Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article
Société

Sachets non biodégradables : «nous avons été modérés, mais cette année nous changerons de cap», dixit Désiré Yaméogo
Publié le jeudi 25 fevrier 2016  |  Sidwaya




Sidwaya (S.) : La loi d’interdiction des sachets non biodégradables est entrée en vigueur le 21 février 2015. Une année après, quel bilan pouvez-vous faire de sa mise en œuvre ?

Désiré N. Yaméogo (D.N.Y.) : Après une année de mise en œuvre de la loi, nous pouvons dire que le bilan est positif car aujourd’hui, il n’est plus possible de faire entrer sur le territoire national des sachets non biodégradables, du moins par la voie légale. Les marchandises de ceux qui enfreignent la loi sont systématiquement saisies. Et je puis vous dire que sur ce point, la douane nous tient régulièrement informé. Seules les personnes qui ont un certificat d’homologation (dûment délivré par le ministère en charge de l’environnement) qui prouve que les sachets importés sont biodégradables et celles qui ont un certificat d’exemption peuvent passer la douane. Au stade actuel, nous avons délivré une quarantaine de certificats d’exemption et plus de 150 certificats d’homologation. S’il n’y avait pas cette loi, nous aurions eu du mal à appliquer ces mesures aux frontières. C’est donc vous dire que la loi fonctionne parfaitement depuis qu’elle est entrée en vigueur. En plus de cela, nous avons effectué des sorties de terrain dans plusieurs régions du pays pour constater la présence des sachets plastiques biodégradables sur le marché. Nous avons rencontré plusieurs grossistes qui en disposent comme le témoignent les documents et les échantillons en leur possession. A l’issue d’opérations de saisie menées courant novembre et décembre 2015, nous avons sanctionné les personnes qui continuaient à vendre des sachets plastiques non biodégradables. Cette année, nous comptons étendre ces actions aux autres régions du pays. Cependant, comme cela est courant lors de l’application de toute loi, certaines personnes tardent à comprendre le bien-fondé de ladite loi. C’est pour cela que nous faisons des polices de saisie et sensibilisons à la fois. Cependant, il faut noter que nous ne disposons pas de tous les équipements nécessaires permettant de faire la vérification et le distinguo entre les sachets bio et ceux non biodégradables. En principe, cet appareillage de test de biodégradabilité doit être disponible aux frontières et au sein des directions régionales en charge de l’environnement. Mais, cette année, nous nous emploierons à acquérir ces appareils dans les plus brefs délais. Cependant, d’une manière générale, nous pouvons dire que pour un début, l’application de la loi est sur une bonne voie. Comme vous le savez, ce n’est pas toujours chose aisée d’appliquer une loi à 100% dès la première année de son entrée en vigueur. Nous nous attellerons cette année à corriger les insuffisances.


S. : Est-il possible d’affirmer, aujourd’hui, qu’il n’y a plus de sachets plastiques non biodégradables sur toute l’étendue du territoire?


D.N.Y.: Nous ne pouvons pas l’affirmer de manière absolue. Mais, il faut reconnaître que la quantité de sachets non biodégradables sur les marchés est très faible. Ce qui est certain, c’est que ces sachets ne peuvent plus franchir les frontières que par la fraude. Un état de fait compréhensible au regard de la porosité de nos frontières. C’est pour cela que nous avons effectué des contrôles et sanctionné les contrevenants. Nous n’avons pas médiatisé ces actions, car pour un début, nous n’avons pas souhaité ternir l’image de certaines sociétés ou commerces de la place. Nous avons été modérés jusque-là mais cette année nous changerons de cap tout en rendant publiques nos différentes descentes sur le terrain.


S. : La loi interdit aussi l’abandon des sachets plastiques dans la nature. Cependant nous n’avons pas constaté des actions de sensibilisation des populations ou de répression dans ce sens. Est-ce à dire que cette disposition de la loi ne sera pas appliquée dans un avenir proche ?


