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Migrants et réfugiés politiques et climatiques: des solutions á portée de main
Publié le mercredi 10 fevrier 2016  |  FasoZine




Le Français Emmanuel Argo, descendant de créoles Afro-caribéens nés en France, est Conseiller international de la société civile et, entre autres, membre élu de Chatham House à Londres. A travers cet entretien, il se penche sur le retour des migrants dans leur pays d’origine respectif et l’installation des réfugiés politiques et climatiques. Il propose, au titre de think tanks de la société civile au sein de laquelle il a déjà fait ses preuves, des solutions concrètes à ces problématiques.

Fasozine.com: Quelle que soit leur origine géographique, que faire pour aider les migrants à retourner chez eux et participer au développement de leur pays?

Emmanuel Argo: Au moment où les acteurs politiques et économiques internationaux peuvent s’appuyer sur des populations autochtones mieux informées qu’autrefois, une gestion pragmatique et non idéologique doit être de mise pour gérer tous les aspects de la question, négatifs comme positifs, et notamment celui de l’important levier financier généré par l’épargne des migrants dans les pays d’accueil qui représente une manne financière d’environ 1 400 milliards de dollars US selon les sources de la Banque Mondiale, ceci incluant les estimations d’envois d’argent en espèces, les biens et services sans traçabilité officielle.

En effet, les rémittences sont une réalité économique qui ne peut plus seulement rapporter à l’industrie des transferts d’argent comme Western Union ou MonneyGram, (ces agences qui captent au passage des commissions allant de 5 à 13%), mais doit constituer une solution partielle non négligeable pour le développement des pays abandonnés par leurs forces vives.

Ces ressources doivent faire l’objet d’une épargne volontaire qui doit inciter au retour, des migrants qui ont le projet de s’installer durablement chez eux et créer leur entreprise ou participer au développement des infrastructures locales. C’est ce que des migrants d’origine occidentale qui vont en Irlande, aux Amériques, en Orient et même en Afrique (paradoxe!), réalisent.

De leur côté les pays d’origine doivent également prendre des mesures incitatives pour que cette épargne irrigue les économies locales. Ces mouvements migratoires ont toujours existé depuis l’origine des temps.

Comment cela se fera-t-il concrètement?

Cette démarche s’appuie sur des initiatives de la Société Civile principalement en Allemagne, en Angleterre, en Espagne, au Canada, aux États-Unis, au Portugal, en Pologne comme dans les Afriques, les Caraïbes et l’Asie-Pacifique. Il s’agit de mettre en place tant des incitations financières que des programmes de formations adaptés pour tisser un maillage de micros projets portés par des Très petites entreprises (TPE) familiales, voire des Entreprises de Tailles Intermédiaire (ETI) locales de production et de transformation dans des secteurs de l’agriculture, de l’artisanat, des nouvelles énergies, de la distribution et de l’épargne locale. Le financement de ces projets et autres opportunités peut provenir de la création d’une taxe dite Taxe/Remitt@nces alimentée par les commissions prélevées par les enseignes sur chaque transfert d’argent envoyé par les migrants à leurs familles restées au pays.

Pourquoi cette orthographe de Remitt@nces?

Il s’agit là, d’un néologisme international que j’ai créé, qui permet de dire rémittences en Français, comme en Anglais, en Arabe, tout comme en Chinois ou en bien d’autres langues. Cette taxe Remitt@nces que je propose a pour vocation d’alimenter un Fonds international de développement géré par des institutions internationales existantes, parmi lesquelles on retrouverait des représentants de la Société Civile (ONG, associations caritatives…) des banques et des représentants des Etats concernés, etc. D’autres projets locaux de plus grande envergure concernant de grands travaux d’infrastructures peuvent être financés par des bons d’obligations appelés Remitt@nces’ bonds, comme c’est déjà le cas pour les «Diasporas’ Bonds» connus en Inde, Ile Maurice, Philippines, Cap Vert, Ghana et Kenya. Par exemple, en Europe, lors de la crise financière, la Grèce a fait appel à sa diaspora établie en Amérique.

Comment aider au développement de ces petites entreprises?

Leur développement peut être facilité par la mise en place de partenariats économiques, commerciaux et culturels de pays d’Afrique et des Caraïbes membres du Commonwealth, avec des partenaires du secteur privé Européen à l’instar des grands groupes économiques. La mise en place d’un pôle international dénommé SYDRES* (Synergies pour des développements régionaux économiques et sociaux). Il s’agit de think-tanks qui se sont agrégés pour faciliter la mise en place. Á titre d’exemple, le thème sur lequel je travaille actuellement avec mes collègues d’un think tank s’intitule: « Britain, Europe and the World: Re-thinking the UK’s Circles of Influence. The first or ‘inner circle’ is the EU, the region with which the UK’s relationships need to be strongest and most active ». Créateur de richesses et d’emplois dans certaines régions européennes, ce projet a pour objectif de faciliter la création de joint-ventures, avec une préférence pour les entreprises de pays d’Afrique francophone. Je dois souligner qu’il s’agit d’opportunités qui vont également bénéficier à des migrants ayant acquis en France, comme dans les pays qui les ont accueillis, des formations ainsi que des expertises et qui sont désireux de retourner au pays tant comme salariés que comme auto-entrepreneurs.

