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Métier de balayeuse à Bobo-Dioulasso : rendre la cité propre et être payée en monnaie de singe
Publié le jeudi 21 janvier 2016  |  AIB




A Bobo-Dioulasso, les femmes tiennent haut le flambeau de la salubrité. En effet, que ce soit les rues et les places publiques de la commune, les services où les domiciles, ces femmes ne se reposent que si ces lieux sont propres. Mais derrière l’enthousiasme qu’elles ont à faire ce métier, se cache une réalité vécue par la plupart d’entre elles et qui a pour noms : exploitation et misère.

Jeudi 12 novembre 2015 aux environs de 4 h du matin, nous voici sur l’avenue de l’Indépendance à Bobo-Dioulasso. A peine arrivée, nous voyons à l’œuvre des femmes déjà sur place, chacune d’elles, balai en main, avec de la poussière qui s’élève çà et là et qui devient envahissante. Ces femmes bravent au quotidien le sommeil et le danger pour assainir non seulement les rues et les places publiques de la cité de Sya, mais aussi les services et les domiciles. « Je fais ce travail depuis 8 ans. C’est la pauvreté qui m’a poussée à faire ce travail car je suis seule avec mes enfants. Je suis allée voir les autorités et leur ai exposé mon problème. Elles ont accepté de m’embaucher. Je les remercie pour cela », dit une des balayeuses, Noura Wendyam. Et de poursuivre que grâce à ce travail, elle arrive à s’occuper de sa famille. « Aujourd’hui pour avoir même 1000 F CFA avec quelqu’un, c’est tout un problème. Avec ce travail, je n’ai pas à aller demander de l’argent à qui que se soit », fait-elle savoir. Kia Zon soutient les propos de Mme Wendyam. « Je suis dans ce travail cela fait 6 ans. C’est le manque de moyen qui m’a amené à le faire. Actuellement je ne le regrette pas, parce que j’arrive à subvenir à mes besoins et à ceux de mes enfants », déclare-t-elle. Et d’ajouter qu’elle s’entend mieux avec son mari depuis qu’elle a commencé ce travail, parce qu’elle arrive maintenant à apporter sa contribution dans les dépenses de la maison.

Un salaire dérisoire et irrégulier

Malgré leur enthousiasme pour ce travail, les balayeuses sont confrontées à de nombreuses difficultés parmi lesquels la misère, l’exploitation et le dénigrement. Si certaines d’entre elles remercient le ciel de leur avoir donné ce travail, d’autres n’en disent pas autant. Pour Pascaline Koubri, balayeuse dans un service, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Certes, reconnaît-elle, ce travail apporte un plus dans sa vie, mais il y a beaucoup de problèmes auxquels elle et les autres sont confrontées. A entendre ces femmes, le salaire constitue le véritable problème parce que non seulement il est dérisoire, 10 000 F CFA par mois pour les ramasseuses de poubelles, 15 000 F CFA pour celles qui nettoient les services et 37 000 F CFA pour les balayeuses de la commune. Le hic, c’est que ce salaire est aussi irrégulier. « Cela fait deux mois que nous ne sommes pas encore payées. Travailler et ne pas pouvoir toucher son salaire à la fin du mois, c’est difficile pour nous », dit une des nettoyeuses de services, Mme Koubri. Selon elle, en plus des problèmes de salaire, il y a aussi le fait que quand elles tombent malades, elles ne sont pas prises en charge. « Les 15 000 F CFA que nous gagnons, ce sont ces 15 000 F CFA qui nous servent à nous soigner. Or, le travail que nous faisons nous expose à beaucoup de maladies. Mais notre employeur ne connait pas cela. La preuve est que nous nettoyons les toilettes les mains nues, parce que nous n’avons pas reçu de matériels pour nous protéger. Que faire ? Il n’y a pas de travail», déplore-t-elle. Selon ces femmes, la population rend encore plus pénibles leurs conditions de travail. « On fait le ramassage d’ordures. On ramasse dans les cours, moyennant la somme de 10 000 francs CFA par mois. Parfois même, on nous prive de cette somme. Si l’âne que nous utilisons est malade et que nous n’avons pas pu aller ramasser, ils entassent les ordures et nous venons les enlever pour le mois ; mais ils refusent de payer parce que nous ne sommes venues qu’une fois », affirme Naomi Soundi, une des ramasseuses de poubelles. Noura Wendyam, balayeuse de la commune, est du même avis. A l’entendre, elles sont dénigrées pour le travail qu’elles font. «Il y a des gens qui nous disent que le travail que nous faisons, ce n’est pas un travail. D’autres aussi nous insultent », clame-t-elle. Elle renchérit, en disant qu’en sortant tôt le matin entre 3 h et 4 h, elles sont exposées à toutes sortes de dangers. « L’année dernière, une des nôtres a été renversée. La personne qui l’a renversée ne s’est même pas arrêtée pour voir si elle est blessée. Ce travail est très risqué, mais nous nous en remettons à Dieu », dit désespérée Mme Wendyam.

