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Koudougou-Diébougou-Ouagadougou : les empreintes de quatre volontaires japonais
Publié le jeudi 7 janvier 2016  |  Sidwaya




Depuis 2000, des groupes de jeunes japonais vivent régulièrement, à travers l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA), l’expérience du volontariat au Burkina Faso. Ils interviennent dans divers domaines comme l’éducation, la santé, l’agriculture et le sport. Nous sommes allés à la rencontre de quatre volontaires de Koudougou, Diébougou et Ouagadougou, leur localité d’intervention.

Il se nomme Shumpei Yanaka, 25 ans, professeur d’éducation physique. Natif de Saïtama, une ville située à une centaine de km au Nord de Tokyo, la capitale du Japon. Il réside à Koudougou depuis février 2015. Tous les après-midis de mardi, jeudi et samedi, entre 17h et 18h, paré de son kimono, ce jeune nippon à l’allure posée est présent au stade Batiébo Balibié, où il initie de jeunes ‘’koudougoulais’’ aux rudiments du karaté-do.
Mayumi Yamada, elle, a 26 ans. Sous un soleil de plomb, ce 9 octobre 2015, elle palpe attentivement les feuilles des plants de riz dans sa parcelle d’expérimentation à quelques pas du Centre de promotion rurale (CPR) de Bapla, une localité située à 10 km de Diébougou, le chef-lieu de la province de la Bougouriba, dans la région du Sud-Ouest. Cette étudiante spécialiste en riziculture est à Diébougou depuis plus d’une année, aux côtés des techniciens en agriculture et des producteurs, pour partager son savoir-faire sur l’amélioration du riz nerica (New Rice for Africa) et sa résistance à la sécheresse. Née à Nigata, elle a grandi à Saïtama et poursuit ses études académiques à l’université de Totori au Japon. Mayumi n’est pas la seule nipponne qui réside à Diébougou. Il y a aussi sa compatriote Miyu Sakurai. Sa tendre jeunesse trahit ses 27 printemps qu’elle vient de fêter le 16 octobre dernier. Elle pose fièrement à côté d’un charriot, fabriqué à partir de déchets recyclables. Ce joyau est sorti de l’imagination de Serge Kinda, l’un de ses nombreux partenaires avec lesquels, elle a organisé le festival international ‘’Nyama Nyama’’ (déchets en Dioula) de Diébougou, qui s’est déroulé du 30 mai au 6 juin 2015. L’événement s’inscrit en droite ligne avec son travail de volontaire. Le festival a consisté à sensibiliser la population sur le recyclage des déchets plastiques et l’enlèvement des ordures qui encombrent certains endroits du centre-ville. Native de Tokyo, Miyu a fait des études internationales et est spécialisée pour l’Amérique latine. Elle intervient dans la sensibilisation sur l’hygiène et l’assainissement au sein du district sanitaire de la commune de Diébougou.
Kanami Funatsu, elle, est à Ouagadougou depuis juin 2013, dans le secteur éducatif. Elle partage son expérience sur l’approche de l’éducation centrée sur l’enfant au centre d’éveil et d’éducation préscolaire situé au quartier Kalgondé de la capitale. Agée de 29 ans et originaire de l’île d’Hokkaido située à 850 km environ de Tokyo, elle est sortie de l’université des jeunes filles de Fuji, nantie d’un diplôme en éducation scolaire. Après avoir travaillé quatre années au Japon, Kanami, à l’instar des autres, a décidé d’aller à la rencontre d’autres peuples par le biais du volontariat.

Des volontaires dévoués

Ces quatre jeunes japonais font l’expérience du volontariat au « pays des Hommes intègres », par le biais de l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA). Ils interviennent dans l’encadrement sportif de la jeunesse, l’agriculture, l’hygiène, l’assainissement et l’éducation. Une aventure que Shumpei et ses compatriotes vivent avec beaucoup d’engagement, en dépit des difficultés. Les témoignages de leurs collaborateurs dans leurs structures d’accueil sont unanimes à saluer leur dévouement sans faille et leur volonté de réussir leur mission. «L’objectif pour lequel nous avons sollicité son intervention est atteint d’autant plus que les jeunes suivent avec intérêt ce que Shumpei Yanaka est en train de leur apprendre. Il est vrai que l’impact n’est pas perceptible dans l’immédiat. Mais, il est en train de semer une bonne graine. Si la possibilité d’un renouvellement dans l’encadrement de la jeunesse se présente, nous n’hésiterons pas à le faire», jubile le secrétaire général de la mairie de Koudougou, Paul Romuald Ouédraogo. Son tuteur, Marcel Badolo, qui travaille au service du sport de la municipalité soutient que la présence du volontaire est salutaire à plus d’un titre. « Sa présence nous est très utile d’autant plus qu’il enseigne une discipline qui inculque la maîtrise de soi, le savoir-être, le respect de la hiérarchie et le respect de soi aux jeunes. Si en définitive, ils arrivent à assimiler les fondements du karaté-do, c’est une richesse sociale inestimable. Savoir se tenir en société est une vertu recommandée partout », explique-t-il, l’air satisfait, en présence de son «protégé».

