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Médicaments de la rue : un poison qui tue à petit feu
Publié le mardi 15 mars 2016  |  L`Observateur Paalga




Autrefois, les médicaments vendus dans la rue étaient l’apanage des classes défavorisées. Mais de plus en plus, on constate que même des personnes aisées se fournissent désormais sur ce marché informel. Pourquoi cela ? Sont-ils conscients des risques auxquels ils s’exposent ? Nous avons interrogé à la fois commerçants, médecins, consommateurs, et voici ce qu’ils nous ont répondu. Lisez plutôt!

Pour commencer, voulez-vous connaître un petit secret ? Nous sommes convaincus que ça va vous intéresser, parce qu’au fond, qui n‘aime pas les secrets ? C’est bien connu, tout ce qui est caché, dissimulé, on a toujours envie de le dévoiler... Pour tout vous dire, il s’agit d’une nouvelle qui nous a sidéré et nous a poussé à entreprendre nos recherches sur les médicaments de la rue. Nous n‘arrivions pas à comprendre. Dites-nous, vous, comment réagiriez-vous en apprenant qu’une dame que vous connaissez très bien achète ce genre de médicaments ?

D’autant plus qu’elle n’est ni pauvre, ni illettrée. Bien au contraire, vous savez parfaitement que la personne « vit à l’aise », comme on dit. Alors pourquoi ? On ne cesse de répéter que les médicaments de la rue sont nuisibles à la santé ; mais mesure-t-on réellement la portée de leurs effets ? En quoi peuvent-ils être dangereux pour le consommateur ? Si les gens sont conscients des risques, qu’est-ce qui peut bien les pousser à en acheter ? Nous ne savons pas si vous désirez en savoir plus, mais en ce qui nous concerne, nous brûlons de vous faire partager ce que nous avons découvert.

Une question bénigne et c’est tout une profession qui se contracte

Et puisqu’il faut commencer par le commencement, mettons-nous d’abord d’accord sur la définition des termes. Qu’appelle-t-on médicament de la rue ? Au Burkina Faso, les professionnels incluent les produits de la rue dans ce qu’ils appellent médicaments illicites. Ils sont généralement vendus en plein air, ou si vous préférez en dehors du circuit pharmaceutique.

On peut en distinguer deux sortes : ceux qui sont contrefaits, et ceux qui proviennent du circuit normal mais finissent par se vendre sur les étals des marchés ou à la sauvette. Les conditions de conservation ne sont plus les mêmes et la substance perd ses attributs, donc sa stabilité et son efficacité. En général, ces produits sont initialement les plus chers du marché.

Les plus sollicités demeurent toutefois ceux contre les douleurs, les infections ou encore le paludisme. Un autre groupe important est celui des psychotropes, qui agissent sur le psychisme. Pour en savoir plus, nous sommes allés nous entretenir avec les vendeurs de ces produits.

Tenez-vous bien, ça n‘a pas été facile, car les choses ne se sont pas vraiment passées comme nous nous y attendions. Nous nous sommes d’abord rendu sur un marché où nous avions auparavant aperçu des sachets de ces médicaments étalés le long de la voie. A notre arrivée, nous n‘y avons trouvé qu’un seul monsieur, à qui nous nous sommes présentée et avons expliqué être journaliste en recherche d’informations sur les articles qu’il commercialise. Naïvement, et heureusement pour nous, il a accepté de nous répondre.

Pendant que nous nous entretenions, ses collègues sont arrivés les uns après les autres. L’un d’entre eux s’est présenté comme leur chef. Une fois informé de la raison de notre venue, laissez-nous vous dire que la nouvelle était loin de le réjouir! Il s’est mis à traiter ses camarades d’ignares parce que, selon lui, répondre à une femme de média serait se condamner. Pour lui, nous étions comparable à un espion envoyé par les autorités pour les épier et les faire arrêter.

Petit à petit, il est parvenu à convaincre les autres et l’ambiance a commencé à devenir tendue. Craignant que les jeunes ne s’emportent contre nous, nous avons alors décidé de partir avec le seul enregistrement que nous avions réussi à obtenir. Pas besoin d’explication : ces pharmaciens improvisés savent très bien que la loi interdit leur activité. Dès lors, pourquoi bravent-ils les autorités de la sorte ?


Un médicament sur dix vendu dans la rue

Pour Yacouba Ouédraogo, le commerçant qui a bien voulu nous parler, l’explication est à mettre au compte du chômage. Le jeune homme admet volontiers ses connaissances limitées en matière de produits pharmaceutiques, mais essaie néanmoins de veiller à ne pas acheter des articles périmés, émettant l’hypothèse que les professionnels aient peut-être de bonnes raisons de déconseiller ces médicaments de substitution. « Puisqu’ils ont fait des études, ils savent sans doute ce qui est bon ou mauvais. Mais en ce qui nous concerne, ces comprimés nous conviennent», tente-t-il de justifier.

Un autre élément nous a frappé sur le terrain : le nombre de personnes intéressées. Sur ce point, Yacouba Ouédraogo avance une autre explication : « Nous n’avons pas vraiment le choix. Quand on a mal à la tête, au ventre, à la dent et même quand on se sent fatigué, il nous suffit de prendre un ou deux de ces comprimés, et 5 minutes plus tard on n’a plus mal. Ça ne coûte pas trop d’argent, puisque le plus onéreux chez nous est à 2 000 F CFA », développe-t-il, présentant « des produits pour les hommes ».

