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Tabagisme : l’odyssée de “Kadhafi” et sa compagne
Publié le jeudi 28 janvier 2016  |  Sidwaya
Des
© Autre presse par DR
Des mégots de cigarettes




Le tabagisme, outre la dépendance qu’il crée, est responsable de nombreuses maladies tels le cancer et les accidents cardiovasculaires. Ce phénomène, qui compte des milliers d’adeptes dans le monde, a la peau dure au Burkina Faso. Et ce, malgré les efforts du gouvernement et les organisations non-gouvernementales à lutter contre le mal. Cette situation, qui interpelle plus d’un à un changement de comportement, semble résister au temps. L’expérience de Saïdou Ouédraogo, ressortissant de Dapélogo, dans la province de l’Oubritenga, en dit long sur son combat pour la survie.

En 1971, Saïdou Ouédraogo dit ’’Kadhafi’’, était à la fleur de l’âge. Comme pour tout jeune de son époque, la cigarette était pour lui un moyen d’affirmer sa maturité, mais aussi, afficher sa masculinité auprès des jeunes filles. Tout commença par un mégot que lui a filé son oncle, Salif Ouédraogo. Au fil des mois, le jeune Saïdou y prit goût. Il abandonna les restes pour des bâtons de cigarette. Et, à la faveur d’un voyage en Côte d’Ivoire, il va définitivement se mettre dans la peau du "vrai” fumeur. «C’est le 25 août 1971 que je suis arrivé en Côte d’Ivoire ; à l’époque, c’est la cigarette de marque Gitane dont le paquet coûtait 125 F CFA, qui était en vogue», explique-t-il. Avec un salaire mensuel de 2 250 F CFA en tant que saisonnier dans les bananeraies, il n’y vit pas d’inconvénient à s’en procurer.

«Je prenais vraiment du plaisir à fumer», confie M. Ouédraogo. Finalement, il devint accro de cette «nourriture» qui devint son pire cauchemar. Après trois ans dans le ’’pays’’ d’Houphouët Boigny, c’est le retour au bercail, avec comme compagne de fortune, la cigarette. Il ne pouvait plus passer une journée avec un paquet sans vider le contenu. Au maximum, il fumait deux paquets par jour «Lorsque j’entamais le matin à 7 heures un paquet, à 13 heures, il me fallait un autre pour le reste de la journée…», se souvient-il. Et ce, jusqu’au jour où il décida de s’en débarrasser à jamais. Car «ce que la cigarette m’a causé comme problème, je suis le seul à pouvoir vous l’expliquer», regrette l’ex-fumeur.

«Le VIH n’est rien face aux effets du tabac»


Cela fait deux ans que Saïdou ne fume plus. Mais il retient que le tabac lui a causé beaucoup d’ennuis, notamment, une maladie pulmonaire qui a entraîné une altération de son état physique. Tous ceux qui le connaissent pensent qu’il a le VIH/SIDA «Je vous assure que le VIH n’est rien face aux effets du tabac», déclare-t-il. Après de multiples examens, son médecin-traitant le conseille d’arrêter de fumer. Mais celui-ci n’a que faire de cette recommandation. Dans son entêtement, il prend pour exemple les "Blancs” et même les médecins qui en raffolent. Et comme le dit un adage, «Qui sème le vent, récolte la tempête». C’est en 2013, qu’il récolta les pots cassés de son obstination.

Tombé gravement malade, il fut transporté d’urgence au centre hospitalier de Ziniaré. Dans l’incapacité de le prendre en charge, le médecin décida de le référer à un centre plus approprié. Destination, Ouagadougou, au Centre hospitalier universitaire Yalgado-Ouédraogo qui l’accueillit. Après plusieurs examens, le mal de M. Ouédraogo n’était toujours pas décelé. C’est au scanner, au centre médical Saint Camille qu’il va enfin découvrir l’origine de son mal. En effet, cette ultime tentative va révéler qu’il a les veines pulmonaires bouchées. Dès cet instant, les conseils du médecin refont surface. Il décida alors de faire lui-même sa propre cure de désintoxication.

Une conversation à bâtons rompus

De retour dans son Dapélogo natal, "Kadhafi” acheta un paquet de cigarette, se fit servir à manger, et comme il est de coutume pour lui de manger avec sa «compagne», il le déposa sur la table. «Ce jour-là, j’ai mangé plus que d’habitude, car j’étais conscient de la tâche qui m’attendait», fait-il savoir. Après le repas, il le prit dans ses mains et lui tint ce langage: «Ma fidèle compagne, cela fait quarante ans que nous cheminons ensemble. Dans mes moments de joies et de peines, tu m’as toujours soutenu. Mais aujourd’hui, je me rends compte que tu es plus maligne que moi car tu veux me tuer et changer d’ami. C’est pourquoi, Dieu m’a donné la force de te combattre». Ensuite, il broya le paquet et le plongea dans l’eau ayant servi au rinçage de ses mains. Il ajoute ceci: « Mon ami, en temps normal, c’est par la porte que tu dois sortir, mais comme notre relation s’est détériorée, tu vas devoir passer par-dessus le mur». C’est ainsi que prend fin cette relation de "bouche à bouche” de quarante ans.