Au CPR de Bapla, ce sont les mêmes éloges formulés à l’endroit de Mayumi Yamada, la spécialiste en riziculture. C’est une personne très dévouée pour ce qu’elle fait, souligne le directeur du centre, Bertin Da. «Elle nous a apporté beaucoup de choses en matière de culture du riz nerica, d’assainissement et de la fabrication de la fumure organique à partir des résidus des récoltes», précise-t-il. Par exemple, poursuit le directeur du centre, au niveau de la riziculture, les producteurs ont l’habitude de semer 15 à 20 graines par pocket, mais la volontaire a réussi à convaincre les agriculteurs à y mettre cinq. «Les résultats ont été satisfaisants. Cela fait des économies de semences dans la mesure où la variété est difficile à obtenir», se félicite Bertin Da, un regard bienveillant posé sur Mayumi, assise en face de lui. Le chargé de l’encadrement à Bapla, l’agent technique d’agriculture, Tibi Gérard Zoma, confie avoir énormément appris aux côtés de la native de Nigata, en matière de culture de riz. Grâce à elle, il a bénéficié d’une formation d’une semaine sur la production de la variété nerica à Yaoundé, au Cameroun. Un geste qui reste à jamais gravé dans sa mémoire. En dépit de la barrière de la langue, laisse-t-il entendre, elle arrive à faire adhérer les producteurs à ses initiatives. «Elle fait l’effort de parler la langue locale pour établir la confiance avec eux. Ce qui fait que tout le monde l’a adoptée et son message passe correctement. Yamada est quelqu’une de très dévouée dans son travail. Elle m’accompagne régulièrement dans les parcelles d’expérimentation pour enseigner les paquets technologiques sur la culture du nerica aux producteurs. Nous restons ensemble sous le soleil de 8 heures à 14 heures», ajoute M. Zoma.
A l’instar des autres, Miyu Sakurai et Kanami Funatsu suscitent la même admiration auprès de leurs collaborateurs. Sylvère Kaboré qui partage sa classe de maternelle avec Kanami dit apprendre beaucoup d’elle. C’est une personne très attentionnée avec les enfants et qui sait être à leur écoute, précise-t-il. Il souligne qu’en termes de collaboration, Kanami est un exemple. Si leurs collaborateurs voient d’un bon œil leurs interventions, les volontaires nippons reconnaissent de leur côté que leur présence est significative dans leurs structures d’accueil.

