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Amadou Nébila Yaro : « Nous avons mis à profit la Transition … »
Publié le mercredi 23 decembre 2015  |  Sidwaya
L’Association
© aOuaga.com par A.O
L’Association des jeunes musiciens du Burkina (AJMB)organise, du 11 au 13 août 2015 à Ouagadougou, une formation à l’endroit des entrepreneurs culturels et des artistes-musiciens en recherches sur Internet et la création de sites personnalisés communément appelés blogs. Photo : Amadou Nébila Yaro, ministre du Développement de l’économie numérique et des Postes, parrain de la cérémonie




A quelques jours de l’épilogue de la Transition, le ministre du Développement de l’Economie numérique et des Postes, Dr Amadou Nébila Yaro a accordé un entretien au quotidien Sidwaya. Dans cette interview, le juriste-économiste, Docteur en droit des affaires et en droit fiscal de l’université de Clermont-Ferrand en France revient sur les grands chantiers qu’il a eu à piloter à la tête du département. Il s’agit, entre autres, de l’adoption d’une politique sectorielle de l’économie numérique et des potes, la tenue des premières assisses nationales sur l’économie numérique, la connexion des chefs-lieux de provinces au réseau informatique national (RESINA) la mise en place d’une infrastructure government Cloud (G-Cloud)…

