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Sidwaya N° 7428 du 31/5/2013

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Mme Ginette Nzau-Muteta, représentante-résidente de la BAD : "La BAD veut être au cœur de la transformation de l’Afrique"
Publié le lundi 3 juin 2013   |  Sidwaya


Mme
© Sidwaya par DR
Mme Ginette Nzau-Muteta, représentante-résidente de la BAD


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Alors que les assemblées annuelles du groupe de la Banque africaine de développement ont refermé leurs portes, vendredi à Marrakech au Maroc, sa représentante-résidente au Burkina évoque dans cet entretien accordé à Sidwaya, les enjeux liés à la transformation structurelle de l’Afrique et... du Burkina. A la tête du bureau national depuis presque deux ans, Mme Ginette Nzau-Muteta se prononce sur la croissance inédite de plus de 8% en 2012 et dit comment selon elle, le boom minier peut servir à la diversification de l’économie. Stratégie décennale de la BAD 2013-2022, bilan des interventions et priorités de la Banque au Burkina, financement des infrastructures structurantes en Afrique, formation des cadres africains, partenariat avec les grandes écoles telles que le 2iE ... Mme Nzau-Muteta dit tout ou presque sur ce que la première institution de financement en Afrique veut faire pour le continent et les Africains.

Sidwaya (S.) : Les assemblées générales du groupe de la BAD, la Banque africaine de développement, ont eu lieu du 27 au 31 mai à Marrakech sous le thème : "La transformation structurelle de l’Afrique". Quelle réflexion justifie ce thème ?

Mme Ginette Nzau-Muteta (G.N-M) : La transformation structurelle de l’Afrique est un enjeu important pour le futur du continent. Aujourd’hui, sa croissance économique est parmi les plus fortes au monde. En effet, six des 10 pays ayant enregistré les taux de croissance les plus importants se trouvent en Afrique. Si elle veut devenir un continent prospère où il fait bon vivre, c’est-à-dire loin des conflits, des famines et des autres calamités naturelles en lien avec les changements climatiques, il faut que cette croissance contribue effectivement à la transformation du continent, en sortant la majorité de la population de la pauvreté.
C’est cette réflexion que le groupe de la Banque africaine de développement (BAD) a menée à travers divers consultations et panels de haut niveau en 2012. Elle a ainsi abouti à la formulation de la stratégie décennale de la BAD pour la période 2013 – 2022 axée sur la transformation structurelle de l’Afrique. Les assemblées annuelles ont été donc l’occasion d’examiner avec les pays membres, les nouveaux défis à relever par les Etats, individuellement et collectivement, pour parvenir à cet objectif.
D’autant plus que la stratégie sus-citée a identifié les facteurs-clés qui aideront à la transformation structurelle du continent. Il s’agit de l’intégration régionale, de la gouvernance, du développement des infrastructures, du secteur privé, des compétences et de l’innovation technologique. La préoccupation majeure est que les gouvernants africains utilisent désormais les retombées de cette croissance de manière durable et inclusive en relevant les défis ainsi énumérés.

S. : L’Afrique est aujourd’hui devenue la championne mondiale de la croissance avec un taux moyen de 7 %. Comment les Africains et notamment les gouvernements doivent se saisir de cette opportunité pour transformer le continent et lutter surtout contre la pauvreté ?

G.N-M : Effectivement, vous avez raison, l’Afrique est, on peut le dire, devenue la championne mondiale de la croissance. En effet, les perspectives à moyen terme indiquent notamment que cette tendance devrait se poursuivre avec un taux de croissance annuelle moyen de 7%. Avec des perspectives aussi favorables, les dirigeants africains devraient plus que jamais, s’engager de manière volontariste pour la transformation du continent en profondeur. Cela implique des actions urgentes, c’est-à-dire entre autres, investir massivement dans les infrastructures critiques nécessaires pour une plus grande intégration des économies et l’accroissement du commerce intra-régional, de développer le capital humain pour tirer profit du dividende démographique, de promouvoir une croissance plus inclusive, créatrice d’emplois et d’aller progressivement vers une économie verte, résiliente aux changements climatiques.

S. : Pour la BAD, quel est le défi qui sous-tend cette performance en termes de facilitation des décaissements et de financements des infrastructures, des écoles, y compris la formation, des centres de santé, des énergies, etc. ?

