Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Attaque terroriste à Ouagadougou : 14 heures d’assaut
Publié le lundi 18 janvier 2016  |  L`Observateur Paalga
Attaques
© aOuaga.com par G.S
Attaques terroristes : l`avenue Kwame N`Krumah, le jour d`après
Samedi 16 janvier 2016. Ouagadougou. Au lendemain des attaques terroristes contre Splendid hôtel et le café-restaurant Cappuccino, une bonne portion de l`Avenue Kwame N`Krumah est quadrillée.par des forces de défense et de sécurité et la plupart des commerces est fermée




Difficile de se faire une idée du « remake à Ouaga de l’hotel Radisson Blue de Bamako» que Rfi annonçait, ce vendredi 15 janvier aux environs de 20h. Impossible pour mon confrère Jean Gilbert Ronga de Radio Burkina et moi d’avancer plus loin que le restaurant La Veranda sur l’avenue Kwame N’Krumah, une barrière de fortune faite de piquets de parking y ayant été dressée. Massés là, les badauds tendent le cou pour observer le théâtre de l’opération terroriste : à environ 100 m de là, les devantures de l’hôtel Splendid et du restaurant Cappuccino sont illuminées par le feu incandescent de voitures auxquelles les terroristes ont mis le feu. «Ils sont forts ces salopards ! On ne peut rien voir de loin à cause du feu» dit-on dans le petit groupe crispé par les coups de feu, semblables à des bruits de pétards qu’on entend par intermittence. «Quoi choisir de plus symbolique en plein cœur de Ouaga que Kwamé Krumah ?» ajoute un autre. A une trentaine de mètres, derrière la grille d’une boutique, gît le corps d’un jeune homme. «Le pauvre, il avait tout prévu sauf mourir ce soir !» commente un badaud.

Un autre curieux approche. Barbu et le pantalon court sous son boubou, il ne manque de se faire remonter… les bretelles : «Pourquoi tu es inconscient comme ça ? On parle de djihadiste et toi tu sors avec ton look suspect ; si on vous confond c’est toi qui l’aura cherché.» Le «suspect» n’a pas le temps de répondre, car un gendarme débouche du coin de rue et interpelle le groupe : «S’il vous plait, reculez ! C’est dangereux de rester ici. Laissez-nous travailler !» Comme si quelqu’un quelque part avait voulu appuyer ses propos, de nouveaux coups de feu éclatent. Dispersion !

Nous nous faufilons jusqu’à la devanture de Bravia Hôtel. Là c’est le branle-bas de combat. Alors qu’il est 21 h moins, des pandores vérifient leur arsenal à l’intérieur d’un blindé, dans l’optique visiblement d’un assaut. Certaines armes ne «percutent» pas, et tout le monde n’a pas de gilet et de casque de protection. On reconnait Evrard Somda et Hervé Yé, au four et au moulin, qui vont et viennent pendus au téléphone. Le «commando» de Journalistes reporters et d’images (JRI) de Burkina Info TV et l’infatigable photo reporter Big Z n’en ratent pas une seconde. Les ordres viennent du bâtiment du ministère de la Fonction publique où le QG du comité de crise a été installé. Les minutes s’égrènent, ponctuées de tirs sporadiques.

Un bruit assourdissant de moteur se fait entendre depuis la base aérienne. Un avion ou hélicoptère qui décolle ou atterrit ? Dans le noir, difficile de distinguer grand-chose au-dessus de l’aéroport, mais les débats sont ouverts dans les rangs des curieux qui ont de nouveau envahi les lieux. Des spécialistes en aéronautique parlent même de bruit des drones américains annoncés par France 24.

Des tirs nourris cette fois se font entendre.

«Dans ce genre de situation, il ne faut jamais rester à découvert», conseille Big Z à ses jeunes frères, se couchant lui-même sur une terrasse derrière un pilier. Nous l’y rejoignons.



«Je cherche un coin pour boire»



22h 03, nouveaux coups de feu non loin de la MABUCIG à 50 m de là. «Tout le monde à terre ! Il n’est pas loin !» crient les gendarmes se positionnant pour riposter. Débandade générale chez les civils. « Le vieux père avait raison», soupirons-nous in petto depuis notre cachette, pendant que le tireur semble reparti. Lui, couché à 3 m de là, écoute sur un mini poste sur haut-parleur RFI qui revient sur l’attaque qui a eu lieu plus tôt dans la journée à Tin Abao non loin de Gorom-Gorom dans la région du Sahel et qui aurait fait deux morts dont un gendarme. «Ils ont vraiment planifié leur affaire, ces salopards !» lâche quelqu’un. «Hum ! C’est pas facile ! Pauvres gendarmes ! Est-ce que vous savez que ces gens-là ont 1 500 FCFA seulement pour ce genre de missions où ils se font tuer ? Ce n’est pas normal ! » s’indigne un autre.