Sidwaya (S): Au soir de la Transition politique, quel bilan vous est-il possible de dresser sur l’exécution des chantiers de votre département ?
Amadou Nébila Yaro (A.N.Y.): Vous me permettez d’abord de vous remercier, ainsi que votre organe pour deux choses. La première est que vous contribuez à la sensibilisation de l’opinion nationale et internationale sur les activités réalisées par les pouvoirs publics du Burkina mais aussi par les pouvoirs privés notamment les entreprises. Vous contribuez également depuis mon arrivée au niveau du ministère du Développement de l’Economie numérique et des Postes à donner une certaine visibilité à nos activités. Pour revenir à votre question, il est vrai que je m’occupe des TIC, de la poste. Je dois dire que le secteur des TIC en plus d’être un secteur de production à part entière, constitue un levier qui permet d’actionner tous les autres secteurs de développement intervenant directement et indirectement dans le processus de création de richesse et du bien-être social. Nous avons mis à profit la Transition pour offrir au secteur des atouts qui lui permettent de jouer son rôle de soutien à la croissance. Si on doit faire le bilan, il se situe à deux niveaux. Le premier niveau est la gouvernance au niveau du secteur des TIC et des postes. Nous pouvons noter un certains nombres d’acquis engrangés. Il y a d’abord l’adoption d’une politique sectorielle de l’économie numérique et des postes élaborée entre janvier et avril 2015 et adoptée en octobre 2015. Cette politique sectorielle constitue une avancée majeure dans le pilotage du ministère car ce document de planification officielle des actions du ministère a fait défaut durant la période allant de 2010 et 2015. Le deuxième élément que nous pouvons relever toujours dans le domaine des TIC est la tenue pour la première fois des premières assises nationales de l’économie numérique organisée les 5 et 7 novembre 2015 sous le thème « premières assisses nationales de l’économie numérique : statut, place et enjeux de l’économie numérique au Burkina Faso ». C’est une phase importante de notre action parce que cela a été une opportunité d’échange autour des problématiques communes entre acteurs du secteur public et du secteur privé, des opérateurs de communication électronique, des organisations de la société civile ainsi que des partenaires au développement. Ces assisses ont reconnu la nécessité de repositionner le secteur des TIC comme un secteur prioritaire dans les politiques de développement.
Le troisième élément que nous pouvons avoir comme acquis, c’est l’organisation des concours de détection des talents dans le domaine des TIC. Nous avons donc organisé deux concours, génie TIC et « Imagine Cup », ce qui a permis non seulement de découvrir des jeunes talents capables de développer des outils TIC qui peuvent influer positivement sur le développement de notre pays mais également de comprendre que le secteur des TIC constitue une mine de création d’emplois et de lutte contre le chômage des jeunes.
Nous avons également la connexion des chefs-lieux de provinces au Réseau informatique national (RESINA). Dans le cadre de l’extension du réseau informatique national, trois chefs-lieux de province à savoir Gaoua, Manga et Tougan ont été connectés au RESINA, en plus des localités couvertes au cours de l’année 2014. Les services de ces chefs-lieux pourront désormais accéder au réseau pour exploiter les applications métiers de l’administration publique et aussi avoir accès à la connexion Internet. Dans ce cadre trente nouveaux bâtiments publics ont été raccordés au RESINA à Ouagadougou.
Toujours dans le cadre de la gouvernance dans le secteur des TIC, on peut noter la mise place du premier point d’échange internet (BFIX) du Burkina Faso lancé le 26 juin 2015 et qui permet de fluidifier le trafic internet dans notre pays. Ce lancement a été une occasion pour la création effective de l’association point d’échange internet du Burkina Faso et la signature des accords entre les acteurs publics et privés pour l’opérationnalisation du BFIX.
Il y a aussi la mise en place d’un Système Intégré de Gestion de l’indentification électronique de la personne (SIGIEP). Un atelier international sur la mise en place du SIGIEP dans les pays francophones d’Afrique de l’Ouest a été organisé du 13 au 15 mai 2015 à Ouagadougou. L’objectif global est de réfléchir et de faire des propositions concrètes et adaptées au contexte africain sur la mise en place d’un système d’identification nationale et unique de la personne dont les applications dans les divers secteurs socio-économiques des pays concernés paraissent illimitées. La rencontre a permis de faire l’état des lieux et de l’évaluation de l’existant pour la mise en œuvre de l’identifiant unique du citoyen, sur les besoins et la définition du nouveau système et de définir le plan de mise en œuvre détaillé.
On peut noter également la mise en œuvre de l’Initiative Open data Burkina (BODI), conformément à la ferme volonté du gouvernement de la Transition d’améliorer la transparence, la confiance dans les institutions démocratiques et la participation citoyenne à l’action publique. Le système BODI s’est poursuivi à travers la mise en place de la plate-forme Open Election qui a permis d’avoir en temps réel, les résultats des élections du 29 novembre 2015. On note également la tenue d’un atelier sur l’impact de Open data sur le secteur de l’eau et de l’agriculture les 7 et 8 novembre 2015 dont l’objectif est d’encourager les services publics, le secteur privé et les organisations de la société civile burkinabè.
On peut noter également dans le secteur des postes, l’extension et la modernisation du réseau postal. Dans le cadre du contrat plan entre l’Etat et la société nationale des postes (SONAPOST), la Transition a travaillé à l’extension du réseau postal avec notamment l’inauguration d’une agence postale à Ouaga-Kosyam, la construction de bureau de poste de Sourgoubila. Au titre de l’extension du réseau, on note la poursuite des chantiers de construction des agences et l’ouverture de nouvelles agences. En ce qui concerne la modernisation du réseau, on note la connexion de 71 agences au réseau informatique de la SONAPOST et l’exécution en cours de l’interconnexion des agences et services de la ville de ouagadougou à travers la convention signée avec l’agence nationale de promotion des techniques de l’information et de la communication (ANPTIC) pour l’interconnexion de l’ensemble des agences de Ouagadougou par la solution WiMax.
Voilà un peu ce que nous pouvons noter comme avancée majeure sur le premier volet concernant les TIC et la poste. Nous avons un deuxième volet intitulé la gouvernance interne du ministère. Sur ce point les acquis suivants peuvent être cités :
Il y a d’abord l’audit organisationnel et fonctionnel du ministère qui a permis le recadrage des attributions des différentes directions techniques, la prise en compte du volet promotion de l’économie numérique dans les attributions du ministère et l’adoption du décret N°2015-936/PRES-TRANS/PM/MDENP du 31 juillet 2015 portant organisation du ministère.
Nous avons également dans le cadre de la lutte contre la corruption créé trois cellules anticorruption au sein du ministère. Une cellule dans les services centraux, une à la SONAPOST et une autre à l’Agence nationale de promotion des techniques de l’information et de la communication.
Nous avons également la description des fiches de postes du ministère dans le but d’améliorer la performance de ses structures. Cette démarche permettra, entre autres, l’élaboration du plan de formation pour le renforcement des capacités des agents du département, mais aussi d’optimiser les nouveaux recrutements de personnel qui tiennent compte des besoins réels du ministère. Nous avons mis également en place la comptabilité matière au sein du ministère, ce qui nous a permis de faire la situation des biens, meubles et immeubles mais surtout d’améliorer la planification des besoins du département.
Nous avons élaboré un plan opérationnel de communication qui donne les grandes orientations pluriannuelles en matière de communication. Il permet au ministère de rendre visible ses actions et de s’assurer de l’adhésion des acteurs concernant les choix et orientations politiques qu’il est appelé à opérer. La mise en œuvre du plan a permis la parution du journal « Gambré » et la diffusion de trois numéros de l’émission télé « connexion »
Nous avons la numérisation des archives du ministère pour une meilleure conservation et gestion des archives. Cela est très important car il fallait donner le bon exemple. Et enfin un élément aussi important, c’est l’amélioration du climat social au sein du ministère à travers la rencontre des syndicats, les associations et l’organisation de deux assemblées générales de personnel.

