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Sécurité publique : faut-il avoir peur des «koglwéogo»?
Publié le lundi 15 fevrier 2016  |  L`Observateur Paalga
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© Présidence par DR
Commune de Saaba : le chef de l`Etat s`offre un bain de foule
Samedi 28 juin 2014. Commune rurale de Saaba. La population de Saaba s`est mobilisée pour accueillir le Président du Faso, Blaise Compaoré, à l`occasion de sa visite à l’université Saint Thomas d’Aquin(USTA) pour soutenir les premiers médecins entièrement formés dans cet établissement catholique




S’il est un sujet qui divise l’opinion nationale aujourd’hui et qui fait florès dans les médias, les gargotes et sur les réseaux sociaux, c’est bel et bien celui de la légalisation ou non des Koglweogo par l’Etat. Tout serait parti de la sortie du ministre de l’Intérieur, Simon Compaoré, qui, dans son paquet de mesures de sécurité après les attentats du 15 janvier 2016, a proposé d’utiliser les associations Koglweogo comme des adjuvants contre l’insécurité. Un caillou dans le jardin des légalistes qui a suscité leur ire, mais au vu de l’ampleur de la protestation, les Koglweogo sont aussi devenues un caillou dans le soulier de l’ancien bourgmestre de la capitale devenu « Monsieur sécurité » dans le gouvernement de Paul Kaba.

Koglweogo signifie littéralement en langue moore, « protéger l’environnement ». Une dénomination qui incline à penser que ces Koglweogo sont des écologistes du dimanche luttant contre les feux de brousse, la divagation des animaux et la lutte contre la désertification. Que nenni ! Ce sont des structures villageoises d’autodéfense nées pour lutter contre l’insécurité grandissante à l’intérieur du pays où les vols, les braquages et les viols sont devenus monnaie courante et ont installé une véritable psychose.

Ces associations suscitent des réactions ambivalentes, une grande méfiance de l’opinion d’une part et une totale adhésion de l’autre. La ligne de fracture range-t-elle d’un côté les légalistes et de l’autre les pragmatiques ?

Ces structures d’autodéfense sont nées du déficit de sécurité et de justice, et la nature ayant horreur du vide, les Koglweogo se sont engouffrées dans la brèche laissée vacante par les forces de sécurité et l’appareil judiciaire. Ainsi, grâce à leur connaissance du terrain, à un réseau interne de renseignement très efficace, les Koglweogo se sont imposées comme une force incontournable dans la sécurisation des villages et sont, grâce à des résultats palpables, très populaires dans leurs communautés. Ces succès les ont fait essaimer sur tout le territoire et puis, elles se sont organisées, parfois en fédérations dans certaines provinces bien qu’elles opèrent dans une parfaite illégalité, leur existence ne reposant sur aucune reconnaissance légale. Faut-il de la part de l’Etat, qui n’arrive pas à protéger ses citoyens, faire contre mauvaise fortune bon cœur et adouber ses Koglweogo ? Ce fut le parti de Simon Compaoré.

Quoique portées aux nues par les populations, leur existence fait polémique. Les journaux se sont fait l’écho des dérives de cette justice populaire dont certains actes laissent à désirer : détentions illégales de personnes, tortures et parfois exécutions sommaires, terreur instaurée dans certaines bourgades. Des violences qui font littéralement froid dans le dos comme les photos dans la presse des dos zébrés de cicatrices des présumés coupables que les Koglweogo ligotent à des arbres et fouettent à sang avec des épineux pour extorquer les aveux.

Aussi, devant ce qu’il considère comme une démission de l’Etat et au regard des dérives possibles de telles structures, le Comité intersyndical des magistrats est sorti de ses gonds et s’est fendu d’une déclaration le 7 février 2016 pour rappeler au gouvernement, s’il l’avait oublié, que seul l’Etat et ses bras séculiers que sont l’armée et la police sont les garants de la violence légale dans un Etat de droit et le Burkina, soit-il de Roch, ne saurait y déroger.

Cette sortie des robes noires embarrasse l’exécutif, dont le communiqué publié le jeudi 12 février 2016 après une rencontre tripartite impliquant le ministère de la Justice, des Droits humains et de la Promotion civique, le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Sécurité intérieure et le ministère de la Défense nationale et des Anciens combattants, est un véritable exercice d’équilibriste. Jugez-en : «Les participants réaffirment la responsabilité exclusive de l’Etat à assurer la sécurité des populations. A cet effet, toute initiative citoyenne dans ce domaine doit être encadrée par les structures habilitées de sécurité dans le respect de l’autorité de l’Etat.»

C’est en soi un rétropédalage de la part de Simon Compaoré, le fils de pasteur, qui avait rapidement donné le Bon Dieu aux Koglweogo sans confession ; il admet dorénavant la primauté de structures de sécurité sur celles-ci ; malheureusement loin de vider la querelle, les autorités, en refusant de trancher dans le vif et en préférant ménager le chou et la chèvre, en faisant dans le flou artistique et le clair-obscur, n’apportent aucune réponse. Le jugement de Salomon n’est pas le meilleur recours en matière de sécurité intérieure.

Mais la question est pendante et il faudra bien que le gouvernement y réponde franco. Faut-il faire disparaître ces structures d’autodéfense d’un coup de décret ou faut-il s’en accommoder en les rendant plus accommodantes ? Il est certain que ces Koglweogo ne disparaîtront pas d’un coup de baguette ministérielle tant que les causes qui les ont générées demeureront : ce sont, entre autres, l’exaspération des populations devant l’impuissance des forces de sécurité à les protéger, la collusion parfois soupçonnée entre certains éléments de la force publique et les gangs, et le discrédit qui plane sur une justice que les contribuables croient corrompue. C’est connu qu’à défaut de la mère, on tète la grand-mère, qu’importe que le sein soit flapi et le goût du lait, rance ! Certains ne sont pas loin de penser que la sortie des magistrats est motivée par la préservation de leurs privilèges plus que par la défense du Droit. Honni soit qui mal y pense.

Si ces structures doivent exister dans l’espace public, il faut d’abord combler le vide juridique dans lequel elles opèrent et leur faire signer un cahier de charges tout en les surveillant comme le lait sur le feu pour éviter les dérapages ; et surtout il faudra en extirper les brebis galeuses et sanctionner sévèrement toutes les défaillances. Dura lex, sed lex.

Ce qu’il faut cependant éviter dans ce cas-ci, c’est le vil calcul politique, la tentation de surfer sur la vague populiste en caressant les Koglweogo dans le sens du poil dans le secret espoir de récupérer leur popularité dans les élections à venir. Le ressac d’un tel choix est la noyade d’une telle barque politique. Il faut vraiment que les politiques se gardent de tout angélisme face à ces organisations d’autodéfense, car l’argument de leur popularité ou de leur efficacité ne saurait faire oublier qu’elles portent dans leur génome, si on ne les circonscrit pas, le risque de muter avec le temps en quelque chose de plus pernicieux.

De l’association d’autodéfense à la milice armée sous le contrôle d’un caïd, la frontière est aussi mince que du papier tabac. Rapidement, ces défenseurs de la veuve et de l’orphelin du début peuvent glisser vers le crime organisé. La Maffia était à ses débuts un regroupement de paysans siciliens expulsés de leurs terres par des propriétaires véreux avant de devenir une multinationale du crime organisé. Alors prudence et responsabilité !

La Rédaction
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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