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Gestion de la transition : qui a peur de l’audit ?
Publié le mercredi 13 janvier 2016  |  Le Pays




L’audit de la Transition était un vœu formulé par bon nombre de Burkinabè qui se répandaient à longueur de journée sur les réseaux sociaux. Le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, vient de donner son quitus pour la satisfaction de cette revendication, le 11 janvier dernier, lors de l’audience qu’il a accordée au Contrôleur général de l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption (ASCE-LC), Luc Marius Ibriga. Roch n’a sans doute pas voulu emboucher la trompette de la mauvaise perception du mot « audit » qui, pour bien des gens, rime avec « malversations ». Il pose là, à la fois un acte politique, pédagogique et économique.

Au plan politique, le OK du président du Faso ressemble à un acte de communication politique.

Le nouveau président veut prendre à témoin l’opinion publique sur l’état de la Nation

Car, il va au-delà de la traditionnelle sanction politique du peuple par les urnes et exige le devoir de rendre compte pour ceux qui gèrent l’Etat. Dans le contexte post-insurrectionnel du Burkina Faso, il donne ainsi un sens au slogan « plus rien ne sera comme avant ». De ce fait, ce feu vert du PF a la consonance d’une profession de foi pour une gouvernance vertueuse et il est la manifestation de l’attachement à l’idéal d’une société véritablement démocratique comme l’exprime Michel Foucault, « une société transparente, à la fois visible et lisible en chacune de ses parties ; qu’il n’y ait plus de zones obscures, de zones aménagées par les privilèges du pouvoir… ou par les prérogatives de tel ou tel corps, ou encore par le désordre ; que chacun, du point qu’il occupe, puisse voir l’ensemble de la société, que les cœurs communiquent les uns avec les autres, que les regards ne rencontrent plus d’obstacles, que l’opinion règne, celle de chacun sur chacun. » Du point de vue de la stratégie politique, le nouveau président veut prendre à témoin l’opinion publique sur l’état de la Nation avant d’en prendre la direction. Au soir de son quinquennat, il pourrait faire le bilan entre les points d’entrée et les points de sortie et en user comme rampe de lancement pour « rebeloter ». Mieux, il fait de la sorte un clin d’œil à la communauté internationale qui, depuis ces dernières décennies, fait de la gouvernance vertueuse son cheval de bataille.
Au plan pédagogique, le président crée un précédent appelé à être la règle. Luc Marius Ibriga, à la sortie de l’audience avec le président du Faso, a traduit en des termes on ne peut plus clairs, cette intention du locataire du palais de Kosyam : « Il est important que celui qui gère des deniers publics se prête désormais à ce type d’exercice ». L’ère de la prime aux délinquants à col blanc semble révolue et quiconque s’écarte de l’orthodoxie financière, devra en assumer la responsabilité.
Du point de vue économique, l’audit est un acte de gestion destiné à s’assurer de la régularité des comptes pour porter un jugement sur la qualité et la rigueur dans la gestion. Dans un contexte où la santé économique du pays est fragile, le recours à cet exercice permet de faire l’état des lieux pour définir des repères clairs et orienter l’action gouvernementale. L’audit permet ainsi de faire l’état des lieux des caisses de l’Etat et d’envisager des mesures correctrices. Le président s’assure surtout lui-même que tous les boulons du navire sont en place, avant d’en prendre le gouvernail.
Toutefois, l’audit ne vaut quelque chose que quand il est suivi d’actes. C’est pourquoi le rapport qui s’en suivra ne devra pas servir de matelas aux cancrelats et autres espèces.

La Transition qui a fait voter la loi sur l’enrichissement illicite est attendue au pied du mur

Il devra être public et permettre de féliciter le gouvernement de Transition en cas de bonnes pratiques. Dans le cas contraire, sans que cela ne prenne l’allure d’une chasse aux sorcières, les fautifs devraient répondre de leurs actes pour rompre définitivement avec l’impunité qui avait pignon sur rue sous l’ère Compaoré. Et l’impératif annoncé de la réconciliation nationale ne devrait nullement servir d’alibi pour accorder l’impunité aux éventuels fautifs ; ce serait contraire à l’esprit de l’insurrection.
En attendant que le projet prenne corps et aboutisse au rapport public souhaité, il faut féliciter le gouvernement de Transition qui, prenant les devants, a demandé à être audité. Il reste cependant à espérer que ce ne soit pas un acte préparé et déjà ficelé car, on peut quelque part douter de la bonne foi de quelqu’un qui prend les devants. Les Burkinabè attendent encore la publication des biens des membres du gouvernement de la Transition à la sortie de leur magistère pour mesurer les écarts avec leurs biens à l’entrée. En tout état de cause, l’audit devrait permettre de situer tout le monde car en l’absence d’informations, c’est la rumeur qui dicte sa loi. La Transition qui a fait voter la loi sur l’enrichissement illicite, est attendue au pied du mur et on ne peut que lui souhaiter un bien meilleur sort que celui de Joseph Ignace Guillotin qui inventa la guillotine et finit par être lui-même guillotiné.
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