S : Quels sont les enjeux et la portée du projet de construction d’un G-Cloud pour le gouvernement ?
A.N.Y.: Le G-Cloud est une technologie moderne. Pour faire simple le Cloud, c’est ce qu’on appelle l’informatique par les nuages. Aujourd’hui nous disons que notre slogan est « notre futur se trouve dans les nuages ». Cela veut dire que les nuages peuvent être un vecteur de transport des données et nous sommes le premier pays en Afrique de l’Ouest à l’avoir exploité. C’est un projet dont le lancement est intervenu le 12 novembre 2015. Il va permettre à l’ensemble des institutions de l’administration de se connecter à la plateforme Cloud et ainsi, d’améliorer l’administration électronique, d’accompagner le secteur privé et de recevoir de nouvelles applications. Le projet a des retombées économiques et sociales. Il est prévu pour durer 27 mois et lorsque le projet sera définitivement réalisé, les Burkinabè sentiront véritablement une évolution sensible dans la qualité des services et dans tous ce qu’ils auront comme TIC aussi bien dans l’administration publique que privée.

S : Comment se fera la construction du G-Cloud qui doit en principe donner lieu à la mise en place de huit nœuds ?
A.N.Y.: Ces nœuds font partie des actions du projet. Il s’agit de la mise en place d’une infrastructure Cloud qui comprend les huit nœuds dans six villes que sont Ouagadougou, Ouahigouya, Tougan, Bobo-Dioulasso, Samandeni et Bagré. Ces nœuds contiendront les serveurs, les routeurs et les espaces de stockages qui vont être sollicités par les différentes parties prenantes, c’est une des actions de ce projet. Mais il faut noter également le déploiement de 513 km d’infrastructures fibres optiques pour raccorder environ 800 bâtiments publics dans les 13 chefs-lieux de région du Burkina Faso; le déploiement de 741 km d’infrastructures de fibres optiques pour l’interconnexion de différents nœuds Cloud qui sont distribués dans les différentes villes; la mise en place d’une plate-forme e-gouvernement et qui est une solution de base pour la mise en œuvre des services de gouvernement électronique et qui va intégrer une plate-forme de e-learning, des fonctions de confiance électronique. Cela va ijtégrer une plate-forme de e-learning des fonctions électroniques et des fonctions de communications mobiles.

S : Sur quels critères vous avez choisi les six localités pour l’installation des huit nœuds ?
A.N.Y.: Il n’y a pas de critères proprement dits. Nous avons souhaité que l’internet qui sera déployé soit au service du développement économique. C’est pourquoi nous avons cité un certain nombre de villes comme Ouagadougou, Tougan, Ouahigouya… Quand vous prenez une ville comme Tougan où il n’y a pratiquement pas d’accès à internet, il y a lieu de travailler à désenclaver la localité. On a cité également le cas de Samandeni et de Bagré qui sont des pôles de croissances. Pour nous, cette infrastructure doit permettre de booster l’économie dans ces deux pôles de croissances. Nous sommes en train d’ajouter à ce registre certains postes de croissance, notamment au Sahel. Ce sont des critères de nature économique pour nous permettre de booster ces zones et avoir accès à l’internet, car nous sommes tous d’accord qu’il est un élément déterminent dans la croissance de ces régions.

S : Qui pourra accéder à cette technologie qui offre des possibilités pour un ensemble de services et de ressources informatiques dématérialisés ?
A.N.Y.: C’est tout le monde, mais d’abord l’administration publique parce que nous pensons que c’est l’élément important dans le dispositif, c’est-à-dire les services de l’Etat et les entreprises privées parce que nous nous sommes engagés dans le développement du secteur privé. Il est important que ce secteur aussi ait accès au service internet. Ce sont des infrastructures qui sont lourdes, qui coûtent très cher et le privé ne peut pas investir de l’argent pour y accéder. C’est le rôle de l’Etat de les réaliser et de les mettre à la disposition du privé. C’est comme construire une route et la mettre à la disposition des usagers. En principe tout le monde aura accès à ce service. Il y aura éventuellement des services payants et accessibles à tous. Je dirais même que tous les acteurs de l’économie formelle et informelle seront bénéficiaires.