Bénévolat

Mais parmi les usagers, certains apprécient le travail des balayeuses. Ainsi, Adjara Sanou félicite ces femmes, parce qu’elles assainissent la ville de Bobo-Dioulasso. Cependant, elle trouve que leur salaire est peu et demande aux autorités de leur venir en aide. «Leur salaire n’est pas suffisant. Si l’Etat leur venait en aide, ces femmes s’en sortiraient. Ce n’est le souhait de personne de ramasser des ordures ou de balayer. C’est le manque de moyen qui occasionne cela »,affirme-t-elle. Timothée Sanou est du même avis. Selon lui, c’est un grand sacrifice que ces femmes font en quittant très tôt le matin leurs foyers et leurs enfants. « Mon appel est adressé aux autorités. Je ne connais pas leurs conditions réelles, mais je pense qu’elles ne sont pas bien traitées », lance M. Sanou. Une des balayeuses de la commune, Kia Zon reconnaît, que le salaire qu’elles gagnent les aide. Elle pense cependant que si les autorités l’augmentaient et que si c’était régulier, elles seraient encore plus heureuses. « Nous interpellons les autorités à intervenir pour que nous soyons déclarées à la caisse. Si les services publics nous embauchaient directement sans passer par des intermédiaires, peut-être que ça allait résoudre le problème de salaire »,lâche Pascaline Koubri. Le chef de section de la direction des services techniques municipaux (DSTM), Salia Sanou est conscient des difficultés que rencontrent ces femmes. Mais selon lui, les balayeuses de la commune travaillent sous une forme de bénévolat et sont payées par la commune. Le salaire qu’elles perçoivent a-t-il expliqué, a évolué de 8 000 à 37 000 F CFA par mois, grâce à l’accompagnement du gouvernement. Pour bénéficier de cette somme, des conditions sont requises. En effet, indique M. Sanou, « pour qu’une femme ait les 37 000 F CFA, il faut qu’elle sorte régulièrement pour balayer les rues, soit deux à quatre fois par semaine ». A contrario, ajoute-t-il, elles ne peuvent pas bénéficier d’un salaire de 37 000 F CFA. Et de poursuivre que déclarer ces femmes à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) faisait partie des visions de la commune. « Mais avec la prise de décision du gouvernement disant que tout le monde peut volontairement se déclarer à la Caisse pour bénéficier d’une retraite paisible après 10 ou 15 ans de service, cette vision n’a pas vu le jour »,a-t-il fait savoir. Salia Sanou reconnaît que, outre les maladies évoquées par les balayeuses de rue, elles sont victimes d’accidents ou de mépris dans la circulation. « Il y a une femme de la brigade verte qui a été renversée par un taximan. Ce dernier est parti sans même se retourner. Cette femme est tombée dans le coma. C’est sa famille qui a été obligée de prendre en charge les frais médicaux. Au niveau de la commune on a informé les premiers responsables qui ont délégué des personnes pour apporter un soutien moral à la famille de la victime », a-t-il expliqué. M. Sanou a souligné qu’en dehors du soutien moral, la commune ne peut pas faire autre chose, car « il n’existe aucun écrit qui dit que la commune doit prendre en charge les balayeuses de rues à la hauteur de telle somme, en cas de maladie ou d’accident, dans le cadre de leur travail ».


Guiti Ramata KANTE

(Stagiaire)
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