22h 12, nous avons enfin confirmation d’un assaut imminent. D’ailleurs, le blindé démarre et emprunte l’avenue Kwamé Krumah en direction de Cappucino, avec à bord des hommes armés dont quelques-uns avec bouclier. Des cris de guerre se font entendre à l’intérieur du véhicule, leurs camarades leur répondent. «Que Dieu vous protège !» les encouragent également quelques citoyens téméraires toujours sur les lieux. La scène fait froid dans le dos. A moins que ce ne soit le vent glacial qui fouette les os à ce moment qui soit la cause de nos frissons. «Je peux vous confirmer qu’à l’instant un char de combat de l’armée vient de lancer l’assaut !», annonce un envoyé spécial d’une radio locale en direct au téléphone. «Mon ami, toi aussi ? Tu ne regardes pas film de guerre ? ça là, c’est même pas un bon blindé», le taquine quelqu’un. On trouve moyen d’en rire. L’atmosphère est quelque peu détendue. «Ça là, c’est wack des femmes seulement ! Tu pars dans chambre de passe, on te braque, tu pars dans hôtel on te kidnappe, tout ça, c’est pour qu’on reste à la maison mais on va trouver solution !» ose un autre. Eclats de rire.

22h17, le blindé revient se garer. Vide. Ses occupants sont visiblement descendus pour participer à l’assaut. Pendant que les échanges de tirs s’intensifient, confirmation nous est donnée que le ministre Clément Sawadogo et un confrère de Burkina Info TV (Assane Nacro) sont parmi les personnes qui se trouvent à l’intérieur de l’hôtel Splendid. Un véhicule des sapeurs-pompiers fait la ronde. Tous les va-et-vient sont suivis avec vigilance. Soudain, un petit véhicule de couleur verte fend la foule en direction de l’avenue. Il est 22h 33. Il est aussitôt stoppé par les pandores. «Où allez-vous ?» demandent-ils au conducteur, seul occupant. «Je cherche un coin pour boire», répond ce dernier, la cinquantaine bien remplie, contrairement à sa chevelure dégarnie par la calvitie. «Il n’y en a pas par ici, faites demi-tour svp, Monsieur !». Visiblement déjà éméché, il peine à manœuvrer dans la ruelle, manquant au passage d’écraser quelques pieds. Cela a le don d’énerver les civils qui entourent aussitôt son véhicule : «Il est saoul ! Descendez-le, on va le désaouler !» Les gendarmes s’interposent. Ils doivent jouer des coudes pour extirper le Monsieur et le faire asseoir sur un banc devant une boutique située en face de Bravia hôtel. Certains, qui l’ont reconnu, affirment qu’il habite dans les environs et entreprennent de lui expliquer la situation.

«Vraiment je n’en savais rien ! Je suis vraiment désolé !», bégaie-t-il, en «demandant la route».

«Vous pouvez conduire ?», s’assure un gendarme.

«Oui !»

Permission de s’en aller. Cette fois-ci sa conduite est un peu plus lucide. Il disparait en direction de l’aéroport.

23h02. Comme les balles sur le lieu des opérations, les informations pleuvent. On apprend que le ministre de la Sécurité, Simon Compaoré, a ramené l’heure du couvre-feu de 23h à 6h (au lieu de 1h à 4h), et que le décret prend immédiatement effet. Les confrères de la RTB apprennent également que des militaires ont fait irruption dans leurs rédactions, intimant d’arrêter le direct. Le confrère Assane Nacro a pu également s’échapper et serait actuellement en soins à l’hôpital.
Un autre véhicule à la conduite suspecte apparait. Zigzaguant à vive allure entre les badauds et les véhicules stationnés au bord de la rue passant derrière le siège du journal L’Opinion, le chauffeur, un rasta selon sa coiffure, est prié de rebrousser chemin. Il s’exécute. Mais ce n’est que pour faire le tour par l’Union européenne et emprunter l’avenue Kwamé Krumah en direction de l’hôtel Splendid. Il est stoppé au niveau de La Véranda.

«C’est quoi, votre problème ?» lui demandent les pandores.