S : A quelle conditions pourrait-on bénéficier du G-Cloud ?
A.N.Y.: Le secteur de TIC est un secteur qui mobilise beaucoup de ressources. A terme, il faudra créer un partenariat public-privé pour définir ces concepts à même de permettre à chaque acteur d’avoir accès au service à moindre coût. Donc, je ne peux pas vous dire aujourd’hui quel est le coût que chacun va y mettre. Mais ce sera à des prix raisonnables parce que nous souhaitons que tout le monde ait accès à ces infrastructures. La structure qui sera créée plus tard pour gérer l’ensemble de ces infrastructures pourra donner des prix abordables à toute la population. Si on prend l’exemple de certains pays africains qui ont eu accès à ces infrastructures, notamment le backbone, la fibre optique, 90 à 95% des acteurs ont eu accès à ces infrastructures. Il n’y a donc pas de raison que nous n’arrivions pas à ces résultats. Tout cela participe à faire en sorte qu’on ait accès à internet.

S : Où en est-on avec le projet de construction d’un backbone national dont les travaux sont confiés depuis 2014 au chinois Huawei ?
A.N.Y.: Ce projet avance surtout que c’est un de nos défis majeurs. Il faut dire que quand nous sommes arrivés au sein de ce département ministériel, ce projet n’était pas financé et nous avons travaillé à trouver un financement. C’est un projet colossal qui tourne autour de 230 à 240 millions de dollars, environ 115 milliards de franc CFA. Je peux vous rassurer qu’au moment où je vous parle, nous avons acquis une bonne partie du financement. Avec mon collègue de l’économie et des finances, nous sommes allés dans certains pays partenaires pour voir comment cela se passe. Une convention a été signée entre le Burkina Faso et Huawei technologie pour la mise en œuvre du projet et j’ai bon espoir qu’en début 2016, nous verrons le démarrage des travaux.

S : Existe-t-il une différence entre backbone et G-Cloud ?
A.N.Y.: Ce sont deux infrastructures qui sont différentes. Le backbone est une fibre optique. Si on veut être relativement simple, c’est comme le tuyau de l’ONEA. Nous voulons faire en sorte que cette fibre puisse passer devant les concessions et il suffit de s’y connecter pour avoir accès à tout le service. Le G-Could est une infrastructure beaucoup plus de stockage et de transport de données qui résiste plus aux intempéries.

S : Sont-ils Complémentaires ?
A.N.Y.: Ils sont complémentaires, l’un s’occupe du stockage et du transport des données et l’autre permet d’avoir une meilleure qualité du réseau. Le transport et le stockage sera assuré par le G-Could et la fibre optique va vous permettre de vous connecter pour pouvoir avoir accès à ces données.

S : Quelles actions concrètes avez-vous posées durant la transition en faveur de la SONAPOST ?
A.N.Y.: Il faut partir du principe que la poste a été libéralisée depuis quelques années. Cela a entrainé un bouleversement dans ce que nous avons l’habitude de voir. De nouveaux acteurs sont apparus, notamment les acteurs privés. Il a donc fallu faire prendre conscience aux postiers que le secteur est libéralisé et qu’ils ne seront plus seuls sur le terrain. Notre première action a été de les mettre devant un certain nombre de faits en leur montrant qu’ils sont désormais dans un milieu concurrentiel. Par conséquent, ils doivent changer leurs méthodes de travail. C’est ainsi que nous avons demandé à la SONAPOST d’avoir un plan de développement stratégique et développer de nouveaux outils modernes pour leur permettre de faire face à la concurrence actuelle. La poste doit être modernisée et nous devrons nous y atteler. Cette modernisation passe par la connexion internet des bureaux de postes qui deviennent de plus en plus des centres d’affaires. C’est dans ce sens que nous avons pu connecter 71 agences de la SONAPOST au réseau informatique.
Dans la plupart des pays, les bureaux de postes sont les dernières administrations dans les villages. Pour nous, il était hors de question de fermer un bureau de poste dans un village. Si nous voulons faire des postes des centres d’affaires, il faut les laisser dans ces localités où il n’y a pas d’électricité. Et promouvoir l’énergie solaire pour les adapter aux nouveaux défis. C’est dans ce sens que nous avons incité la direction générale de la poste à mettre en place un dispositif d’électrification solaire, de le vulgariser pour rendre autonomes les bureaux de poste. Ce sont autant d’actions que nous avons initiées. La réflexion est lancée et ce point fait partie des défis que la direction générale des postes doit relever. Le devenir même de la poste est en jeu. Est-ce qu’il ne va pas falloir recentrer la poste sur son métier de base ou bien aller vers certains produits innovants comme les systèmes financiers décentralisés ? Il y a deux orientations sur lesquelles nous sommes en train d’aller.
La première option est que la poste envisage de créer un système financier décentralisé d’autant plus elle collecte d’importantes épargnes. Et pourtant, quand on y dépose de l’argent, on ne peut avoir accès à un crédit. Donc il est important d’aller ce nouveau produit qui permet au client de contracter un prêt en cas de besoin.
La seconde option va consister à moderniser les bureaux de poste, à en faire des centres d’affaires. Il faut que celui qui se présente dans un bureau de poste ait accès à tout, non seulement aux services postaux, mais également à internet. Je pense que ces deux orientations sont en bonne voie d’être réalisées, notamment la première. La poste se porte relativement mieux par rapport aux années précédentes.