On n’ira pas jusqu’à dire que les médicaments de la rue s’écoulent comme des arachides, mais considérons tout de même cette estimation communiquée par la CEDEAO en 2010 : au Burkina Faso, un médicament sur dix serait vendu sur ce marché parallèle. « Contrairement à ce que les gens pensent, le Burkina a le plus faible taux comparé aux autres pays de la sous-région », relativise néanmoins le professeur Rasmané Semdé, responsable de la direction de la Pharmacie, du Médicament et des Laboratoires auprès du ministère de la Santé.

Dans tout ce lot de consommateurs, on compte ceux qui sont convaincus que les médicaments de la rue sont plus efficaces que ceux de la pharmacie. A ce propos, comment ne pas partager avec vous l’histoire de cette amie qui souffrait de maux de dents ? Alors qu’on lui avait acheté des calmants chez l’apothicaire, celle-ci a préféré se tourner vers les marchands ambulants. Surprise, nous lui avons demandé si la plaquette du pharmacien était déjà terminée. Réponse : « Non, mais ils ne suffisent pas à calmer ma douleur. En revanche, celui que j’ai l’habitude d’acheter me soulage vraiment beaucoup ». Vous y croyez ? Ces traitements peuvent-ils être aussi efficaces, si ce n’est plus, que les remèdes « réguliers » ?

Médicaments de la rue, médicaments de la pharmacie : quelles efficacités ?

Selon certains professionnels du médicament, c’est avant tout psychologique - ce que les chercheurs appellent « l’effet placebo ». Mais pour le Pr Semdé, l’explication tient davantage de la logique. En effet, selon lui, les médicaments de la rue prétendent avoir les mêmes propriétés que ceux du circuit légal de distribution (pharmacies, structures de santé, dépôts). Entre ces deux types de médicaments, la différence est pourtant énorme et tient à la nature réelle du composant. Est-ce le même que celui indiqué sur l’emballage, ou bien seule la quantité varie ?

La substance ne s’est-elle pas dégradée ? D’autres ingrédients ne se sont-ils pas également ajoutés au produit initial ? Toujours est-il que pour Rasmané Semdé, l’efficacité des médicaments est fonction de la puissance de leurs composants, et que ceux de la rue ne sauraient être plus efficaces que ceux du circuit légal. S’ils le sont, il y a une raison et voici comment le professeur nous l’explique :

« Prenons un exemple : pour un patient qui se rend à l’hôpital, l’agent de santé va lui prescrire le produit qu’il faut en tenant compte de son niveau de douleur. Afin d’éviter au maximum les effets secondaires, il lui demandera de bien respecter les posologies. Mais si vous achetez dans la rue, vous pourrez tomber soit sur un stupéfiant, soit sur un comprimé surdosé. L’un ou l’autre, c’est vrai que vous serez très vite soulagé, mais il convient surtout de se demander pourquoi. S’il est surdosé, cela veut dire par exemple qu’il est fait pour soigner une maladie de palier 2, alors même que la vôtre n’en est qu’au palier 1. En pharmacie, le produit est mieux conservé et les équivalences sont respectées (…) Les médicaments présentant des forts risques de dépendance, on ne les conseille qu’en cas d’extrême nécessité. Si vous y prêtez garde, vous verrez des jeunes qui, tant qu’ils ne prennent pas au moins 2 à 4 comprimés quotidiennement, ne peuvent rien faire de leur journée. C’est comme ça que la toxicomanie apparaît et c’est très dangereux », alarme M.Semdé.

Qu’en pensez-vous, très chers amis ? Qui croire ? Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’en faisant confiance à des commerçants illettrés, vous vous exposez à des problèmes plus graves encore. Par exemple, des cas d’insuffisance rénale ont été constatés après consommation des fameux « produits pour hommes » que nous présentait tantôt Yacouba Ouédraogo. En cause : un dosage dix fois supérieur à la normale. D’autres absorptions peuvent même se révéler mortelles, comme lorsque vous prenez un produit soi-disant contre le paludisme, et qu’en réalité il ne s’agit pas d’un antipaludéen. Le temps de vous en rendre compte, votre état a empiré et il est devenu difficilement récupérable. Les médicaments surdosés peuvent par ailleurs avoir des effets néfastes sur le foie, les reins ou le cœur.

Parents, surveiller vos enfants

Comment éradiquer à jamais ce phénomène dans notre pays ? Pour le Pr Semdé, il faut sensibiliser les gens sur les conséquences que peuvent avoir ces substances. « Il faudrait que chacun sache que cette efficacité dont ils parlent est éphémère », préconise-t-il. Pour ceux qui avancent le coût des produits pour expliquer ce trafic, le professionnel de la pharmacie explique que plusieurs politiques ont été menées depuis quelques années pour trouver des médicaments moins chers dans les circuits légaux. D’aucuns diront que dans la rue on peut vous vendre à l’unité, ce qui n’est pas le cas en pharmacie. Cela tient-il la route ? « Le produit donné correspond au traitement, qui ne se résume pas à une ou deux prises seulement », explique Rasmané Semdé.

Enfin, les parents doivent surveiller leurs enfants, parce que le plus souvent c’est à l’école qu’ils commencent à consommer ces produits. Au Burkina Faso, la lutte contre les médicaments de la rue est l’une des missions du Comité national de lutte contre la drogue. Le professeur Semdé nous explique que « cela est dû au fait que beaucoup de ces substances entraînent la dépendance, ou si vous préférez, la toxicomanie. »



Zalissa Soré (Stagiaire)
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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