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Mutilations génitales féminines : Sali, 25 ans, « fistulée » à perpète
Publié le jeudi 7 janvier 2016  |  L`Observateur Paalga
Journée
© Autre presse par DR
Journée nationale de lutte contre la pratique de l’excision




- Une partie de son organe génital coupée par la lame d’une exciseuse ;

- une jeunesse volée du fait d’un mariage précoce ;

- un accouchement compliqué auquel n’a pas survécu le bébé.

Autant d’épreuves vécues par Salimata Ouattara, bien avant l’âge de dix-huit ans.

Aujourd’hui jeune femme de vingt-cinq hivernages, elle est condamnée à traîner une fistule obstétricale. A vie.

Pour autant, Sali, comme on l’appelle, n’est pas femme à se résigner. A la Fondation Rama, où elle a été accueillie pour des soins qui se sont tous révélés vains, cette native de Banfora mène une croisade contre l’excision et son corollaire, la fistule obstétricale.

Les lames de la vie n'ont pas fait de cadeau à Salimata Ouattara.

Poustenga. Localité située à une dizaine de kilomètres de Ouagadougou, derrière le palais de Kosyam. En ce vendredi 18 décembre 2015, l’ambiance est festive. Les pensionnaires de la Fondation Rama ont mis les petits plats dans les grands pour recevoir un groupe d’agents du Bureau national du système des Nations unies pour la population (UNFPA) venus s'entretenir avec elles.

12h00. Le minibus de la délégation s'immobilise à l'entrée de la Fondation. A l’intérieur, règne un calme digne d’un couvent. En cette période d’harmattan, le vent souffle, balayant sur son passage les feuilles mortes des arbres. Quelques hôtes de ce vaste domaine s'avancent timidement vers les visiteurs du jour. Parmi ces derniers, une dame, à la grande silhouette, est tout de suite remarquée. Les pensionnaires se ruent, joyeuses, vers elle. Qui est donc cette jeune femme dont la seule présence illumine de bonheur tant de visages que rien n’égaie ?

La représentante résidente de l’UNFPA, à laquelle on serait tenté de penser ? Non ! Il s’agit plutôt du Dr Assoumana Zhalla, gynécologue obstétricienne au centre médical Schiphra, en charge de plusieurs dossiers relatifs à la fistule obstétricale, ce mal dû à un accouchement compliqué et qui se manifeste par une communication anormale entre l'urètre et l'anus ou entre l'urètre et le vagin.

Sur les mines longtemps déconfites se lit une certaine joie. Une joie que suscite la présence de la délégation, synonyme, ici, de l’espoir de retrouver une vie normale.

Sitôt les chaudes poignées de main terminées, place à la visite des locaux. Des chambres à coucher au jardin de la cour en passant par l’atelier de tissage de pagnes et de nattes, les hôtes du jour s’imprègnent de «ces femmes pas comme les autres», rejetées même par leurs propres familles.

A la Fondation Rama où elles apprennent à retrouver goût à la vie, l’une d’entre elles a particulièrement retenu notre attention : il s’agit de Salimata Ouattara, un bout de femme au teint noir de jais, venue de Banfora, ville située à environ 400 km de la capitale burkinabè. Elle a dû abandonner très tôt les bancs de l’école : «Je devais reprendre la classe de CM1, alors, mon père a refusé de payer pour une redoublante. Il a choisi de continuer à scolariser mes frères. Avec l’insouciance due à mon âge, j'étais contente de rester à la maison», raconte-t-elle avec détachement. Mais à cet âge, douze ans à peine, Sali était loin d’imaginer que trois années plus tard, elle serait arrachée des jupons de sa mère pour partager le lit d’un homme. «Je n’avais que quinze ans lorsque j’ai été proposée en mariage. Malgré mon refus, rien n’y fit. J’ai fini par me soumettre à la volonté de ma mère tellement la pression était forte. C'est ainsi que je suis allée me marier en Côte d'Ivoire. A peine ai-je eu le temps de connaître mon mari que je suis tombée enceinte».

Mais la jeune mariée était loin de se douter qu’elle ne vivrait jamais le bonheur d’être mère. «Je me suis plusieurs fois présentée au centre de santé le plus proche pour un suivi de la grossesse. Mais à chaque rendez-vous, c’était le même refrain : «reviens demain». De report en report, un mercredi, j'ai commencé à sentir les contractions. Ce jour-là, il y a eu une forte pluie. Les contractions se sont poursuivies jusqu’au samedi. Mais personne n’a pensé à me conduire à la maternité. Les vieilles femmes du campement où nous étions ont essayé de me faire accoucher. En vain. Après quatre jours de douleurs intenses, je n’en pouvais plus. Il a fallu que je supplie mes beaux-parents pour qu’ils daignent enfin m'amener dans un centre de santé le samedi au moyen d’une moto», poursuit-elle, des trémolos dans la voix.

Un accouchement difficile

Les yeux humectés de larmes, le regard vers l’horizon, elle tient à faire connaître son calvaire malgré le souvenir douloureux : «Arrivée à la maternité, les agents, se sentant impuissants face à mon cas, ont exigé la somme de 50 000 FCFA au cas où ils parviendraient à pratiquer l’accouchement. Ils m'ont donc malaxée comme de la pâte, insultée et même giflée. Malgré mes efforts surhumains pour pousser, le bébé ne venait toujours pas».