S : Donc l’idée de création d’une banque postale s’impose ?
A.N.Y. : Elle s’impose mais il faudra mener une réflexion beaucoup plus poussée dans la mesure où il y a une différence entre un système financier décentralisé et une banque. La banque suppose un autre type de moyens et un réseau. Actuellement la poste n’est pas encore à ce stade. Ce qu’il convient de faire est de mettre en place un système financier décentralisé et après l’on pourrait passer à la banque. L’expérience a montré que certains pays qui sont passés directement de la poste classique à la banque postale ont rencontré des difficultés. Nous espérons que la réflexion aboutira à des perspectives intéressantes.

S : Comment avez-vous accueilli la nomination de l’ancien DG de la SONAPOST à la tête du bureau régional de l’Union postale internationale (UPU) basé à Cotonou au Bénin.

A.N.Y. : En tant que premier responsable, c’est évidemment une satisfaction pour nous de voir un des nos agents promu à une telle responsabilité. C’est une chose qui honore aussi le gouvernement tout entier. Lorsqu’en début d’année le poste était vacant, j’ai souhaité que la désignation se fasse par appel à candidature et les responsables du bureau régional ont accepté la proposition. Je n’ai pas eu tort parce que c’est un compatriote très compétent qui postulait pour le poste. Cette nomination est une preuve que nous avons des cadres compétents qui peuvent se positionner à l’international. C’est aussi une preuve que la SONAPOST se porte très bien parce qu’il fallait au préalable montrer ce qu’on a fait de par le passé devant un jury avant d’être désigné.

S : Les Télécoms sont un secteur certes en plein boom en dépit d’une rude concurrence et des sanctions financières imposées par l’ARCEP aux opérateurs de téléphonie mobile. Mais la mauvaise qualité des réseaux est toujours décriée. Pourquoi cela ?

A.N.Y. : Il y a deux niveaux de réponses en ce qui concerne cette situation. Le premier constat est que nous avons accusé un retard important dans l’acquisition des investissements lourds. Le secteur des TIC est un domaine de services qui nécessite des investissements d’une certaine envergure. Il est important de se pencher sérieusement sur ce volet pour espérer un service de qualité. Le gouvernement est sur la question et nous avons donné un coup d’accélérateur aux dossiers y relatifs que nous sommes venus trouver. Et je suis heureux de constater que le G-Cloud a été lancé et que le backbone a suffisamment avancé. Nous avons également poussé les opérateurs de téléphonie mobile à faire les investissements nécessaires. Lorsque je suis arrivé à la tête du département, j’ai invité Telecel, Airtel et Telmob à me donner leurs plans d’investissements qu’ils comptaient faire en 2015. Ils l’ont fait volontiers et j’ai mis en place une équipe qui a fait le suivi de ces réalisations. Je me réjouis de voir que les promesses qui ont été faites sont réalisées à hauteur de 80 à 90%. C’est un élément important qu’il faille saluer.
Le second niveau de la préoccupation est qu’il faut comprendre que le problème ne se pose pas forcément du côté des opérateurs. Le problème se situe aussi au niveau des outils. Les terminaux comme les portables ne sont pas parfois des outils de qualité qui sont vendus sous nos cieux. L’information, pour circuler, passe par plusieurs étapes. Il n’est pas rare de voir des portables qui ne répondent pas lorsque vous êtes dans une maison. Il faut sortir pour pouvoir entendre ce que dit votre correspondant. Cela veut dire que le problème se pose au niveau du terminal. C’est pourquoi nous avons demandé à ce qu’il y ait un agrément technique que tout importateur de terminaux (portables, ordinateurs) doit avoir et qui garantit la qualité des appareils vendus sur le marché. Si nous arrivons à concrétiser cela, je pense que les choses pourront évoluer de façon positive. Dans tous les cas, il appartient aux opérateurs de créer les conditions pour que les clients soient satisfaits de leurs services. Au regard des plaintes constatées de part et d’autre, nous avons mis en place un cadre de concertation entre les opérateurs et les associations de consommateurs. Cela doit leur permettre de se comprendre sur un certain nombre de choses. En outre, il faut savoir que c’est un secteur technique qui n’est pas souvent compréhensible de la part de tout le monde. Mais je suis d’avis avec vous qu’il y a des efforts à fournir de la part des opérateurs de téléphonie mobile pour atteindre un seuil de qualification souhaité par les consommateurs.


