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Adama Pamtaba, époux de la défunte Zourata : « elle avait pourtant dit que la table ne supporterait pas son poids »
Publié le mercredi 23 mars 2016  |  L`Observateur Paalga




Un accident s’est produit dans la nuit du 15 au 16 mars 2016 dans la maternité du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo (CHU-YO). En tombant de la table d’accouchement, Zourata Nana, épouse de l’acteur de cinéma Adama Pamtaba, a perdu la vie et son bébé. Dans l’après-midi du dimanche 20 mars, nous nous sommes rendus à son domicile dans le quartier Goundrin (secteur 44, arrondissement 10) de Ouagadougou, pour lui présenter nos condoléances et en savoir davantage sur ce drame. D’un ton tantôt larmoyant, tantôt calme, tantôt menaçant, celui qui est aussi le chargé de communication de la police municipale revient sur les faits tels qu’il les a vécus.


Vous vivez un moment assez difficile, consécutivement au décès de votre femme et de votre bébé. Pouvez-vous nous retracer le film de cet incident ?


(Après quelques instants de silence) Le mardi 15 mars, quand je suis revenu du service, j’ai trouvé ma femme dans la cour. Nous nous sommes salués, et vu qu’elle était presque à terme, elle s’est préparée et nous avons démarré vers 21h 45 mn en direction du dispensaire du quartier Dassasgho. Arrivée sur place, elle a été reçue par la sage-femme, qui m’a dit que mon épouse a quelques petits problèmes, notamment un ventre énorme et une tension élevée, et que face à cela, le centre n’est pas équipé en cas de problèmes. Elle nous a donc recommandé d’aller soit au CMA du secteur 30, soit à l’hôpital Yalgado, tout en précisant qu’elle était « à trois doigts », ce que je n’ai pas compris. Nous avons opté pour Yalgado. A l’entrée de la maternité, elle avait les reins un peu cassés et j’étais obligé de la soutenir par le bras. J’ai dit bonsoir au personnel et lui ai expliqué que ma femme devait accoucher. Il y avait au moins cinq personnes. Parmi elles, une dame m’a dit : « allez de ce côté-là ! », en m’indiquant de la main le box d’accouchement. J’ai accompagné Madame à ce niveau, où une dame m’a demandé d’un ton autoritaire de ressortir, parce que les hommes n’ont pas accès à cette salle. Je suis alors reparti à la maison chercher ma vieille, et au retour on m’a tendu un kit d’accouchement et j’ai payé les 3 600 F CFA. On m’a remis un autre bon, pour que j’aille chercher le tube qu’on utilise pour les examens de sang. Quand je l’ai amené, on m’a remis une ordonnance pour aller chercher des produits à la pharmacie de l’hôpital. En revenant, j’ai vu une infirmière qui courait dans le couloir en disant : « Monsieur Pamtaba, venez vite, il y a un problème ! ». Je demande ce qu’il se passe, elle reste bouche bée. Nous entrons dans le box d’accouchement, dont on m’avait refusé l’accès initialement, je trouve ma femme étendue sur le dos, le front boursouflé comme si elle avait reçu un gros coup de poing, la bouche ensanglantée, avec une langue à moitié… (M. Pamtaba soupire, les larmes aux yeux, avant de se ressaisir). Je cherche à savoir ce qu’il s’est passé et on me répond que la table s’est cassée. Mais comment c’est possible? Ma femme avait un rythme respiratoire insoutenable. Je lui ai tendu un bocal pour qu’elle crache son sang, mais elle ne pouvait pas. J’appelle son nom. Elle ouvre les yeux mais ne peut rien faire. Je dis au personnel de lui faire une intervention chirurgicale ici et maintenant, pour sauver ce qui peut encore l’être. On me tend alors une grosse ordonnance de treize produits. Je repars à la pharmacie de l’hôpital, mais comme un produit manquait, je continue en ville. C’est à ce moment-là que la vieille m’appelle, pour me dire de revenir parce qu’elle vient d’accoucher. La question qui me taraudait l’esprit, c’était de savoir comment ça avait été possible, étant donné que je l’avais laissée presque inconsciente. Pouvait-elle pousser en cet instant ? De retour à l’hôpital, je la trouve toujours couchée dans la même position, allongée dans une mare de sang. On me tend une autre ordonnance pour un kit déchirure. On se décide finalement à l’amener au bloc opératoire, d’où elle ressort seulement 45 minutes plus tard. Comme il n’y avait pas de lit disponible, on la laisse alors dans le couloir sur une natte. Et c’est là qu’elle rend l’âme. Entre temps, j’avais vu du sang sortir de la natte, et en soulevant les pagnes, quelle n’est pas ma surprise de voir une telle quantité d’hémoglobine! Cela m’a quelque peu traumatisé. J’ai appelé le personnel soignant. Lorsque l’un d’eux est arrivé, la respiration de Madame partait peu à peu. Il est allé chercher l’équipe de réanimation, qui était toujours dans la salle d’accouchement avec le bébé, puisqu’il n’avait pas crié à la naissance. Les mêmes qui réanimaient l’enfant sont donc venus placer un instrument sur l’un des doigts de Madame. L’appareil clignotait. Ils ont d’abord voulu me faire sortir, mais quand j’ai dit que j’en étais le mari, ils m’ont autorisé à rester. Quelqu’un a voulu savoir si je pouvais supporter. Je leur ai demandé si je ressemble à quelqu’un d’effrayé. Si ma femme devait mourir à la maison, ce serait dans mes bras, donc je reste. Madame récitait ses sourates. Elle m’a tendu la main pendant que le médecin faisait un massage cardiaque, jusqu’à ce que sa respiration se coupe. J’ai su quand elle a rendu son dernier souffle, mais le monsieur a continué quand même à masser et l’appareil qui clignotait s’est arrêté. J’ai compris que c’était fini, mais le monsieur voulait m’encourager en continuant. J’ai tapé son épaule en lui disant : « mon frère, ce n’est pas votre faute, vous avez fait tout ce que vous pouviez, mais Dieu a voulu qu’elle parte maintenant. »