«Certes je ne sais rien de la médecine mais j'étais convaincue que mon état était critique. Dès que nous sommes arrivés dans un autre centre de santé, j'ai directement été admise en salle d'opération. Je me suis réveillée une semaine après, pour constater que l’enfant n’a pas survécu. Mon ventre s'était enflé, j'avais toujours des lochies. Il a fallu qu'on me retourne au bloc opératoire pour les extraire. Après cela, nous sommes rentrés à la maison. J'y ai passé une semaine couchée. Pendant que j'étais alitée, ma couche était tout le temps mouillée d’urine. Mais j'étais loin de m'imaginer que huit ans après, je serais encore là à laver mes couches d'urines puisque je n’arrive plus à les contenir depuis cet accouchement. J'en avais marre de cette vie loin de ma famille. J'ai donc décidé de revenir chez mes parents. C'est ainsi que j'ai regagné Banfora, ma ville natale, dans la plus grande désolation. Je ne parlais pas de ma maladie parce que j'en avais honte », ajoute-t-elle longuement.

Sali n’est pas la seule à vivre cette situation

C’est une fois à Ouagadougou que Sali sera davantage située sur ce « mystérieux » mal qui l’indispose depuis. Référée à la Fondation Rama où elle vit depuis quatre ans, elle a subi trois interventions chirurgicales. Mais rien n’y fit. «Les médecins ont fini par m’apprendre que mon cas est irréversible parce que tous les tissus du vagin et de la vessie ont été très endommagés. J'ai décidé de retourner au village et de mettre fin à mes jours. Mais la responsable de la Fondation, Rasmata Kabré, m'a fait comprendre qu'en restant ici, avec le temps, il se peut que j'ai de l'aide puisque des cas similaires au mien ont pu être traités. Aujourd'hui, certes je suis condamnée à vivre avec ces urines, mais il se peut que demain Dieu fasse un miracle afin que j’aie des soins appropriés dans un pays développé. Si je n'avais pas été excisée, ma situation serait toute autre, car j'ai appris ici que l'excision peut provoquer cette maladie ", déclare-t-elle acceptant sa situation avec une certaine philosophie, sans perdre espoir.

A côté de Salimata Ouattara vit une trentaine d'autres femmes dans ce centre et chacune a son histoire.

Allons à la découverte de celle d’Alizèta Zongo, la trentaine bien sonnée, originaire de Poa, commune située à 70 km de Ouagadougou. Ses problèmes sont également partis d’une grossesse mal assistée : «Mes contractions ont débuté dans mon village et au centre de santé, les agents ont jugé qu'ils ne pouvaient pas me faire accoucher. Nous sommes allés à mobylette à Koudougou, distante d’une trentaine de kilomètres de mon village. A l'hôpital, j'ai subi une intervention. Et une semaine après, j'ai été libérée. Mais le huitième jour, j'ai constaté que je perdais les urines. Après consultation, on m'a placée une sonde et quatorze jours plus tard, l’appareil a été retiré puisque le problème persistait. Les agents de santé m'ont référée à Ouagadougou», raconte-t-elle avant d’ajouter : «Et depuis février 2015, je suis arrivée avec des infections qu'il fallait traiter. Après m'avoir examinée, le médecin m'a attesté que mon mal est dû à l’excision qui a endommagé des parties importantes de mon corps. Après cela, je suis repartie au village et c'est là que j'ai appris qu'il y a un centre qui s'occupe des femmes comme moi. J’y suis donc depuis une vingtaine de jours, attendant mon rendez-vous pour une intervention chirurgicale. Mais je ne sais pas si ça va marcher parce que j'ai des camarades ici qui sont condamnées à vivre avec la fistule».

Chacune a son histoire à la Fondation Rama qui, depuis 2006, a accueilli des centaines de femmes dont certaines ont pu retrouver la santé. Mais, foi du Dr Zhalla, il y a 5 ou 6 cas incurables dans ce centre.

Ebou Mireille Bayala (E. M. Bayala)

Qu’est-ce que la fistule obstétricale ?

L’une des conséquences de la pratique de l’excision, la fistule obstétricale, est une lésion résultant d’un accouchement qui a été relativement négligé. Fréquente dans les pays pauvres, elle est causée par un travail prolongé et difficile, de plusieurs jours sans intervention obstétricale en temps voulu. Généralement une césarienne est pratiquée pour mettre fin aux pressions excessives exercées par le fœtus sur l’organisme de la femme. Ses effets sont très souvent dévastateurs : le bébé meurt dans la plupart des cas et la femme souffre d’incontinence. Elle devient incapable de contrôler l’écoulement des urines et /ou des selles. En Afrique en général et au Burkina en particulier, elle est souvent abandonnée par son mari et sa propre famille. Pire, elle est considérée comme une source de malheur qui pourrait être la cause de décès de son mari.

"Le cas Sali Ouattara est irréparable"

Selon Dr Zhalla, médecin chargé du suivi de Salimata Ouattara, cette jeune dame est condamnée à vivre avec sa fistule : "Lorsque j'ai reçu le dossier de Salimata Ouattara, j'ai remarqué que son cas était critique. J'ai alors réuni les professeurs du domaine pour statuer sur son cas et tous ont convenu que c'est impossible de la réparer. Pour Sali, c'est fini. Le fait qu'elle ait subi des pressions au moment de sa grossesse a touché les os de son bassin et l'âge auquel elle a été enceinte a joué en sa défaveur. Pire, elle a été excisée. La chair est même partie. Il n'y a plus rien qu'on puisse coudre. Tous les tissus sont détruits ».
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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