S: Vous avez évoqué la mise en place d’une école des postes et des télécommunications.

A.N.Y. : J’ai souhaité que nous puissions avoir au Burkina Faso une école des postes et des télécommunications pour trois raisons. La première est de former des ressources humaines pour des institutions autres que l’administration publique. Les secteurs de la poste et des télécoms ont été libéralisés et il y a des acteurs du privé qui ignorent certaines notions de base du métier. Il appartient à l’Etat, à mon avis, de pouvoir les former, parce que si vous avez un secteur privé qui se porte bien, il va de sorte que l’administration publique s’en sorte également bien. C’est une école qui va former des acteurs du secteur privé qui sont dans le domaine postal. Il faut que celui qui exerce dans la poste privée connaisse les garanties, les difficultés et surtout sa responsabilité. Par exemple, s’il perd une lettre, il doit savoir ce qu’il faut faire.

La deuxième raison est que nous sommes dans un domaine qui évolue énormément et comme nous ne disposons pas de ressources financières pour envoyer autant de monde étudier à l’étranger, il y a lieu de les former ici.

La troisième raison est purement juridique. L’Ecole nationale des postes et des télécommunications existait avant, mais la SONAPOST l’a récupérée pour former ses agents. Donc, il faut la déconnecter afin de lui permettre d’envisager autrement son avenir. Cette école doit pouvoir déterminer quel type de personnel il faut former pour la poste et les télécoms. Je pense qu’elle peut contribuer à la réflexion dans ce sens avec une certaine autonomie, au lieu que ce soit la direction générale du secteur des TIC qui réfléchit seule à cela. Si nous avons un Etablissement public de l’Etat beaucoup plus autonome, cela peut favoriser une meilleure réflexion sur l’avenir de ces deux secteurs.

S : Vous avez été souvent l’objet de critiques par une certaine opinion qui vous accuse d’avoir cumulé votre poste de DG de l’Ecole nationale des Régies financières (ENAREF) avec vos fonctions ministérielles. Qu’en est-il exactement ?

A.N.Y. : Je pense que c’est un mauvais procès que l’on me fait. Il faut repartir à comment je suis venu à l’ENAREF. J’y ai été sur la base d’un appel à candidature et j’ai signé un contrat de trois ans renouvelable. Ce contrat est assez clair et stipule que si je suis appelé à un poste de responsabilité politique ou gouvernementale, le contrat est suspendu et je reprends mon poste après avoir accompli la mission pour laquelle j’avais été appelé. C’est assez clair. Que les gens épiloguent sur ce qu’ils ne savent pas, on ne peut les en empêcher. Je regrette cela, car je n’ai pas l’habitude d’étaler ma vie privée et publique. C’est en conformité avec les textes que cela a été fait. Il faut que les gens apprennent à respecter les textes et c’est très important dans un pays qui se veut de droit.

S : Certains milieux citeraient votre nom dans l’affaire des fraudes aux concours de la Fonction publique quoique le procès n’en a rien révélé vous concernant. Avez-vous eu écho de cette rumeur ?