D.N.Y. : Cette disposition sera appliquée dès cette année. Mais nous comptons d’abord sensibiliser les populations pour les amener à adopter des comportements éco citoyens afin d’endiguer le problème. Il faut que les gens mesurent les conséquences néfastes des sachets non biodégradables sur l’environnement et optent pour les emballages biodégradables à 100%. Pour cela, il faut des alternatives c’est-à-dire des emballages biodégradables en papier, tissu, etc., à des prix abordables. Nous sommes dans cette dynamique. Cette année, en collaboration avec les commerçants, nous allons produire en masse ce type de produits. Nous allons aussi disposer partout des poubelles publiques pour que les gens y jettent les sachets et autres ordures. Ce n’est qu’après toutes ces actions que nous passerons à la phase de la répression.


S. : Au titre des mesures dérogatoires, la loi autorise les emballages plastiques non biodégradables entrant dans le conditionnement de certains produits manufacturés, sanitaires de recherche scientifique ou destinés aux mesures de sécurité et de sûreté nationale. Ceci, à condition que les bénéficiaires présentent un plan de récupération de ces déchets et payent des taxes pour la mise en œuvre de ces plans. Qu’en est-il de l’application de cette disposition ?


D.N.Y. : Ce volet de la loi concerne surtout les unités industrielles et n’est pas encore mis en œuvre. Cependant, seules les entreprises ayant un certificat d’exemption, ont la possibilité d’importer ces sachets. Nous comptons sensibiliser les acteurs concernés, produire des plans de récupération des sachets à leur intention et les former pour la mise en œuvre desdits plans. Tout cela sera fait cette année. Pour accompagner cette loi, l’Etat a créé le « Projet national de traitement et de valorisation des déchets plastiques » qui a démarré en 2015 et se poursuivra jusqu’en 2018. Ce projet devra permettre d’avoir tous les moyens nécessaires pour mettre en œuvre la loi dans toute sa rigueur.


S. : Le rachat des déchets plastiques collectés par les femmes piétinent puisque d’importants stocks sont entreposés même dans des domiciles privés. Quel est le problème?


D.N.Y. : Cette situation s’explique par l’insuffisance des ressources allouées par l’Etat pour le rachat des déchets plastiques. Au regard des soubresauts politiques qu’a connus le pays, nous n’avons pas reçu la totalité des fonds demandés en 2015. Même si c’était le cas, nous n’aurions pas pu payer tous les déchets plastiques collectés et stockés sur le territoire national. Malgré cela, ce sont des quantités impressionnantes de déchets plastiques qui sont entreposés dans nos centres de stockage. Mais, nous allons continuer d’acheter ces déchets jusqu’en 2018. Le processus n’est donc pas arrêté. De plus, nous travaillons à impliquer davantage les collecteurs et ceux qui valorisent les déchets plastiques pour qu’ils prennent par la suite la relève de l’Etat.


S. : Peut-on dire à l’heure actuelle que la loi d’interdiction des sachets non biodégradables est un échec ?


D.N.Y. : Dire que cette loi est un échec serait une erreur d’information. Il serait possible de parler d’échec si les sachets plastiques non biodégradables continuaient à rentrer au Burkina Faso par la voie officielle. Mais cela n’est plus possible, à moins de passer par des voies frauduleuses. Ce n’est pas en une année qu’on peut enrayer le problème des sachets plastiques. Les déchets plastiques stockés depuis une vingtaine d’années ne peuvent pas être nettoyés en quelques mois. C’est tout un processus qui devra à terme nous permettre d’atteindre l’objectif zéro. De plus la seule différence entre les sachets biodégradables et ceux non biodégradables est le temps de destruction. Pendant que les premiers se détériorent en trois ans maximum, les seconds peuvent atteindre 100 ans dans la nature. Si on ne sensibilise pas les populations, les sachets biodégradables vont à leur tour joncher les rues et on dira que la loi n’est pas appliquée. Nous demandons donc à tous les acteurs, à toute la population de s’impliquer dans l’application de cette loi, car il y va de la préservation de notre cadre de vie.

Propos recueillis par Eliane SOME
(some.ella@yahoo.fr)
Commentaires