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Projet de réduction du mandat présidentiel au Sénégal : Quand Macky Sall honnit les dictateurs du continent
Publié le mercredi 20 janvier 2016  |  Le Pays
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© Autre presse par DR
Le président du Sénégal, Macky Sall




A toute règle, dit-on, il y a une exception. Cet adage est en passe de se vérifier une fois de plus sur le continent africain, en pleine mutation. En effet, à l’heure où bien des satrapes du continent dansent au rythme du tripatouillage constitutionnel qui est pratiquement devenu la règle pour se maintenir ou prolonger leur bail à la tête des Etats, le président sénégalais, Macky Sall, a entonné une autre musique en décidant de retoucher la loi fondamentale de son pays pour réduire la durée du mandat présidentiel de sept à cinq ans, avec application à son mandat en cours. S’il est quasiment sûr que le Mbalax(1) du président sénégalais risque d’être fortement applaudi par bien des démocrates du continent, il est absolument certain que ce n’est pas demain la veille que les satrapes du continent se laisseront séduire par les pas de danse de cette musique venue du pays de la Téranga. Mieux, ils risquent de voir en leur illustre pair une curiosité voire une incongruité qui mérite que son mandat se termine le plus rapidement possible pour ne pas risquer de les « intoxiquer ». Car, il est malheureusement bien connu que dans ce genre de situations, les bons exemples n’inspirent pas beaucoup, à l’inverse des mauvais. Il n’y a qu’à voir toutes les mules qui se sont engouffrées dans la brèche ouverte contre la démocratie par le satrape burundais, Pierre Nkurunziza, pour se convaincre que ce n’est pas en leur sein que Macky Sall fera des émules. Quoi qu’il en soit, en se démarquant aussi courageusement d’une pratique rétrograde, surtout au moment où elle est en passe d’être la règle et est fortement combattue par les peuples africains en quête de plus de liberté et de démocratie, le président sénégalais confirme non seulement son caractère de démocrate bon teint, soucieux d’abord de l’intérêt général, mais aussi le label de phare démocratique de son pays sur le continent. En cela, il se place dans la lignée de ses illustres devanciers que sont Léopold Sédar Senghor et autres Abdou Diouf, qui ont laissé une image plutôt positive de leur passage à la tête de l’Etat sénégalais. Cela est à l’honneur du Sénégal et de son président actuel dont l’originalité de l’acte réside dans l’application de la mesure à sa propre personne, au-delà de toute autre considération. En effet, Macky Sall aurait bien pu se prévaloir de la non-rétroactivité de la loi pour étrenner tranquillement son mandat. Au Burkina Faso, l’on a même vu un Blaise Compaoré tenter de ruser avec la loi en essayant une ouverture pour lui-même et un verrouillage pour ses successeurs.

Les longs règnes ont suffisamment montré leurs méfaits sur le continent

C’est pourquoi, en appliquant la mesure à son mandat en cours, il y a lieu de croire que Macky Sall n’est pas en train de tailler un costume à sa juste mesure, mais est mû par une volonté réelle d’approfondissement de la démocratie et de renforcement du jeu de l’alternance dans son pays, sur des bases saines. En acceptant de renoncer à quatre ans de son naam(2), (c’est ce qui risque de lui arriver si le projet passe et s’il est réélu), là où certains ont vainement cherché un lenga(3), Macky Sall montre non seulement qu’il n’est pas un accroc du pouvoir, mais aussi qu’il a une haute perception de la notion d’intérêt général. De quoi couvrir de honte tous ces dictateurs impénitents du continent qui n’hésitent pas à user de toutes sortes d’artifices et de subterfuges juridiques ou à massacrer leurs populations pour se maintenir au pouvoir, la plupart du temps de façon indue, comme c’est présentement le cas du Burundais Pierre Nkurunziza et de tous ceux qui s’apprêtent à lui emboîter le pas.
L’exemple de Macky Sall devrait donner à réfléchir à bien des dirigeants du continent qui prétendent aimer leur peuple. En tout cas, par ce détachement, il prouve à souhait que l’on n’a pas besoin de tuer ses compatriotes pour rester au pouvoir. Mieux, qu’il y a bien une vie après le pouvoir qui ne saurait être une fin en soi et qu’il n’y a pas lieu d’avoir peur de l’après-pouvoir. Sauf peut-être pour tous ces dictateurs et autres anciens maquisards, parvenus bien souvent par accident à la tête des Etats, et qui ne se voient aucune autre perspective en dehors du pouvoir.
En tout état de cause, si le texte passait, ce serait une véritable avancée démocratique pour le Sénégal. Car, les longs règnes ont suffisamment montré leurs limites et surtout leurs méfaits sur le continent, en devenant le lit de bien des dérives. Et à y regarder de près, les grandes démocraties occidentales qui sont aujourd’hui citées en exemples dans le monde, et où les mandats présidentiels vont de quatre à cinq ans, ne se portent pas plus mal (et c’est un euphémisme) que nos républiques bananières longtemps abonnées au septennat et que des individus mus par des intérêts égoïstes veulent encore transformer en royaumes pour un règne ad vitam aeternam. Alors, plaise aux dieux de la politique que Macky Sall fasse des émules !

Outélé KEITA

(1) Mbalax : musique populaire du Sénégal

(2) naam : pouvoir en langue traditionnelle Mooré

(3) lenga : bonus en langue traditionnelle Mooré
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