Cette seule initiative peut-elle résoudre le problème des réfugiés?

Vous avez pu constater qu’en Europe, beaucoup de bonnes intentions ont fleuri surtout après que la presse internationale a montré le petit enfant syrien vêtu d’un t-shirt rouge et d’un short bleu gisant le visage enfoui dans le sable de Bodrum, une des plages les plus fréquentées de Turquie. Il s’agit d’Aylan Kurdi, un garçon syrien de trois ans dont le frère aîné a également trouvé la mort dans le naufrage de deux embarcations. Ils venaient vraisemblablement de Kobani, ville de Syrie voisine à la frontière turque. Par ailleurs, depuis 2000, combien d’autres enfants anonymes ont été engloutis en Méditerranée parmi les 22 000 migrants, y compris ceux venus des pays africains?

Après ce constat morbide, nous, gens de la Société civile, observons que des pays de l’Union européenne les autochtones sont de plus en plus déterminés à les empêcher d’entrer. Aujourd’hui que l’émotion est passée, ils manifestent leur refus d’accueillir davantage de réfugiés et les gouvernements européens, pour ne pas être impopulaires, se désengagent par rapport aux quotas fixés par l’Europe. Ces derniers temps, des pays ont construit des barrières physiques, érigé des frontières technologiques et même des murs. De telles dispositions, ne résolvent toutefois pas le problème. Il est de plus en plus proposé des solutions du type «Not in my back garden», ce qui peut se comprendre notamment dans le cas de certains pays autrefois dits de l’Est, sortant de conflits il y a quelques années.

L’Occident peut-il d’ailleurs échapper à cet afflux de migrants?

Il est une réalité avec laquelle l’Occident devra désormais compter à l’heure de la circulation mondialisée des hommes, des biens et de l’information, c’est l’accueil des réfugiés, que ce soit pour des raisons politiques ou climatiques. L’arrivée massive ou sporadique de populations victimes de famine, de guerre, ou d’aléas climatiques, ne peut pas être évitée par des pays qui bénéficient d’un climat favorable, d’une économie avancée et d’une démographie maîtrisée. Cet accueil, qui peut constituer une richesse humaine (comme ne cesse de le répéter la chancelière allemande face à une population vieillissante), cet accueil, donc, pourrait se faire dans un premier temps avec des familles volontaires, sur un territoire délimité, comme par exemple celui d’une région ultrapériphérique européenne, administrée en enclave internationale urbaine et rurale et structurée en villes et communes dites de facilités. Ajoutons que, puisque ces groupes sont volontaires, ils peuvent participer financièrement, au prorata de leurs moyens, à leur installation; ces deux éléments participent ainsi à la dignité de leur démarche.

Je propose donc une action coordonnée de tous les Etats du continent européen. Le but serait de proposer à ces différentes catégories de populations en détresse, un accès légal et sécurisé pour leur éviter des itinéraires ainsi que des parcours aléatoires et dangereux. Toutefois, il faut être très vigilant à ce que ce ne soit pas un moyen, pour certains Etats, de se «débarrasser» des groupes qu’ils jugent indésirables en les poussant à se déclarer «réfugiés».

Un accès légal et sécurisé comme vous le dites, pour conduire les réfugiés précisément vers quels pays d’Europe?

Comme je le disais, les réticences, voire même les hostilités manifestées dans certains pays d’accueil, peuvent disparaître si, en cas de refus des réfugiés ou migrants économiques, ces pays payent une redevance à l’Etat qui prendrait en charge les sites et structures y compris habitations, routes, voiries, écoles, centre de formation et d’apprentissage, pépinières professionnelles, etc. Prenons par exemple la France, qui, par ses outremers, confère à l’Union européenne le plus grand nombre de régions ainsi que de territoires ultrapériphériques. Cela reviendrait à créer une enclave internationale urbaine, périurbaine et rurale structurée en villes et communes dites de facilités, à administrer avec des modalités à définir. Tant les populations locales voisines de cette enclave que les nouveaux arrivants, pourront trouver de nombreuses opportunités d’emplois dans différents secteurs économiques, sociaux et culturels. Cette proposition conforterait et ne ferait pas mentir le principe de solidarité sur lequel s’appuie en partie la Déclaration universelle des Droits de l’Homme qui a vu le jour en France.

Que pensez-vous faire pour que progressent et aboutissent ces initiatives?

À cet effet, compte tenu des tensions actuelles en Europe dues à l’arrivée massive de réfugiés et de migrants, dans un contexte où les opinions publiques estiment que la paix civile pourrait être troublée, je propose, à l’instar de certains pays qui, lors des Sommets du G8 de Gleneagles en 2005, de St-Pétersbourg en 2006 et d’Heiligendamm en 2007, ont pris en compte dans leurs discussions l’intérêt des rémittences, que, lors du prochain Sommet du G 20 qui se tiendra à Hangzhou dans la province de Zhejiang en Chine, les chefs d’État et de gouvernement recommandent l’urgence qu’il y a d’optimiser ces importantes ressources financières que constituent les rémittences comme un moyen pouvant faciliter les solutions que je viens de citer.

Propos recueillis par Morin YAMONGBE
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