Une fierté de promouvoir les liens d’amitié

A travers leur engagement auprès des communautés burkinabè pour partager leur savoir-faire et apprendre également d’elles, Shumpei Yanaka et ses compatriotes ont le sentiment qu’ils participent au renforcement des liens d’amitié entre le Japon et le Burkina Faso. Ils sont fiers de vivre une aventure humaine pleine d’enseignements. «C’est une fierté pour moi de venir servir dans un autre pays que le mien. C’est une expérience humaine très enrichissante, même si j’ai rencontré quelques difficultés avec les jeunes élèves que j’encadre. Ils se moquaient de mon accent quand je m’exprimais. Cela me gênait un peu», soutient le professeur d’éducation physique, Shumpei Yanaka, dans un français acceptable. Son choix de venir servir au «pays des Hommes intègres» n’est pas fortuit. Selon lui, le pays n’est pas très connu de ses compatriotes. C’est pourquoi, il a décidé de découvrir cette terre afin de mieux en parler à son retour. Et il n’a pas eu tort d’y venir parce qu’il trouve les Burkinabè très gentils et ouverts. «Les gens m’invitent fréquemment chez eux pour partager leur repas ou dans les buvettes pour prendre un pot. Je les trouve assez ouverts et solidaires, malgré les difficultés du quotidien», reconnaît-il, dans un sourire discret. Sa compatriote Mayumi Yamada avoue, pour sa part, avoir fait un bon choix en s’engageant dans le volontariat. Non seulement, dans le cadre de ses études, elle avait besoin d’une expérience de terrain (difficile à avoir dans son pays) pour avancer dans ses recherches en Master. Mais, elle voulait aussi transmettre son savoir à d’autres personnes en dehors du Japon. « Je vois que ma présence apporte quelque chose dans la mesure où j’arrive à partager mes connaissances sur la riziculture. Au cours de ma première année, j’ai eu le sentiment d’avoir transmis mes idées sur l’agriculture aux élèves du centre», confie celle qui dit apprécier la bière locale au gingembre. Elle aime l’ouverture, le courage et l’optimisme des producteurs face aux aléas climatiques. « Ils sont très polis et ils ont le sens de l’écoute. En plus, ils sont optimistes. Les conditions de vie sont un peu difficiles ici par rapport au Japon. L’agriculture est très dépendante ici des aléas climatiques, mais les agriculteurs font de leur mieux pour s’y adapter. Ils ne se découragent pas face aux caprices de la nature », constate Mayumi, le regard admiratif. Les pays asiatiques sont plus développés qu’un Etat comme le Burkina, souligne-t-elle, mais il y a beaucoup de disparités sociales. Par contre, le «pays des Hommes intègres» est peu développé, pourtant les gens ont à peu près le même niveau de vie. On ne sent pas trop de différences, surtout au niveau des mentalités et c’est pour cela, selon elle, que le pays connaît la paix.

Tout en émettant une réserve, Miyu Sakurai laisse entendre, de son côté, qu’elle est admirative du sens poussé que les Burkinabè ont de la famille. Ailleurs, au Japon ou aux Etats-Unis (elle y a vécu six ans), précise-t-elle, les gens sont trop concentrés sur leur travail. Par contre ici, ils ont des liens solides entre eux et le fait de voir les gens manger dans le même plat est quelque chose de très touchant. «J’apprécie l’optimisme des Burkinabè, leur mentalité de «ça va aller», ce qui n’est le cas au Japon où tout est orienté vers le travail. De l’extérieur, on considère le Burkina Faso comme un pays pauvre dans lequel les gens n’ont pas de moyens pour bien vivre. Lorsque j’y suis arrivée, j’ai compris que la vie n’est pas facile. Mais ce qui est fascinant, c’est que les gens ont un moral d’acier face aux difficultés du quotidien», argue, Miyu, amusée. Ce jugement sur les Burkinabè, les volontaires arrivent à le faire, grâce, en partie à leur intégration, qu’ils mettent un point d’honneur à réussir.

L’intégration, un défi relevé

De l’avis de tous les collaborateurs des volontaires rencontrés, trois qualités leur ont permis de réussir leur intégration: leur courtoisie, l’amour du travail et leur humilité à aller vers les gens. Le responsable du service promotion de la santé au district sanitaire de Diébougou, Adama Kaboré, reconnaît avoir élargi le champ de ses relations grâce à la volontaire Miyu Sakurai. «Elle a le contact facile, elle sait créer des liens entre les gens. Je suis à Diébougou depuis 2009, mais j’ai pu me familiariser avec certaines personnes grâce à elle. Elle est très connue et positivement appréciée pour son travail dans la ville. Elle a même intégré une association qui s’occupe de l’enlèvement des ordures dans la cité tous les lundis», se réjouit son collaborateur. Le tuteur de Shumpei Yanaka, Marcel Badolo, indique qu’il est très curieux et se donne à connaître certaines réalités de la culture burkinabè. Il est étonné, par exemple, explique-t-il, de voir que ma nièce vit chez moi, loin de ses géniteurs. «Je lui ai expliqué qu’en Afrique, un enfant appartient à toute la famille et peut aller vivre chez un oncle ou une tante sans problème. Ce sont des facettes de notre culture qu’il découvre au quotidien et n’hésite pas à poser des questions pour en savoir plus. Il s’interroge sur nos réalités sans a-priori, il cherche simplement à comprendre le mécanisme de fonctionnement de notre culture», souligne-t-il. Même constat d’une intégration réussie chez les collaborateurs de Mayumi Yamada. «Sur le plan social, c’est une personne qui cherche à s’intéresser aux gens. Lorsqu’un collaborateur a un événement heureux ou malheureux, elle fait de son mieux pour être de la partie. Elle nous rend régulièrement visite en famille et partage nos repas», atteste le chef du service production du CPR de Bapla, Sibiri Serge Ouattara. A l’occasion des grandes funérailles annuelles dans son village, à Dinkasso, situé à 15 Km de Bobo-Dioulasso, témoigne-t-il, Mayumi et une de ses compatriotes ont tenu à l’y accompagner. Elles ont pu admirer la sortie des masques pendant deux jours et elles ont fait beaucoup d’images.
Quant aux quatre volontaires nippons, ils disent avoir su s’adapter aux mets locaux sans problèmes. Ils admettent tous avoir souffert de la chaleur et du soleil à leur arrivée. «J’aime manger le tô, le placali et le haricot. La femme de mon tuteur a l’habitude de m’en préparer», affirme Shumpei Yanaka. Même si ce n’est pas un plat typiquement burkinabè, Miyu adore l’attiéké et prend un plaisir à en préparer chez elle. Quant à Mayumi, elle apprend à cuisiner des plats locaux comme la sauce de chenilles et le tô. En plus de ce qu’ils ont déjà réalisé au sein de leurs structures d’accueil, les volontaires nourrissent toujours d’autres ambitions.