G.N-M : La stratégie décennale de la BAD vise à aider les pays membres à conduire les actions susmentionnées pour la transformation de l’Afrique non seulement en maintenant une croissance forte mais en améliorant la qualité de celle-ci pour qu’elle soit plus inclusive, créatrice d’emplois et de plus en plus verte. Au-delà de la mobilisation des financements au profit des pays membres, à travers ses deux guichets public et privé, la Banque entend jouer un rôle de catalyseur, de conseiller et de courtier du savoir, en accompagnant les Etats dans le développement des infrastructures, dans l’intégration régionale et dans les partenariats public-privé.
Plus que par le passé, le groupe de la BAD entend être « au cœur de la transformation de l’Afrique et du Burkina en particulier », en accompagnant tous les gouvernements à améliorer la qualité de la croissance, à travers le développement du secteur privé, la gouvernance et la « redevabilité », le renforcement des compétences et le développement de la science et de la technologie.
Au-delà des interventions au niveau des pays, les grands projets d’intégration prévus dans le cadre de la stratégie décennale concernent, entre autres, le Programme de résilience au Sahel, qui vise à apporter une réponse durable à la problématique de la région du Sahel marquée par des crises alimentaires récurrentes, des trafics d’armes et d’êtres humains, des revendications identitaires, et la montée du terrorisme. Treize pays, notamment les membres du CILSS, sont concernés par ce programme qui vise à promouvoir la sécurité alimentaire, renforcer les capacités des institutions sous-régionales (CILSS, CEDEAO, UEMOA) et à développer des infrastructures régionales. La BAD entend contribuer pour la première phase avec près d’un demi-milliard de dollars US pour la composante sécurité alimentaire. Il y a aussi l’initiative de la Banque dans les pays de l’Union de la Rivière Mano, constituée d’Etats fragiles (Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra-Leone, Guinée Conakry), qui est basée sur une approche régionale et de « continuum ». L’initiative vise à réduire le déficit en infrastructures, notamment, le transport et l’énergie, et à connecter les pays entre eux et avec les pays voisins, afin d’aider la zone à sortir de la situation de fragilité et d’instabilité. Enfin, le programme de la corne de l’Afrique est similaire à la composante sécurité alimentaire du programme de résilience au Sahel.

S. : La BAD soutient les grandes écoles comme le 2iE qui forme des ingénieurs-entrepreneurs à la pointe de l’innovation et octroie des bourses à des juniors africains. Que représente la formation des cadres africains dans la stratégie de la Banque ?

G.N-M : Le développement des compétences et de la technologie fait partie des cinq domaines prioritaires de la stratégie décennale de la BAD. Pour que l’Afrique tire profit de sa forte démographie pour les années à venir, il faudrait que les pays investissent véritablement dans l’éducation à tous les niveaux, afin d’augmenter l’offre de main-d’œuvre qualifiée.
La Banque, dans le cadre de sa stratégie de développement du capital humain en cours de finalisation, a proposé un nouveau modèle d’éducation pour l’Afrique articulé autour de l’utilisation des TIC, le lien avec le marché du travail, le partenariat public-privé, le développement de la pensée critique et l’utilisation de données probantes. Les principaux défis dans ce domaine que la Banque compte aider à relever, visent à augmenter le nombre de personnes qualifiées en science, en technologie et ingénierie, à soutenir les femmes dans les études techniques et scientifiques, à encourager l’innovation et l’esprit d’entreprise, et à développer des réseaux d’excellence et des programmes de mentors.
En vue d’augmenter l’offre de travailleurs qualifiés, la BAD entend soutenir l’Enseignement et la formation technique et professionnelle (EFTP), en tenant compte des besoins spécifiques du marché de l’emploi et en dotant les jeunes des compétences recherchées dans le secteur formel comme dans le secteur informel, y compris des compétences utiles à la création de petites entreprises.

S. : Quelles sont vos attentes en participant aux 8èmes journées entreprises de 2iE, prévues à la mi-juin à Ouagadougou ?

G.N-M : Ces journées sont une occasion pour la BAD de communiquer sur ses interventions en Afrique et sur sa stratégie décennale. Elle est intéressée à découvrir les innovations réalisées par les étudiants de 2iE. Cela lui permettra de toucher du doigt les expériences concrètes de l’institut en matière de formation, de gestion des ressources en eau et d’entreprenariat. Ce qui peut ouvrir éventuellement des pistes de collaboration. Avec plus de 93 % d’insertion dans les six premiers mois, 2iE a montré sa capacité à bien former des cadres africains pour le marché du travail.

S. : Quel bilan vous est-il possible d’esquisser sur les principaux programmes financés par le groupe de la BAD au Burkina Faso ?