Qu’en est-il du bébé, qui se trouvait lui aussi en réanimation ?



L’enfant est né à 3h30, et sa maman est décédée 2h plus tard. L’autre calvaire qui m’attendait après le décès de Madame, c’est que tout le monde me fuyait. Dès que j’empruntais un couloir, les gens cherchaient à m’éviter et s’enfermaient dans leur bureau. Un monsieur m’a expliqué que les gens ont peur de ma réaction, mais je lui ai expliqué que je suis un homme de 43 ans, que je porte la tenue et que j’ai vu des choses plus atroces que cela dans ma vie, même si elles ne me concernaient pas personnellement. Donc me comporter mal ne me grandirait ni ne m’honorerait pas. Ne supportant plus de voir ma femme allongée dans le couloir, j’ai simplement demandé qu’on l’amène à la morgue de l’hôpital. J’étais d’autant plus gêné que les gens assistaient à la scène, que ma femme, même sans grossesse, pesait déjà plus de 130 kg. Les brancardiers sont donc venus l’évacuer.

Concernant le bébé, il n’y avait pas de kit de réanimation pour enfant. Les agents ne savaient même pas comment faire pour l’amener de la maternité à la salle de réanimation qui se trouve du côté des urgences. Mais on est dans quel foutu hôpital, de surcroit national, qui, dans la maternité, n’a pas de trousse de première urgence, et où il y a des difficultés à se déplacer d’un point A à un point B? C’est lamentable ! C’est là que j’ai commencé à m’énerver, en disant aux agents de faire tout leur possible pour que l’enfant vive, afin que la mort de sa maman ne soit pas vaine. Mais finalement ils n’ont pu le sauver non plus, et il est décédé le jeudi 17 mars à 12h.



Les autorités sanitaires parlent d’enquête en cours, sûrement pour situer les responsabilités…



(Il nous coupe). Je suis un croyant, mais pour être franc, plusieurs choses m’ont choqué. Je vais vous montrer les certificats de décès de ma femme et de mon enfant. Ce qui a été écrit est révoltant. Figurez-vous que le certificat de constatation du décès de ma femme a été écrit sur un papier déjà usagé. Ecrire au verso à main levée que ma femme est décédée de sa maladie, c’est insultant ! Même si c’est un terme médical, j’ai moi-même assisté à la mort de ma femme. Elle était suivie médicalement aussi bien à Saint-Camille (un autre centre de santé de la capitale, ndlr) qu’à Yalgado, mais jamais on nous a signifié une quelconque anomalie (il hausse le ton). Comment peut-on me faire croire qu’elle est morte de sa maladie ? Je crois qu’un autre terme serait plus approprié.

