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Le Pays N° 5369 du 31/5/2013

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Journée de dialogue social au passore : Les coutumiers répondent à l’appel du gouvernement
Publié le lundi 3 juin 2013   |  Le Pays




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C’est connu de tous, le Passoré est sans honneur vice-champion, après le Kourwéogo, en matière d’exclusion sociale des femmes accusées de sorcellerie. Pour que la province devienne championne dans la recherche de stratégies pour l’abandon de cette pratique, le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale (MASSN) a organisé une journée de dialogue social avec tous les coutumiers du Passoré. Ces derniers ont répondu présents à l’appel du gouvernement. C’était le jeudi 23 mai 2013, devant la cour royale du Dima de Yako, sa Majesté Naba Sigri.

C’est certainement une approche nouvelle du MASSN pour s’attaquer à l’une des pratiques néfastes dans nos communautés, surtout dans le plateau moaga, qu’est l’exclusion sociale des femmes accusées de sorcellerie. D’un côté, les chefs coutumiers, en face, les autorités administratives avec à leur tête le ministre de l’Action sociale et de la solidarité nationale (MASSN), accompagné d’une délégation de l’Union européenne. Les échanges ont été, « sans tabou », sur les stratégies d’abandon de l’exclusion sociale des femmes accusées de sorcellerie. Pour planter le décor, deux interventions et deux communications faites par Paul Tinnoaga Ouédraogo, connu pour sa maitrise des us et coutumes et Harouna Yoda, procureur du Faso près le Tribunal de grande instance (TGI) de Yako.

Premier au perchoir, le haut- commissaire du Passoré, Aboubacar Nouhoun Traoré dira que le choix de la province n’est pas fortuit. En effet, le Passoré est réputé malheureusement pour la persistance des pratiques sociales néfastes. En témoigne la présence de deux centres d’accueil dont l’un à Yako avec neuf femmes et l’autre à Bokin avec 32 femmes, toutes accusées de sorcellerie. Bien entendu, ces chiffres restent aléatoires car n’étant que « la partie visible de l’iceberg » au regard de l’ampleur du phénomène. A sa suite, le ministre, Alain Dominique Zoubga, soutiendra que « les méthodes et les moyens de détection des présumées sorcières laissent perplexes et sont en porte à faux avec les instruments de la justice moderne ». Dans un monde global, a-t-il poursuivi, « il devient de plus en plus difficile d’invoquer une quelconque spécificité culturelle justificative de pratiques contraires », avant d’interpeller les coutumiers sur leur responsabilité sociale vis-à-vis de l’abandon de cette pratique. Parce que proches des populations, « vous êtes une partie de la solution au problème : apaisez les tensions, réconciliez les cœurs meurtris, tranchez les litiges et rétablissez les protagonistes dans leurs droits, ce qui n’est pas négligeable », leur a-t-il lancé.

Témoignages de coutumiers

Au titre des communications, le doyen Paul Tinnoaga Ouédraogo affirmera de go que « la sorcellerie, dans sa version négative, ne relève pas de la tradition ». Pour ce fin connaisseur des traditions mossé, la pratique de détection de « sorcières » est « l’œuvre des méchants et jaloux à l’endroit de pauvres femmes, généralement vivant dans le dénuement matériel total et sans enfant ». Aux coutumiers, il a lancé ce cri de cœur : « Aidez les femmes, nos mamans ; sans elles, aucun enfant ne sera éduqué ». Quant à M. Yoda, il s’est agi pour lui de déballer les dispositions juridiques mises en place pour réprimer tout présumé auteur d’actes entrant dans la pratique de l’exclusion sociale des femmes pour allégations de sorcellerie. Ce sont essentiellement des amendes et des peines d’emprisonnement.

A l’issue de la prestation de la troupe théâtrale Radnéré de La-toden qui a su caricaturer la pratique, caractérisée surtout par l’injustice et l’égoïsme des hommes à l’égard des femmes, les échanges pouvaient commencer. Des contributions des coutumiers, il est ressorti nettement qu’il y a lieu de distinguer le pouvoir occulte, qui est un patrimoine traditionnel, de la sorcellerie négative qui est une pratique néfaste par laquelle des êtres humains, en majorité des femmes, sont exclues de leur domicile, souffrant dans leur chair pour finalement perdre la vie de façon déshonorante. Pour le chef du canton de Tollia, par exemple, il sied de trouver des stratégies pour la coexistence pacifique mais il faut se garder de nier les pouvoirs occultes. Pour celui de Song-Naba, l’une des solutions consisterait à accorder des moyens aux coutumiers afin qu’ils régulent davantage, chacun dans sa contrée, la vie sociale, car s’est-il justifié, « tout bon chef ne souhaite que la tranquillité de ses sujets ». Les femmes n’ont pas été en reste lors de ce dialogue proactif.

73 personnes victimes d’exclusion

La présidente de l’Association pour la promotion de la femme et de l’enfant (APF), dans un témoignage émouvant, a ressorti le chiffre de 73 personnes victimes de l’exclusion sociale pour fait de sorcellerie au Passoré depuis 2009, dont 72 femmes et un seul homme. En guise de conclusion à ces échanges, Dr Alain ZOUBGA a rappelé que « le dialogue est le vrai remède contre toutes ces pratiques néfastes » puis de résumer : « Ne nous trompons pas, le « wack » (pouvoir occulte) existe mais l’injustice a pris le dessus dans la pratique de l’exclusion sociale pour sorcellerie, avec un visage féminin. Il faut donc mettre un point d’honneur à ces agissements rétrogradés ». Le MASSN a ensuite procédé à la remise de l’appel du gouvernement aux coutumiers afin qu’ils s’investissent pleinement pour l’abandon total de cette pratique dans leurs royaumes. En réponse à cet appel, le Dima de Yako, Naba Sigri, a dit « son engagement à œuvrer avec tous les acteurs pour mettre fin à cette pratique néfaste ». D’ores et déjà, il a invité les coutumiers à travailler dans leurs villages afin que leurs sujets s’approprient leurs droits et devoirs, la seule voie royale pour préserver la paix sociale. Des documents sur le plan d’action national pour l’abandon de l’exclusion sociale des femmes accusées de sorcellerie et le message de sa Majesté le Mogho Naba Baongo, empereur des Mossé, aux coutumiers ont été officiellement remis au haut-commissaire du Passoré pour large diffusion. Avec cette journée de dialogue, le MASSN aura opté d’allier la sensibilisation à la répression. Il ne reste qu’à espérer des résultats probants, ces pratiques néfastes ayant la peau dure dans nos contrées.

Abdoulaye DIANDA (Correspondant)

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