«Je veux rentrer chez moi !» rétorque-t-il. Il ne semble pas dans son état normal. La sécurité le force à garer son véhicule et retire ses papiers.

«C’est la force que vous me faites ! Je ne sais pas ce que j’ai fait, moi je veux juste rentrer chez moi, c’est pas loin, je traverse Kwamé et je suis arrivé ! On peut circuler en paix dans ce pays ? C’est vous qui dites que y a couvre-feu, on veut rentrer aussi c’est problème !» répète-t-il, s’agitant dans son véhicule bariolé de graffitis et de posters de Bob Marley. Finalement les agents décident de l’amener au poste. Comme un éclair de lucidité lui revient aussitôt :

«Attendez ; si vous m’arrêtez, j’ai droit à un avocat !»

«Appelle ton avocat voir s’il va venir ici la nuit-là», lui répond un civil énervé par ses agissements.

23h10, coupure de courant dans la zone. «C’est une manœuvre de nos gars, ils vont attaquer», entend-on dans le noir pendant que tous les civils s’éloignent. Sur l’avenue Kwamé N’Krumah, la coupure ne concerne que la section allant de l’Union européenne à l’hôtel Splendid. Le côté de la Fonction publique reste éclairé.

23h17, le courant revient. Apparemment pas dans l’hôtel, dont seul l’enseigne lumineuse clignote encore pendant que le combat continue.

23h28, des rescapés nous rejoignent. C’est l’heure des témoignages.

- «Ils sont arrivés à bord de deux véhicules 4x4 vers 19h 30, ils se sont séparés en deux groupes. Le premier a rafalé la devanture de l’hotel Splendid avant d’y pénétrer et l’autre a canardé Cappucino de dehors avant d’y entrer. Puis ils sont ressortis et ont tiré sur les gens au hasard avant de mettre le feu aux véhicules garés devant»

- «Ils n’étaient pas cagoulés. Il y a un qui était barbu. Ils parlaient dans leur langue. Ils visaient les Blancs d’abord. A Cappucino, ils ont fait un premier passage. Puis ils sont revenus et ont tiré sur ceux qui bougeaient encore. Ils sont allés vérifier jusque derrière le comptoir»

4, 6 ou 15 ? Difficile de savoir le nombre exact des assaillants, tant les témoignages divergent, certains même plus fantaisistes que réalistes, et il y aurait des femmes parmi ces derniers, dont un seul a la peau blanche.

L’un d’eux, blessé à la cuisse, ne semble rien sentir, le regard perdu. Il est sous le choc. «C’est horrible ! C’était comme dans un film. J’étais avec ma fiancée, qui est enceinte, et ma belle-mère. Je les ai perdues de vue dans la panique qu’il y a eue. J’ai dû me coucher sur des cadavres et faire le mort pour pouvoir m’échapper par la fenêtre après», raconte-t-il, demandant un téléphone pour appeler sa dulcinée. «C’est une mauvaise idée, si elle est encore à l’intérieur, tu peux lui créer des problèmes. Appelle plutôt à la maison pour rassurer les tiens», lui conseille le journaliste qui lui tend son téléphone.

01h 59. Sur l’avenue, les forces de défense et de sécurité semblent avoir gagné du terrain. Les échanges de tirs tracent des lignes lumineuses dans le ciel entre le coin de la rue entre l’hôtel Yibi et le bar Taxi Brousse et le haut de l’hôtel Splendid. Des détonations se font également entendre par intermittence. Rien qu’à leur fréquence, on imagine l’ampleur du combat. Au fur et à mesure que l’affrontement se prolonge dans la nuit, un blindé blanc portant une grosse croix rouge va chercher régulièrement des rescapés pour les conduire hors du champ de tir. Les sapeurs-pompiers prennent le relais pour s’occuper des blessés.

02h 27, le ministre de la Communication, Rémi Djandjinou, annonce sur son compte Twitter : «Conseil des ministres extraordinaire le samedi 16 janvier à 9h à Kosyam». Ça tire toujours.

03h15, le ministre Clément Sawadogo a été libéré et évacué, apprend-on. On a l’impression que le temps s’est arrêté. Les portables, déchargés, ne permettent pas d’avoir une idée de l’heure, ni d’informations fraîches. Quelques-uns se permettent de piquer un somme. Avec le temps, on arrive même à distinguer le bruit, lourd et régulier, des armes des Forces de défenses et de sécurité (FDS) de celui, plus léger et saccadé, de celles des terroristes.