Cependant, pour le certificat de décès de mon fils, au moins ils ont pu trouver un spécimen, mais c’est également écrit qu’il est mort de maladie. Je me suis posé la question également de savoir si une grossesse est une maladie, et pourquoi ne pas écrire « mort suite à l’accouchement ». J’ai aussitôt compris l’enjeu juridique qu’il y avait derrière ce terme, parce que cela engagerait la responsabilité de l’hôpital, et c’est justement ce qu’ils cherchaient à fuir. Quand ils disent qu’ils vont engager une enquête interne pour ceci, cela, je m’en fous ! J’ai vu ce qui s’était passé, que la table s’était cassée, que le personnel médical s’est mal comporté avec moi, qu’ils ont essayé de m’escroquer sur les prix des médicaments, alors qu’ils ne sont même pas habilités à en vendre… (son ton se fait de plus en plus menaçant). Bref, on sait qu’il y a de réels dysfonctionnements dans cet hôpital et je ne veux pas polémiquer. Avec ma femme, on avait douze ans de mariage, trois filles à charge… Madame venait d’achever une formation de secrétaire administrative à l’ENAM (Ecole nationale de la magistrature, ndlr). Elle venait juste de prendre service, mais a dû cesser entre-temps du fait de sa grossesse. Elle devait soutenir son master 2 en gestion d’entreprises en juin prochain, donc vous comprenez ma peine, ma colère. Rien ne ramènera ma femme, mais je vais devenir un activiste et me battre pour que certains agissements cessent dans cet hôpital.

Qu’ils aient honnêtement le courage de dire aux gens, au peuple qu’il y a de réels problèmes à l’hôpital, il y a des gens qui y sont et ne cherchent que l’argent. Cela est vérifiable, ça se passe au vu et au su de tout le monde, mais personne ne dit mot, c’est très grave. Une table coûte combien ?

Le décès de ma femme fait de moi un activiste et là où je peux porter loin ma voix pour que les choses changent je le ferai, parce que ce qu’ils sont en train de faire est plus criminel qu’un coupeur de route, plus criminel qu’un policier qui prend 1000 F CFA d’un usager en circulation, parce que simplement un patient qui va à l’hôpital confie sa vie à quelqu’un dont il ignore qu’il est prêt à lui soutirer les derniers sous qu’il a pour se soigner.

Après mon poste sur Facebook, j’ai vu la réaction de l’hôpital avec mes propos entre griffes. Cela voulait peut-être dire qu’on ne donne pas trop de crédit à ce que j’ai dit. Cela a été suivi de « l’hôpital mènera des investigations ». J’étais davantage surpris qu’ils n’aient eu connaissance de cet incident que par mon poste. Dans tous les cas, je n’incrimine pas quelqu’un, mais l’Etat, parce que le lit c’est l’Etat qui l’achète, quitte à l’Etat à se retourner contre l’agent indélicat qui a fait monter ma femme sur ce lit, d’autant plus qu’elle avait pourtant précisé que ce lit ne pourrait pas la supporter. Au nom de Dieu et de tout ce qui m’est cher, c’est ce que Zourata a dit et on lui a dit de monter, qu’il n’y a rien. Les faits donc sont là, le lit s’est cassé, c’est une négligence humaine. Je n’engage pas de poursuite pourquoi ? Parce que je ne crois pas en cette enquête, cela va trainer parce que ce serait une enquête contre l’Etat ; ensuite, qui va mener cette enquête ? La gendarmerie ou la police et le personnel médical qui aura le plus gros boulot, notamment une autopsie pour dire si c’est la chute qui la tuée, mais ce personnel sort d’où ? Je n’ai pas d’argent pour demander une contre-expertise, ce sont eux qui donneront les résultats qu’ils veulent. Supposons que ce soient des résultats qui sont contraires à ce que j’ai vu, cela signifierait que je mens, que ce n’est pas la chute de la femme qui l’a tuée, avec des termes techniques, donc cela me fera plus mal. De plus, j’ai déjà enterré ma femme et mon enfant, je suis en train de faire mon deuil, je ne supporterais pas d’exhumation. Même si j’engage des poursuites et qu’on me donne tout le budget du Burkina Faso, cela ne me ramènera pas ma chère Zourata ni mon garçon. L’important pour moi était de tirer la sonnette d’alarme pour que ces bêtises cessent à l’hôpital national. Qu’ils aient le courage de reconnaître qu’ils ont un personnel merdique, des personnes à valser. Même dans les CMA et les CSPS, il y a de l’estime dans l’accueil.



Aboubacar Dermé (Stagiaire)
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