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Planification familiale : "Djandioba" ou la porte d’entrée à la contraception
Publié le vendredi 5 fevrier 2016  |  Sidwaya




Des pratiques innovantes en matière de promotion de la Planification familiale (PF), il en existe au Burkina. Le district sanitaire de Tougan a développé un concept dénommé « Journée du Djandioba de la planification familiale (JDPF) » qui fait la fierté du ministère de la Santé. En quatre éditions, la JDPF a permis de recruter 9504 nouvelles utilisatrices de produits de contraception. Cette stratégie a été présentée à la IVe Conférence internationale de la PF à Bali en Indonésie en fin janvier 2016.

«Journée du Djandioba de la planification familiale» (JDPF) ou «Djandioba Days of family planning» (en anglais) est le modèle original que le Burkina a partagé à la rencontre mondiale sur la Planification familiale (PF) à Bali en Indonésie.

Très célèbre à l’Ouest et au Nord-Ouest du Burkina Faso, le «Djandioba» est une danse de réjouissances populaires qui se pratique au son d’une musique traditionnelle. Selon l’ancien médecin-chef du district sanitaire de Tougan, Dr Souleymane Kaboré, il s’agit d’une «trouvaille révolutionnaire» qui a vu le jour en 2013 à Tougan, une ville située à plus de 200 km de Ouagadougou.

La JDPF est une matérialisation de la fameuse expression «joindre l’utile à l’agréable». C’est ainsi que, explique Dr Kaboré, le «Djandioba» a servi de vecteur à la promotion de la planification familiale dans le but de briser les gènes, les réticences et les tabous qui entourent la question de la contraception dans la plupart des ménages burkinabè.

Loin d’être une activité festive gratuite, souligne Dr Kaboré, la «Journée du Djandioba de la planification familiale» obéit, au contraire, à une méthodologie rigoureuse qui se décline en 7 étapes. La première étape consiste à faire un plaidoyer auprès des leaders villageois pour leur présenter le concept et demander leur accompagnement. Ensuite, intervient la mise en place d’un comité villageois d’organisation. Le rôle de ce comité est d’identifier les besoins et de rechercher les financements. L’étape 3 consiste à la sensibilisation des communautés à la PF par les agents de santé communautaires. Ceux-ci ont, alors, à leur tour, la charge de recruter les potentiels bénéficiaires.

La collecte de fonds réalisée par les communautés constitue la 4e étape. Deux à trois jours avant la fête, intervient la 5e étape qui consiste à offrir des produits de contraception. Le «Djandioba» lui-même constitue la 6 e étape placée sous le leadership du comité d’organisation. Les réjouissances terminées, les agents de santé dressent le bilan en présence des communautés villageoises: c’est l’ultime étape. «Toute l’organisation repose sur la communauté. Lors des éditions passées, la diaspora de Tougan a été beaucoup sollicitée. Aussi, cette fête dédiée à la planification familiale devient également une occasion de rassembler les filles et fils d’une localité donnée. Etant donné qu’à cette occasion, la diaspora, présente à la fête, rencontre de nombreuses connaissances», indique Dr Souleymane Kaboré.

Etendre la stratégie à l’échelle sous régionale

Le Burkina Faso, explique la Directrice de la santé de la famille (DSF), Dr Isabelle Bicaba, a pris l’engagement dans son plan de relance de la PF d’enrôler 332 000 femmes, nouvelles utilisatrices de méthodes de contraception, de 2013 à 2015. Selon elle, un accent particulier a été mis sur la demande, l’offre des soins et la disponibilité des produits contraceptifs. « L’objectif a été atteint grâce à plusieurs stratégies dont celle du Djandioba. Au cours de cette manifestation festive, nous sommes parvenus à sensibiliser les femmes en leur offrant des produits de contraception», affirme-t-elle. Et d’ajouter : «Au total au 3e trimestre de l’année 2015, nous avons atteint 360 000 nouvelles utilisatrices dépassant largement les objectifs que nous nous sommes fixé. Mais nous attendons une évaluation formelle».

Dans ce plan de relance, le district sanitaire de Tougan qui épouse les limites territoriales de la province du Sourou avait un mandat de recruter 6900 nouvelles utilisatrices de méthodes de contraception.
Au total de 2013 à 2015, quatre éditions de la «Journée du Djandioba de la planification familiale» (JDPF) ont été organisées et ont permis de recruter plus de 9 000 nouvelles utilisatrices dépassant ainsi l’objectif fixé au district par le ministère de la Santé. «Plus de 109 000 personnes ont été sensibilisées par cette approche», souligne Dr Kaboré.

A l’en croire, une édition de la JDPF coûte 6 000 dollars, soit environ 3 millions de FCFA. En ramenant ce coût à l’individu touché, un calcul rapide donne 0,12 dollar par personne sensibilisée et 2,42 dollars par femme recrutée. Pour mémoire, le district sanitaire de Tougan comptait une population de 273 000 habitants en 2015 et 65 000 femmes en âge de procréer.

En plus de révolutionner l’univers de la planification familiale par son originalité, le «Djandioba», comme stratégie de sensibilisation à l’espacement des naissances, semble avoir marqué les esprits. C’est pourquoi, les acteurs de la planification familiale plaident pour l’élargissement de la stratégie sur l’ensemble du territoire burkinabè et à l’ensemble des 9 pays du Partenariat de Ouagadougou (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Conakry, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Togo). «C’est indéniablement une bonne stratégie. Nous pensons qu’il est judicieux de le vulgariser et de passer à l’échelle», estime, pour sa part, Rodrigue Ngouana de l’unité de coordination du Partenariat de Ouagadougou basée à Dakar.

Des avantages multiples

Pour Dr Souleymane Kaboré, les bénéfices de cette stratégie élaborée à Tougan sont multiples. Elle permet de renforcer les liens entre les communautés et les agents de santé. «Les agents de santé allient à la fois loisir et travail aux côtés de la population avec à la clé un objectif de santé», soutient-t-il.
La stratégie du «Djandioba» résout aussi le problème de l’absence de sources de financement. Car les populations elles-mêmes, explique-t-il, s’autofinancent à hauteur de 52%. De plus, poursuit-il, chaque édition de la JDPF permet de recruter au bas mot plus de 2000 femmes avec 44% de nouvelles utilisatrices qui osent faire le pas lors de ces journées.

De l’avis de l’ancien médecin-chef du district sanitaire de Tougan, Dr Kaboré, la stratégie de la sensibilisation par le « Djandioba» a encore de beaux jours devant elle. «C’est un concept qui combine plusieurs stratégies. Et je pense qu’il peut nous permettre d’atteindre rapidement nos objectifs en matière de planification familiale», estime-t-il.

Boureima SANGA
bsanga2003@yahoo.fr
De retour de Bali en Indonésie
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