"On ne rompt pas une si longue amitié aussi facilement”

Le "divorce” n’est pas sans conséquences. Privé de sa dose quotidienne, il puise dans ses réserves pour résister aux contre-attaques de sa "première épouse”. C’est au moment de se coucher que celle-ci lui répond. Elle lui fait comprendre qu’on ne balaie pas du revers de la main une si longue amitié. Entré en transe, M. Ouédraogo semble devenir comme un fou, qui se débat dans sa «camisole» de force. Mais il est déterminé à vaincre son mal.

La première nuit n’est pas de tout repos ; il la passa à se promener dans la maison comme un lion en cage. Au petit matin, des gens vinrent lui rendre visite. Il les rassura qu’il va bien. Qu’il faisait juste une cure de désintoxication. Au fil du temps, sa colère montait lorsque que quelqu’un s’adressait à lui. Les membres de sa famille l’abandonnèrent. Il n’arrivait plus à manger. Lorsqu’il prenait une gorgée d’eau, il vomissait. La chaleur qui l’envahissait le faisait transpirer à grosses gouttes. Alors que ses forces semblaient l’abandonner, il refusa de baisser les bras. Pour se motiver, il répèta ceci : «il y a des gens mieux que moi qui sont morts et si c’est le fait de ne plus fumer qui doit m’emporter, j’accepte mon sort». Après avoir passé sept jours dans sa chambre, "Kadhafi” décida enfin de sortir de sa "prison”. Et c’est à quatre pattes qu’il arriva difficilement au salon. Les traits de son visage laissaient voir la colère en lui. Sa peau muait telle celle du serpent. Du dehors, on entendait sa respiration. Pendant quelques jours, aucune activité physique n’était possible pour lui.

Suite au décès de son grand frère, il perdit connaissance, pendant les obsèques. Evacué d’urgence à l’hôpital, le médecin lui confirma le diagnostic du scanner. Mais il le rassura que son mal est guérissable à condition qu’il dispose de moyens conséquents. Cultivateur-éleveur, il décida de tout sacrifier pour sa santé. «L’argent n’est pas un problème», répondit-il. Dès lors, ’’Kadhafi’’ fut placé sous oxygène, il passa trois heures dans la première chambre et fut transféré dans une autre où on lui plaça l’oxygène, chaque heure. Les infirmiers-traitants lui expliquèrent que la bombonne utilisée coûte 85 mille francs CFA et qu’il faut la commander depuis la Côte d’Ivoire. Chose dite, chose faite, puisque le lendemain, les bombonnes ’’atterrissent’’ à Ouagadougou.

La solidarité existe toujours en Afrique !

Informés, amis et proches vinrent lui apporter leur soutien. «C’est là que j’ai compris que la solidarité existe toujours en Afrique», relate-t-il. L’aide venait de partout, à tel point qu’il s’est laissé convaincre, qu’excepté la volonté de Dieu, la maladie ne put avoir raison de lui. Il resta treize (13) jours à l’hôpital avant d’être libéré. Pour la suite de son traitement, le médecin lui prescrit le produit (Symbicort) qu’il doit prendre tous les mois pendant un an à raison de 55 000 francs CFA le flacon.

Malheureusement, aucune officine ne dispose du produit au Burkina Faso. Il se tourna vers la Côte d’Ivoire où il fit appel à un ami médecin qui lui trouva juste trois flacons.
Aujourd’hui, même si Saïdou Ouédraogo dit recouvrer partiellement la santé, il a du mal à trouver le reste des produits pour la suite de son traitement. Les portes de la Côte d’Ivoire se sont refermées avec l’affectation de son ami en France. En attendant de pouvoir se ravitailler, "Kadhafi” évalue à l’heure actuelle, son traitement à environ quatre millions de francs CFA. «Sans compter les dépenses parallèles en rapport avec la maladie», précise-t-il.

Combien sont-ils ces hommes et femmes qui mettent leur vie en danger chaque jour en fumant ? Un adage moaga dit : «Lorsque quelqu’un a eu une longue vie, c’est que la personne a su l’entretenir». L’expérience de "Kadhafi” interpelle tout le monde sur les conséquences néfastes de la cigarette sur la santé. Et selon Saïdou Ouédraogo, fumer ne fait pas de vous un homme, mais, vous rend esclave et dépendant.

Donald Wendpouiré NIKIEMA
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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