6h 08, enfin une «bonne nouvelle» : Trois terroristes «dont un de type arabe et deux négro-africains» ont été abattus, apprend-on de sources sécuritaires. Cappucino serait sous contrôle de nos forces de défense et de sécurité. Certains ne manquent pas d’applaudir. A la faveur du jour qui s’est levé, les badauds ont eux-mêmes établi un périmètre de sécurité tout autour de l’hôtel. Les gendarmes doivent s’y prendre à plusieurs fois pour les éloigner. Plus rares à présent, les tirs n’ont tout de même pas cessé. Les journalistes étant plus nombreux, les informations sont mises à jour chaque 5 mn. On annonce également un conseil des ministres extraordinaire à Kosyam sur la situation.

Il est également temps de chercher de quoi se mettre sous la dent, même s’il est dur de trouver un commerce ouvert dans les environs. Après une telle nuit, on boirait bien…un Cappucino.

On dénombre 22 morts alors qu’il est 8h passées.

9h00, un cortège de plusieurs voitures s’ébranle vers la Fonction publique, en passant devant la mosquée sunnite. Il s’agit du Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, venu en compagnie du Premier ministre et de l’ambassadeur français encourager le comité de crise et appeler le peuple «à la vigilance et au courage». Il en profite pour faire un bilan provisoire auprès de la presse : 23 morts, de 18 nationalités différentes.

Pendant ce temps, trois employés de la pharmacie mitoyenne de La Calèche, enfermés depuis la veille, réussissent à sortir. Pas le temps de se confier, ils enfourchent leur moto pour rejoindre leur domicile.



«Ce sont des gamins»



10h10, des rescapés de Taxi Brousse, dont l’un a été blessé par balle à l’épaule, signalent qu’un terroriste s’y est réfugié. A peine un quart d’heure et on annonce que celui-là aussi a été «neutralisé». Les journalistes en profitent pour jeter un coup d’œil sur les décombres. On arrive à accéder à la devanture du siège du CDP. Puis du Splendid, dont les vitres de la porte ont volé en éclats. Une odeur de brûlé flotte dans l’air. Des deux côtés de l’avenue, une vingtaine de véhicules calcinés. Devant le restaurant le corps d’un être humain calciné jusqu’aux os est étalé sur le parterre.

Au niveau de Taxi brousse, trois corps gisant sur le dos dans le sang sont indexés comme étant ceux de terroristes. Des fusils d’assaut et des munitions sont étalés à proximité. Pas de femmes parmi ces derniers, mais une tenue ressemblant à une burka est déposée à côté de l’un d’eux. La première chose qui frappe est leur jeune âge. On ne leur donnerait pas 18 ans. «Ce sont des gamins», s’exclame un caméraman pour qui ils n’auraient pas 15 ans. Un autre détail marquant est qu’ils portent tous le même type de chaussettes, longues, noires rayées de blanc. Pas le temps de poursuivre les investigations, car les experts en la matière de la maréchaussée investissent les lieux et délimitent la scène à l’aide de leur bande jaune. Le procureur du Faso superviserait les investigations.

10h47, les journalistes sont priés de se retirer des lieux, car un autre suspect a été signalé au niveau de l’immeuble de La Calèche. Les FDS se positionnent pour fouiller ledit édifice. Dans les rangs des journalistes, on apprend que le propriétaire du restaurant Cappucino a perdu son épouse et son enfant dans l’attaque.

12h18, nouveau bilan alors que l’assaut proprement dit a pris fin : 28 morts, 156 personnes libérées dont une cinquantaine de blessés, 4 blessés chez les FDS soit un militaire français, deux policiers et un militaire burkinabè, 3 terroristes tués. 72h de deuil national ont également été décrétées à l’issue du conseil des ministres.

Le ratissage se poursuit néanmoins, des arrestations également, sans qu’on sache si ce sont des terroristes ou de simples suspects qui sont visés. Contrairement aux citoyens qui se massent de plus en plus dans les environs, il n’y a plus grand-chose à se mettre sous la dent pour les journalistes. Pour certains, il faut chercher de quoi remplir son ventre qui crie famine. Il est temps aussi de rafraîchir son haleine avec un des bonbons que propose le premier vendeur ambulant rencontré. Un bonbon parfum «Cappucino», un signe du ciel ? Mystère et boule de gomme, mais cela a le don de nous rappeler cette belle phrase d’un facebooker : «Chaque matin, nous boirons un Cappucino dans un Burkina Splendid». Ainsi soit-il !

Boowurosigué Hyacinthe Sanou
Commentaires

Titrologie



L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment