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Université Ouaga 1 Pr Joseph-Ki-Zerbo : le creuset du savoir ou de l’insalubrité ?
Publié le jeudi 11 fevrier 2016  |  Sidwaya
L’université
© Autre presse par DR
L’université de Ouagadougou baptisée au nom du Pr Joseph Ki-Zerbo




Au campus de l’Université Ouaga 1 Pr Joseph-Ki-Zerbo et dans ses cités pour étudiants, aller au petit coin relève d’un parcours du combattant. Dans ce « temple du savoir » où on « fabrique » les leaders de demain, toilettes et lavabos sont en ruines. Ici, l’hygiène et l’assainissement sont en souffrance. Constat !

Trouver des toilettes utilisables et propres à l’Université Ouaga 1 Pr Joseph-Ki-Zerbo revient à trouver des cheveux sur la tête d’un moine bouddhiste. En effet, dans ce haut lieu du savoir on découvre des toilettes en ruines, lavabos et robinets brisés, donnant l’impression d’être en panne depuis belle lurette. Les couleurs des carreaux des toilettes blancs, au départ, ont viré au marron. Certains pissoirs contiennent toujours des liquides noirs rappelant les égouts. En y mettant le pied, des odeurs pestilentes vous rebutent. Pire, ces lieux de «parfums» particuliers jouxtent l’Unité de formation et de recherche en Sciences de la vie et de la terre (UFR/SVT) et les amphithéâtres «Libyens» qui accueillent, au moins à chaque cours, un demi-millier d’étudiants. Les usagers disent pratiquer toute une gymnastique pour y faire leurs besoins. Etudiant en première année SVT, Abdoulaye Sana raconte sa stratégie. « Je pince fortement mes narines et bouche de mes deux mains, je sautille pour éviter de plonger dans les flaques et je me démerde pour atteindre le pissoir », explique le jeune étudiant. Le cou tiré vers l’arrière, Sana secoue frénétiquement et d’un bond, enjambe les flaques. Il sort un sachet d’eau de la poche gauche de son pantalon gris, le déchire de la bouche et se lave les mains en crachant nerveusement. «Je refuse de pisser à l’air libre comme le font certains camarades. Et malgré les odeurs, je viens toujours ici parce que je n’ai pas le choix», soupire-t-il. Les parqueurs, juste à côté des toilettes affirment qu’ils n’utilisent jamais ces lieux d’aisance du fait de leur délabrement et de leur manque d’hygiène. «Les toilettes sont très sales. Quand j’ai envie de pisser, je vais vers le mur, là-bas», raconte Oumarou Ouédraogo, un des gérants du parking, montrant du doigt la clôture située à l’entrée Est de l’UFR/SVT. A l’UFR/Sciences juridique et politique (SJP), la situation n’est guère meilleure. Des sachets noirs aux contenus douteux traînent à l’entrée des toilettes des «juristes».

La nature, le dernier recours

Les étudiants n’entrent plus dans ce local. A plusieurs mètres de la porte, une «rivière» d’urines coule et le local est «colonisé» par les araignées. A l’ex-faculté de médecine, Zakaria Savadogo, étudiant en 5ème année relate qu’il n’a jamais utilisé les latrines du campus. «La plupart du temps, c’est très sale. Souvent, quand on y entre, on trouve des selles et l’odeur est irrespirable. Les toilettes sont vieillissantes ; quand on finit de se soulager, la chasse d’eau ne fonctionne pas. C’est dégoutant », lâche-t-il. Sa camarade, Adèle Tiendrébéogo qui ne peut, elle, supporter toute une journée de cours du matin au soir sans aller aux toilettes est contrainte de s’y faire. « Il n’y a pas assez de toilettes. Pour se soulager, il faut faire un rang. On partage les mêmes bouilloires; souvent ce sont des boîtes de tomates (garibou gongon, en dioula) que l’on utilise. Les latrines sont souvent sales et, pour les utiliser, je ferme les yeux pour ne pas regarder ce qui s’y trouve et, je me soulage. Il y a des moments j’y arrive, d’autrefois, pas. Et à cause des coupures d’eau, les toilettes restent fermées souvent et, on ne sait comment faire», raconte la jeune étudiante de 24 ans. Dépitée, elle marque une pause et ajoute : «J’ai vu certains faire leurs besoins dans la nature, près du canal souvent, car ils avaient des coliques et les toilettes n’étaient pas fonctionnelles. Actuellement, je suis obligée de suspendre les cours à chaque fois pour aller me soulager à la maison à cause du manque d’hygiène dans les W.C. Cette situation me perturbe beaucoup car je me soulage énormément et régulièrement». Son désarroi, elle le partage avec Flora Sidwaya Guagré, étudiante en Histoire. Logée à la cité de Kossodo, elle s’égosille à propos des désagréments que l’état des sanitaires fait subir aux étudiants en cité universitaire. «Les latrines ne sont pas propres ici à la cité. Les femmes de ménage les nettoient chaque matin sauf les weekends ; mais les produits utilisés laissent à désirer. C’est juste du savon en poudre; elles n’utilisent aucun autre désinfectant. Aussi, on ne peut pas utiliser les toilettes le samedi et le dimanche. Avec l’eau qui coule de la tuyauterie vétuste, des déchets s’échappent des latrines et des lavabos et giclent jusque devant nos chambres», confie Mlle Guagré qui vit en cité depuis deux ans maintenant.

Des infections

«On contracte des maladies. Souvent j’ai des infections et des démangeaisons aux parties intimes, consécutives à l’usage de ces toilettes insalubres», témoigne Mlle Guagré de la cité. Dr Emmanuel Tapsoba, un des médecins généralistes du Centre national des œuvres universitaires (CENOU) affirme consulter jusqu’à 50 étudiants en moyenne par mois pour des maux liés à des démangeaisons surtout au niveau des organes génitaux. «Les filles disent se gratter beaucoup au niveau des organes génitaux. Après consultation, on constate que ce sont des infections vaginales pour la plupart du temps», indique le médecin. Ces infections, poursuit-il, sont urinaires et génitales. Pour les femmes surtout, explique-t-il, on observe des leucorrhées ou pertes blanches qui peuvent être de couleur blanchâtre, verdâtre au jaunâtre. Ces infections sont liées, à son avis, aux bactéries ou aux amibes que l’on peut contracter surtout dans les toilettes. Gynécologue au Centre médical cercle d’or (CMCO), Dr. Tiémoko Ouattara assure que le manque d’hygiène dans les sanitaires peut causer de graves infections urinaires et génitales surtout chez les femmes. «Si ces infections ne sont pas prises en charge à temps, du pus peut apparaître et au pire des cas, entraîner la stérilité», prévient Dr Ouattara. Les enseignants, qui sont soumis aux mêmes désagréments que leurs étudiants, ne manquent pas l’occasion de rappeler aux autorités universitaires la nécessité de mettre à la disposition de la communauté universitaire le minimum en matière d’hygiène et d’assainissement.

On fait du mieux, dit l’administration

Professeur au Centre de langues, Rasmané Kaboré est horrifié à l’idée d’utiliser les toilettes dans son lieu de travail. «C’est très sale, l’eau ne coule pas. C’est horrible ! Quand le besoin est pressant, je vais en ville, au cas contraire je me retiens», confie-t-il. L’administration universitaire estime avoir toujours fait de son mieux pour offrir à la communauté les conditions minimales pour les besoins naturels.. «Le nettoyage à Ouaga 1 est fait par une entreprise recrutée suite à un appel d’offres. Nous faisons un contrôle de temps à autre pour apprécier leur travail. Si les toilettes ne sont pas propres, nous attirons leur attention», affirme M. Issaka Siko, le chef de service du patrimoine de l’Université Ouaga I Pr Joseph-Ki-Zerbo. Commis au nettoyage des lieux d’aisance de l’Université, Salif Kouraogo, responsable de l’Entreprise de nettoyage, de jardinage et de désinfection (ENJD), indique que les femmes nettoient les lavabos du personnel et des enseignants de «5h à 9h» avec du savon liquide et de l’eau de javel. Pour ce qui est des toilettes des étudiants, dit-il, le nettoyage est permanent de «6h à 18h». Il a déploré le comportement de certains étudiants qui n’utilisent pas les toilettes à bon escient. «Souvent certains étudiants, au lieu de faire leurs besoins dans les W.C., le font par terre. Et quand la femme de ménage veut parler, ils lui répondent qu’elles sont payées pour ça. Aussi, l’eau coule des robinets à longueur de journée. Avec l’eau en permanence à terre et les va-et-vient des étudiants, c’est difficile de garder en permanence les lieux propres sur le campus», regrette M. Kouraogo. Le secrétaire général du CENOU, chargé des cités universitaires de toutes les universités publiques du Burkina, Boureima Sawadogo, affirme de son côté que les fosses septiques dans les cités sont régulièrement vidées. Mais il évoque les difficultés liées à l’insuffisance des ressources financières qui limitent les actions en matière d’assainissement et d’hygiène. Quant à son collègue, le chef de service des cités universitaires, Sibri Barnabé Ouédraogo il relève, outre l’insuffisance de budget, le manque de personnel pour tenir réellement propre les toilettes dans les cités universitaires. «Le personnel est insuffisant pour faire face au volume de travail. Par exemple à la cité universitaire de la Patte-d’oie, sur un effectif de quatorze femmes commises au nettoyage, nous ne disposons que de douze dont plusieurs sont malades actuellement. Ce personnel n’est pas aussi qualifié pour ce travail et nous n’avons pas le matériel adéquat. Les produits de désinfection et de nettoyage manquent énormément. Depuis juillet 2014, nous n’en disposons pas», affirme-t-il. Ces difficultés ont été aggravées, dit-il, par des problèmes administratifs liés notamment au départ des agents financiers tels que le régisseur et le Chef du service administratif et financier (CSAF) qui n’ont pas été remplacés à ce jour. « Leur absence empêche toute passation de commandes », déplore M. Ouédraogo. Malgré tout, il a indiqué que des mesures exceptionnelles ont été prises par la direction générale du CENOU pour juguler le problème des toilettes dans les cités. « La direction générale nous a envoyé du matériel en fin janvier pour changer les lavabos, les robinets, le matériel d’électricité afin de pallier un peu le problème d’hygiène et d’assainissement dans certaines cités universitaires», a précisé M. Ouédraogo.

Somborigna Djélika DRABO
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