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"La sexualité ne doit plus être un tabou...", Naaba Baongo du quartier Burkina
Publié le vendredi 4 mars 2016  |  Sidwaya




Naaba Baongo est un chef coutumier du Burkina, l’un des plus grands quartiers de Koudougou, ville située à 100 km de Ouagadougou. Cela fait 11 ans qu’il préside aux destinées de ce royaume. Intellectuel, gardien des coutumes, cet ancien professeur d’éducation physique et sportive à la retraite conseille ses sujets à planifier les naissances car avoir beaucoup d’enfants n’est plus signe de richesse. Lisez plutôt l’interview qu’il nous a accordée en début du mois de février 2016 dans son palais au quartier Burkina.

Sidwaya (S.) : Quelle est la position du chef traditionnel, Burkina Naaba Baongo, sur la planification familiale ?

Naaba Baongo (N.B.) : Dans le temps, on disait que la plus grande richesse ce sont les enfants. Quand un homme avait beaucoup d’enfants, il se considérait comme riche. Cela était vrai parce que les gens se nourrissaient du travail de la terre qui nécessitait une main-d’œuvre importante. Il fallait avoir beaucoup de femmes et d’enfants pour s’occuper des champs. Est-ce que par rapport à la situation actuelle, un chef peut se mettre en marge des réalités ? Quoi que l’on dise, la vie a un peu changé. Il y a un proverbe moaga qui dit que quand ta tante change de mari, il faut aussi changer de parent à plaisanterie. Il faut qu’on s’adapte aux réalités du moment. En tant que chef, je suis conscient qu’avoir beaucoup d’enfants actuellement, c’est des problèmes. Il faut les nourrir, les soigner, les loger, les inscrire à l’école, ce n’est pas aisé. Je prends un exemple. Moi, quand je partais au collège Joseph Moukassa de Koudougou, les frais de scolarité s’élevaient à 6 000 FCFA, actuellement les frais au 2nd cycle à Koudougou s’élèvent à 85 000 FCFA. Si tu as quatre ou six enfants à inscrire, ça sera très difficile. Nous sommes d’accord que les temps ont changé. Ce n’est pas parce que nous sommes les gardiens des traditions, qu’il ne faut pas changer. Ce qui est bon dans nos traditions, nous les gardons jalousement et nous abandonnons les pratiques néfastes et inadaptées.Même dans nos traditions, les espacements de naissances sont pratiqués.
Dans le temps, quand une femme accouchait, son mari la renvoyait dans sa famille pour quelques mois. L’objectif était de l’éloigner de lui pour éviter qu’il y ait des rapports sexuels. Et cela permettait à la femme de s’occuper un tant soit peu de son bébé et de sa santé. On peut dire que c’est archaïque mais c’est une manière aussi d’espacer les naissances pour éviter des grossesses rapprochées.Aussi, nos grand-mères pratiquaient des méthodes traditionnelles et naturelles de contraception. Par exemple, elles utilisaient des ceintures qu’elles attachaient pour faire les rapports sexuels et qui les empêchaient de tomber enceinte.

S.: Encouragez-vous l’utilisation des méthodes de contraception modernes ?

N.B. : Je suis pour la planification familiale. Il faut que les professionnels de la santé expliquent bien les produits contraceptifs modernes aux utilisatrices. Parce que souvent, il y en a qui veulent après avoir des enfants et ça tarde. Il y a aussi beaucoup de rumeurs sur ces méthodes. Sinon, s’il ya des méthodes pour espacer les naissances, il faut les utiliser. Cependant, on doit maîtriser leurs effets secondaires. J’encourage tout le monde, hommes comme femmes, à planifier les naissances, ça peut beaucoup résoudre des problèmes vitaux. La vie est devenue tellement cher, compliquée que si on ne planifie pas les naissances, économiquement on ne s’en sortira pas.

S. : En tant que leader religieux, sensibilisez-vous vos populations aux enjeux de la démographie galopante ?

N.B. : Nous avons des cadres à travers lesquels le chef échange directement avec les populations. Lors de nos audiences et de nos fêtes coutumières, nous profitons pour donner des messages sur la santé de la reproduction et de la planification familiale. Nous recommandons de suivre les conseils des professionnels de santé. Nous nous occupons des coutumes et du bien-être familial. Avant, le souhait des chefs traditionnels, c’était d’agrandir le village et d’avoir beaucoup d’enfants, mais maintenant, nous savons qu’il ne suffit pas de faire beaucoup d’enfants mais qu’il faut aussi pouvoir s’occuper d’eux. Les gens nous écoutent et sont conscients que les choses ont changé et il faut une procréation responsable. Il y a un proverbe qui dit que « l’âne met bas pour que son petit puisse le soutenir ». L’homme aussi veut que son enfant puisse être mieux que lui. Mais si cet enfant n’a pas eu la formation, les meilleures conditions pour se développer, il ne pourra pas jouer un rôle important dans la société.

S. : Les hommes s’impliquent moins dans la santé de la mère et de l’enfant. Comment peut-on changer cette mentalité ?

N.B. : L’homme doit être responsable. Dans le temps, on disait que la femme est venue pour procréer. De nos jours, tout cela est dépassé. L’homme doit être conscient que s’il y a la santé dans le foyer, il y aura moins de problèmes. Donc, il a intérêt à ce que son épouse, ses enfants soient en bonne santé.Je reconnais qu’il y a des hommes qui ne sont pas trop favorables au changement. Mais de plus en plus, certains permettent et recommandent souvent à leurs femmes de fréquenter les centres de santé. Le changement est perceptible. Les hommes ne sont plus réticents comme avant.

S. : Les avortements, les grossesses non désirées sont-ils une réalité dans votre communauté?

N.B. : J’ai la chance de côtoyer de la jeunesse du fait de mon métier. Je suis un responsable coutumier qui se frotte aux jeunes. Je me mets souvent à leur niveau, ce qui me permet de les comprendre. Il y en a qui se confient à moi pour des grossesses non désirées rejetées par les parents. Je leur prodigue souvent des conseils. Mais je trouve que ce n’est pas normal que des grandes filles tombent enceinte malgré elles. Je leur dis que c’est inadmissible qu’elles aient des grossesses non désirées dans ce monde d’aujourd’hui plein de moyens de contraception. Je les conseille de se protéger, de faire beaucoup attention pour ne pas gâcher leur avenir. Avec les jeunes, nous échangeons sur des thématiques portant sur la santé mais aussi sur leur avenir.

S. : Quel est le message du chef à l’endroit de la population sur ces thèmes ?

N.B. : Que les jeunes filles écoutent bien les sensibilisations données par le ministère de la Santé et des ONG et associations sur la santé sexuelle et reproductive. Que les parents essaient d’échanger avec leurs enfants sur les questions de la santé sexuelle et reproductive. Ces questions ne doivent plus être taboues. Le contexte oblige ; si les parents ne le font pas, c’est la rue qui le fera à leur place avec toutes les conséquences possibles. La sexualité ne doit plus être un tabou, j’encourage les parents à dialoguer avec leurs enfants sur la sexualité pour mieux les encadrer.

Propos recueillis par Boureima SANGA
bsanga2003@yahoo.fr
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