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Ejaculation précoce, stérilité… : ces affiches qui promettent des miracles
Publié le mercredi 3 fevrier 2016  |  FasoZine




Depuis quelques mois, des affiches offrant divers types de services sont collées un peu partout dans la ville de Ouagadougou. Des poteaux des feux tricolores aux murs des différents édifices, en passant sur toute forme de support jouxtant la voie publique, ces affiches ne passent pas inaperçues : « Hépatite et hémorroïde, traitement efficace avec garantie», « Avoir un ventre plat, c’est possible, perdez 5 kilos en 10 jours sans effets secondaires », « traitement de l’éjaculation précoce, faiblesse sexuelles ». Autant de maladies et de dysfonctionnements que proposent de soigner les éditeurs de ces affiches. Pour en savoir plus, nous avons mené notre petite enquête.



A chaque affiche placardée, un numéro de téléphone s’y trouve. De sorte que ceux qui seraient intéressés puissent joindre la structure ou les personnes soignantes qui se cachent derrière. Quelques observations dans les différentes artères de la ville, on remarque qu’aucun usager de la route ne semble faire attention ou marquer le pas pour jeter un coup d’œil sur ces affiches, pourtant quelques uns en savent quelques choses.

A proximité du marché Boinsyarré, non loin de l’archevêché de Ouagadougou, quelques vendeurs ambulants nous avouent avoir remarqué la multitude de ces affiches en ville. « Il y a quelques mois que j’ai remarqué ces affiches un peu partout qui proposent des solutions de santé aux populations. Moi personnellement, cela ne m’a jamais tenté de les appeler. Je préfère en cas de maladie, me rendre dans un centre hospitalier car c’est meilleur… », nous confie l’un d’eux ayant requis l’anonymat.

Mais pourquoi ne les trouvez-vous pas crédibles ? « Non, je pense que si cela l’était, la structure allait faire des communiqués à la radio et là nous pourrions avoir confiance sinon comme cela c’est bizarre », renchérit-il. Son voisin immédiat qui lui aussi s’exprime en langue nationale mooré ne semble pas être d’avis : « d’emblée on ne peut douter de leur compétence. Je pense qu’ils peuvent mieux soigner même que les produits du Blanc, il suffit d’essayer un jour », a-t-il indiqué.

File d’attente

Nous comprenons ainsi que le sujet passionne bon nombre de personnes. Nous essayons d’appeler un contact présent sur une affiche de soins d’éjaculation précoce et de faiblesses sexuelles. 1er essai, une voix masculine décroche. Rapidement nous lui indiquons le sujet de notre appel. Et il nous lance ceci : « Nous sommes une ONG qui est située derrière un centre hospitalier. Après la communication, je vais vous donner un SMS vous donnant la situation géographique. Une fois arrivée sur place, une équipe vous présentera les différentes options de soins liées à votre maladie. Le traitement est chinois et nous vous donnerons des produits chinois », a-t-il laissé entendre.

Il nous précisera également que plusieurs personnes ont déjà essayé et que le centre ne désemplit pas de sorte qu’il y a souvent une longue file d’attente. Après cela nous lui promettons de passer.

2e essai, nous appelons un autre numéro, un autre homme décroche, nous lui disons cette fois-ci que nous avons besoin de remède pour un ventre plat et une solution pour perdre du poids. Il répond qu’il est un agent d’une ONG active dans le domaine de la santé. Outre cela, pour que je puisse commencer mon traitement, il me faudra d’abord faire un bilan général de santé sur un scanner au sein de leur centre au prix de 20 000 F CFA. « C’est en fonction de cela qu’on vous prescrira les produits. Le bilan général de santé est nécessaire car il se peut que vous souffriez d’une autre maladie qui risque d’être incompatible avec nos produits. Et là, ça va amener d’autres problèmes », a-t-il ajouté.

A notre surprise générale, les deux numéros renvoient à la même maison située derrière la pédiatrie. Nous décidions donc de suivre les indications pour nous y rendre. A notre arrivée, un bandeau est collé sur le mur « du centre de soin ». Après quelques renseignements pris avec un jeune qui nous a accueillis, il indiquera qu’effectivement les affiches sont les leurs. Vos soins et produits sont-ils crédibles ? A la question, il nous indiquera par l’affirmative. « Nous avons un partenariat avec une entreprise chinoise, si vous n’avez pas confiance allez vérifier sur le Net », lance-t-il. Promettant de revenir une prochaine fois, nous prenons congés de lui.

Après vérification sur Internet, nous tombions bel et bien sur le site web dudit partenaire où on peut lire ceci : « Avec une activité qui couvre plus de 190 pays et régions, l’entreprise a des filiales ou des succursales dans 110 pays et régions, et a établi des alliances stratégiques avec les entreprises de classe mondiale de plus de 20 pays. En développant des produits de santé, les soins de santé, les soins de beauté et des produits de soins à domicile, elle offre une haute qualité de vie de santé, de bonheur, de la beauté et la richesse, à plus de 12 millions de consommateurs dans le monde entier. »

Code de la publicité

Une question se pose à présent : en dehors des éventuels risques que les produits de ces « médecins » d’un autre genre peuvent faire courir à leurs patients, les méthodes publicitaires qu’ils emploient sont-elles conformes à la loi du Burkina Faso ? Manifestement non.

Pour l’article 2 de la loi de 2001 sur le Code de la publicité au Burkina Faso en effet, toute inscription, forme, image destinées à informer le public ou à attirer son attention sur une marque, un produit ou un service ; tout dispositif dont le principal objet est de recevoir lesdites inscriptions, forme ou images ; toute exposition publique à but publicitaire, constituent une opération de publicité.

En ce qui concerne le cas spécifique de la publicité des produits pharmaceutiques et des établissements sanitaires, le même Code, en son article 31 et suivants précisent que «Toute publicité de produits pharmaceutiques ou de pharmacopée traditionnelle doit au préalable obtenir un visa délivré par le ministre de la Santé».

La mairie, elle, tente de mettre fin à la pratique. D’après nos confrères de L’Observateur Paalga, le directeur du Service de développement durable de la commune de Ouagadougou, El hadj Sidi Mohamadou Cissé, et ses agents sont allés le 27 décembre 2015 arracher et détruire ces communiqués dont la diffusion n’obéit à aucune règle.

Dimitri Kaboré
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