembre 1484 à l'occasion de l'assemblée générale des inquisiteurs à Séville.» (...) «L'Inquisition, sous la houlette de Torquemada, se caractérisa par son manque de pitié et sa brutalité.»

Retrouver l'unité des cœurs par la réconciliation nationale

«Traiter un passé douloureux pour en faire un présent fraternel», la formule est admirable. Admirable en ce qu'elle n'esquive rien. Admirable ensuite par ce qu'elle implique de travail nécessaire. Admirable enfin car dans le terme «présent» elle laisse également entendre «l'avenir». Oui, un présent fraternel tendant vers un avenir rigoureux.

Qui ne voit que «traiter ce passé douloureux» est aujourd'hui indispensable? C'est le genre d'affaires que nous avons trouvé judicieux de différer par des calculs savants. Au point que notre nation est devenue de véritables écuries d'Augias. Pour nous éviter d'avoir à convoquer un acteur public de sinistre mémoire tel que Torquemada, il nous faut impérativement retourner sur nos pas. On sait le prix à payer pour un tel exercice. Chacun en ce qui le concerne. Là également il ne sert à rien de créer une institution aussi essentielle tel le Haut Conseil pour la Réconciliation et l'Unité nationale, si on lui lie les mains d'entrée de jeu.

Retournons donc sur nos pas pour questionner l'avenir. Et c'est là qu'on s'aperçoit que la réconciliation nationale a toujours fait partie du discours politique dans notre pays. Les dates sont connues: 11 février 1992, forum de réconciliation nationale; 1er juin 1999, institution du Collège de Sages; 23 novembre 1999 Commission ad-hoc chargée de la réconciliation nationale; 30 mars 2001, journée nationale de pardon; mardi 23 octobre 2007, forum de réconciliation nationale. Pourquoi toutes ces tentatives ont-elles échoué avec une belle constance? Parce qu'il s'agissait de réunir des gens bien choisis, de les faire discuter sur un périmètre étroitement délimité, afin d'aboutir aux conclusions que le pouvoir souhaite. C'est bien connu. «Unissez-vous!», ça marche. «Unissez-vous autour de moi!», ça peut marcher un temps.

La manœuvre a été si souvent utilisée qu'elle en est devenue transparente. On va tenter de la décrire. Prenez un rond-point. On bouche toutes les voies à l'exception de celle où l'on souhaite voir les gens s'engager. Il suffit alors de patienter. Fatigués de tourner en rond, les manifestants finiront bien par passer devant la troupe, ne serait-ce que pour rentrer chez eux. Même à un carrefour, ça marche. Et c'est comme cela qu'on a accumulé les frustrations et les rancœurs au fil des années. Un empilement de rendez-vous manqués qui a laissé les problèmes s'amonceler.

Rappelez-vous: ou on nettoie vraiment la chambre, ou on met la poussière sous le tapis et dans les recoins. Il peut également paraître habile de déplacer les problèmes au lieu de les résoudre courageusement. Le pouvoir défunt a dépensé des tonnes d'énergie pour repousser la Conférence nationale souveraine. On a constamment déplacé cette revendication vers des institutions malhonnêtement conçues. On passe sur le CCRP et autres formules alambiquées. Il était pourtant évident que ce grand pawwaw national devait avoir lieu. Rien à faire! Comme disait Lénine, «Les faits sont têtus».

Regardons au Bénin voisin. Si Yayi Boni n'a pas réussi dans ses entreprises, il faut chercher l'explication dans l'histoire politique de ce pays. Premier à s'engager dans le cycle des conférences nationales souveraines, le Bénin a su franchir cet obstacle et remettre les compteurs à zéro. On a ensuite bâti des institutions stables sur un socle solide. Si bien que les manœuvres des hommes n'ont pu en venir à bout. De même la grande Afrique du Sud. Dans ce pays sorti de l'apartheid au terme d'un long combat, Desmond Tutu a su conduire les douloureuses séances de la Commission vérité et justice. Après quoi, les frasques des successeurs de Nelson Mandela sont restées sans effet sur l'édifice institutionnel. A l'inverse, dans les pays qui ont refusé de retourner sur leurs pas pour solder le passif des années de feu, on peine à sortir des pouvoirs personnels. Pour nous aussi, ça ne va pas être facile. Notre chance, c'est que nous n'avons guère le choix. Ce n'est là qu'un paradoxe apparent.

Terminons cette causerie avec cette citation de Gandhi: «Le combat contre l'injustice et le mensonge est un combat d'usure, qui ne doit pas faire appel à la force matérielle, sous peine de déclencher une escalade de violence. Le combat doit faire appel à la force de l'esprit.»

Sayouba Traoré

Écrivain-Journaliste
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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