A.N.Y. : C’est la première fois que j’entends cette rumeur. J’ai quitté le milieu des concours bien longtemps avant de revenir à l’ENAREF. Quand j’y suis arrivé, j’ai demandé à tous mes agents de ne plus faire partie de leur organisation. Et j’ai été entendu et depuis plus d’un an, l’ENAREF n’est plus concernée. C’est la première fois que j’entends ce genre d’information

S : En votre qualité de juriste économiste, comment réagissez-vous aux critiques faites à la Transition d’avoir octroyé des marchés de gré à gré au mépris de la réglementation, notamment dans le cadre du Programme socioéconomique d’urgence de la Transition ?

A.N.Y. : A mon avis, les gens doivent lire d’abord les textes véritablement avant de porter des critiques. Je suis de ceux qui ne sont pas hostiles aux critiques et je pense que c’est une très bonne chose, quand on critique une action. Mais sur ce point, je pense que les marchés de gré à gré existent. Il y a des procédures qu’il faut respecter simplement et ces procédures ont été respectées. Deuxièmement, on raconte dans la presse que le gouvernement à octroyer des milliards de francs CFA. Il y a un point cardinal sur lequel nous nous sommes attachés au cours de la Transition, et le président du Faso, le Premier ministre ont instruit les membres du gouvernement de s’attacher à un certain nombre de principes. L’un des principes, c’est que nous ne devons pas engager un marché tant qu’il ne peut pas être payé. C’est un élément essentiel. Donc de ce point de vue, ce sont des marchés qui sont arrivés à maturation comme on le dit et il était normal qu’on les attribue pour que nous puissions avancer.je ne vois pas là où se situe le problème.

Le deuxième élément qu’il faut ajouter c’est que la loi permet à toute personne qui a soumissionné à un marché de porter plainte. Donc il faut utiliser les voix de droit pour régler certains problèmes au lieu de s’étendre dans la presse. Je retiens que ce sont des procédures qui ont été respectées et je demande à celui qui pense que cela n’a pas été le cas, qu’il le dise de manière ouverte en fonction de la législation.

S : La période de la Transition a été relativement courte et vous aviez certainement un certain nombre de projets que vous n’avez pu réaliser en étant à la tête du département, faute de temps. Donnez-nous en quelques exemples.

A.N. Y. : Après le bilan que je vous ai dressé, certains dossiers prioritaires méritent d’être portés à la connaissance du prochain gouvernement. Le premier, c’est l’aboutissement du projet création de l’Ecole nationale des postes et des télécommunications. Cela me tient à cœur et je pense que cette école va permettre d’avoir une masse critique de personnel, de cadres moyens et supérieurs qui puissent être à mesure de prendre en charge ,de définir les politiques publiques en matière de Télécoms et de postes. Et c’est un élément important dans le dispositif.

Le deuxième élément, c’est la réalisation du réseau fibre optique Ouaga-Manga-Pô et la bretelle Manga-Pôle de croissance de Bagré. Au cours de l’année 2015, la mise en œuvre de ce projet a connu une accélération dans la procédure de passation de marché. L’option d’une concession restreinte a été retenue et la finalisation de ce projet va améliorer de façon significative la connectivité à internet.

Le troisième élément est la création du technopole. Durant la Transition, le ministère a procédé à l’inscription de technopoles au titre des pôles de croissance. Et désormais il y aura le technopole qui est inscrit comme pôle de croissance. Cette démarche vise la création d’un pôle de croissance dédié aux TIC. Je pense que la naissance de la technopole TIC de Ouagadougou va booster le secteur des TIC à travers la création d’emplois et permettre la concentration de l’ensemble des acteurs en un seul endroit.

Enfin c’est l’aboutissement du projet backbone national. Si ce projet aboutit, nous aurons véritablement une avancée très significative dans la qualité de ce que nous avons en ce moment en matière d’internet.

S : Vous avez été ministre pendant une année. Cela a été une expérience exceptionnelle sur le plan humain et professionnel. Est-ce que vous pouvez nous parler de cette expérience ?