G.N-M : Je voudrais profiter de votre tribune pour saluer l’excellence des relations de coopération entre le groupe de la BAD et le Burkina Faso. Je signale que le portefeuille des projets en y intégrant les projets régionaux, comprend 13 opérations représentant un engagement de 354,75 millions d’UC, soit environ 270 milliards FCFA. Le portefeuille se concentre à près de 70% sur les infrastructures structurantes (le transport, l’électricité, l’eau et l’assainissement). Cette part importante des infrastructures témoigne de l’alignement stratégique du groupe de la BAD aux priorités de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable (SCADD).
Il convient de souligner que ce portefeuille est globalement sain et ne comporte aucun projet à problème. Cette performance est le résultat conjugué de l’assainissement du portefeuille et de l’assistance continue du bureau de la Banque au Burkina Faso aux agences d’exécution des projets.
Comme vous le savez, la Banque a aussi un rôle important de conseiller des pays. Dans cette dynamique, la BAD est actuellement membre de la Troïka des partenaires au développement du Burkina Faso. La BAD entend jouer un rôle plus important dans ce domaine au cours des années à venir, notamment pour être le principal catalyseur, facilitateur et rassembleur.

S. : Quelles sont les priorités de la BAD pour le Burkina Faso pour la période 2012-2016 ?

G.N-M : Le Document de stratégie pays (DSP) de la BAD adopté l’an passé (2012 –2016) repose sur deux piliers : le développement d’infrastructures structurantes de soutien à la croissance et la consolidation de la gouvernance. L’accent est mis aussi sur les thèmes transversaux tels que le genre, l’inclusion sociale, l’emploi des jeunes et l’économie verte.
Nos opérations en cours de préparation portent notamment sur le financement du projet d’assainissement des quartiers périphériques de Ouagadougou, d’un montant d’environ 33 millions UC, soit environ 25 milliards FCFA, le bitumage de la route Dédougou-Tougan et Kongounsi-Djibo. Nous contribuons également au financement du projet Windiga énergie dénommé également SEMAFO Energie, d’un montant de 15,6 millions d’euros, soit 10 milliards FCFA. Il s’agit d’un projet en rapport avec les énergies renouvelables visant à financer une centrale à base solaire de 20 MW qui va s’intégrer dans le parc énergétique du Burkina Faso, pour diversifier les sources d’énergie et contribuer à réduire le déficit d’énergie du pays. En sus, nous allons financer un grand projet d’électrification d’un montant d’environ 40 millions d’UC, soit 30 milliards FCFA. Cela dit, le programme de travail de la BAD concerne enfin un grand projet d’infrastructures agricoles avec un accent sur la chaîne de valeurs intégrées.

S. : Le Burkina Faso a réalisé en 2012 une croissance de plus de 8 % grâce aux revenus de l’or, à la bonne campagne agricole et au renouveau de la filière cotonnière. Quelle analyse vous suggère cette performance économique ?
G.N-M : Les bonnes performances économiques du Burkina Faso en 2012 sont encourageantes. Le taux de croissance réel du Produit intérieur brut a presque doublé pour atteindre 9% en 2012 contre 5% en 2011. Ce résultat n’était pas évident au regard du contexte économique qui était particulièrement difficile et caractérisé par la volatilité des cours des matières premières comme le pétrole, l’or et le coton, l’insécurité au Sahel résultant de la crise au Mali et le choc climatique de 2011 ayant entraîné une crise alimentaire en 2012.
Cependant, cette bonne performance traduit aussi la forte vulnérabilité du pays. En effet, les aléas climatiques peuvent entraîner des variations du taux de croissance économique de l‘ordre 4 points du PIB. Comme le recommande la stratégie décennale du groupe de la BAD, le Burkina Faso a intérêt à investir pour améliorer sa résilience aux changements climatiques.

S. : Avec l’émergence du secteur minier ( plus de 8 mines en production) et de nombreux projets à maturité ou en cours, peut-on raisonnablement dire que le Burkina a trouvé sa voie pour amorcer le développement inclusif prôné par votre institution ?

G.N-M : Le Burkina Faso a effectivement 8 mines industrielles d’or en exploitation. Le pays regorge aussi d’un potentiel important de manganèse, de bauxite, de phosphate, de cuivre, de zinc, de plomb, de fer, de nickel, etc. Les exportations officielles d’or ont représenté près de 80% des exportations de biens et services et rapporté au pays, plus de 1000 milliards FCFA en équivalent de devises en 2012. Cependant, malgré ce boom minier, les retombées de l’exploitation des ressources naturelles ne sont pour le moment pas suffisamment ressenties sur les autres secteurs économiques et sur les populations.
La rente minière est directement injectée au budget national et elle finance indistinctement toutes les activités du budget.
Compte tenu du caractère non renouvelable de ces ressources naturelles, il est nécessaire et urgent que les revenus de la rente minière soient réinvestis dans le financement d’investissements structurants et dans la diversification de l’économie et de ses sources de croissance, à travers l’accroissement des chaînes des valeurs des filières porteuses de croissance dont celles identifiées dans la stratégie nationale de promotion des exportations. Je pense de manière non exhaustive, en particulier aux filières mangue, sésame, riz, mais, niébé, karité, oignon et les produits animaux (bétail, viande, cuirs et peaux).

Propos recueillis par
Saturnin N. Coulibaly

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