«Connecter Diébougou »

Pour Miyu Sakurai, la commune de Diébougou regorge d’énormes potentialités qui gagneraient à être valorisées pour le bonheur des populations. La connexion internet y est encore balbutiante, pourtant elle est porteuse de nombreuses opportunités. En dépit de cela, elle a créé un blog dans lequel elle parle de la ville en japonais, en anglais et quelquefois en espagnol. «J’ai beaucoup voyagé à travers le monde, j’ai visité une trentaine de pays, mais je suis tombée amoureuse du Burkina Faso, particulièrement de Diébougou. Je rêve de connecter la ville au monde à travers des échanges. La technologie peut être développée ici. Et je pense qu’elle peut apporter quelque chose au développement de la localité», se convainc-t-elle. Dans son blog, elle fait part de son travail, de ses humeurs, du bonheur qu’elle éprouve en vivant à Diébougou. Grâce au blog, quatre de ses amis sont venus du Japon, des Etats-Unis et de la France lui rendre visite. «Je veux créer des liens entre Diébougou et le reste du monde. On peut favoriser les échanges entre les différentes localités du monde», avance-t-elle, visiblement épanouie. C’est pourquoi, elle s’est investie de son mieux dans l’organisation du festival Nyama Nyama. «Cet évènement était important à mes yeux parce qu’il a permis de sensibiliser le plus largement possible la population sur la nécessité de préserver son environnement en gérant convenablement les déchets. Nous avons plaidé auprès de la JICA qui nous a octroyé une trentaine de poubelles que nous allons distribuer dans des établissements scolaires et des services. Nous sommes en train de voir dans quelle perspective nous organiserons la deuxième édition», soutient celle qui est également actrice de théâtre.
Mayumi Yamada, elle, voudrait assister les producteurs dans la culture maraîchère, mais elle ne dispose pas de moyens pour les aider avec le matériel adéquat. Les volontaires ne disposent pas de moyens financiers pour réaliser certaines initiatives qu’ils mûrissent sur le terrain, précise-t-elle. Toutefois, elle relativise que les producteurs font l’essentiel avec les moyens de bord. En dehors du centre, explique-t-elle, il y a des agriculteurs qui sont volontaires et entreprennent la culture maraîchère, alors qu’il n’y a pas de pompes à eau, de grillage pour dresser les clôtures. Ce sont des initiatives qu’elle aurait voulu soutenir, mais elle n’a pas les moyens. «La barrière de la langue est une difficulté qui ne me permet pas de mieux discuter avec les femmes du village. Si je comprenais bien le dagari et le dioula, j’allais beaucoup travailler avec elles. Beaucoup d’entre elles ne parlent pas le français et je regrette le fait de n’avoir pas cette opportunité de mieux échanger avec elles», ajoute Mayumi. Elle rêve de revenir au Burkina Faso ou dans un autre pays de l’Afrique de l’Ouest, et intégrer un organisme qui œuvre dans l’autosuffisance alimentaire.

Karim BADOLO
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