A.N.Y.Ce passage à la tête du département de l’économie numérique et des postes a été une très belle expérience. Beaucoup de Burkinabè, à mon avis, souhaiteraient la vivre. L’expérience de se mettre au service de son pays à un certain niveau de responsabilité. Nous avons été à une étape décisive de l’évolution de notre pays. Le Conseil national de la Transition (CNT) a adopté beaucoup de textes qui vont impacter durablement la vie de notre pays. C’est donc une expérience qui est très enrichissante et satisfaisante, même si quelquefois on a eu parfois quelques regrets, parce que souvent, par manque d’expérience, on n’a pas su répondre à certaines préoccupations ou écouter toujours certaines personnes. J’ai été heureux de faire partie de ce gouvernement avec un président à l’écoute de ses collaborateurs et de la population de manière générale. J’ai eu des collègues dans le gouvernement avec qui je partageais une vision commune sur certaines choses. J’ai eu des collaborateurs au niveau du ministère qui m’ont beaucoup soutenu et qui m’ont permis de réaliser ce que je voulais faire. Ce que je me suis assigné comme tâches dès le début n’a pas été entièrement réalisé, mais une bonne partie a été faite grâce à mes collaborateurs qui se sont dévoués également pour que tout cela aboutisse. Je serai marqué de ma vie par cet épisode.

Le coup d’Etat manqué du 16 septembre dernier va me hanter l’esprit pendant longtemps à cause de ce que nous avons vécu pendant une semaine. Cela d’abord été une surprise parce que tel que nous évoluions, nous ne voyions pas les choses venir d’autant plus tous les acteurs politiques étaient d’accord sur ce que nous avons fait, notamment en termes de timing, de textes qui ont été adoptés. Pour nous, c’était une surprise que des gens puissent remettre en cause le processus qui était en cours.

Sur le plan personnel, c’était une période difficile à vivre parce que, être pris en otage, rester ensemble tout une nuit sans boire, sans manger et voir le chef de l’Etat, le Premier ministre et deux de nos collègues emmenés, on ne sait où, a été une épreuve très difficile. Mais je rends grâce à Dieu pour ce qu’il a fait.

S : Pensiez-vous à une telle réaction du peuple face au putsch manqué?

Evidemment ! Je fais partie du gouvernement de la Transition mais j’ai aussi vécu tout ce qui s’est passé avant. Je suis sorti marcher comme beaucoup de gens et la réaction de notre peuple était à la hauteur de ce que l’on devait attendre. Je pense que c’est quelque chose d’important que tout acteur politique ou autre doit prendre en compte pour les années à venir. Ce qui s’est passé les 30 et 31 octobre, la période de Transition, tous les soubresauts qui sont passés sont à prendre en compte. Ce sont des étapes décisives de l’histoire de notre pays. Je suis confiant pour l’avenir de notre pays. Toutes les choses ne marcheront pas comme on le souhaite, mais je suis convaincu que de bonnes bases ont été posées : des bases psychologiques, sociales et juridiques ont été posées. Aujourd’hui il est hors de question qu’un président ou quelqu’un vienne parler de faire plus de deux mandats par exemple. Ce sont des éléments importants qu’il faut retenir. Aujourd’hui la parole est libérée, les gens peuvent dire ce qu’ils veulent, ce qu’ils pensent et c’est important pour des acteurs qui gèrent la vie des gens. Il faut savoir écouter les gens, tirer le meilleur profit de ce qu’ils font. Dans ma carrière je ne vais jamais oublier ce qui s’est passé en 2014 et en 2015.

S : Après la Transition, comment voyez-vous votre avenir ?

Je suis sous contrat avec l’ENAREF et je vais peut-être retourner pour respecter les termes de mon contrat. Je verrai ce qui me serra proposé ou comment les choses vont se présenter dans les mois à venir. Je ne suis pas un fonctionnaire donc je viens d’un secteur privé. Je pense qu’à terme je retournerai dans le secteur privé. J’ai des entreprises que j’ai confiées à des collaborateurs. Si on a besoin de moi, je serai toujours disposé à participer à l’effort de redressement du développement de mon pays. Je me considère comme un enfant de la République, car grâce aux aides de l’Etat, j’ai été boursier depuis ma 6e, à l’université. Je suis allé faire mes études grâce aux bourses de l’Etat et je pense que la moindre des choses que je dois à l’Etat, c’est de le servir. je serai toujours disposé pour servir mon pays que ce soit dans le secteur du privé ou public.

Je termine en souhaitant bonne chance au nouveau gouvernement, au président, aux nouveaux responsables qui vont s’installer. Le nouveau président devient celui de tous les Burkinabè. Je souhaite beaucoup de chances à ceux qui vont venir et que Dieu bénisse notre pays. Qu’IL bénisse notre population et vive le Burkina.

Entretien réalisé par Karim BADOLO

Abdoulaye BALBONE
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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