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Chériff Sy : «Personne ne pourra plus imposer quoi que ce soit à ce pays»
Publié le mardi 22 decembre 2015  |  Notre Afrik
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© Autre presse par G.S
Nouveau code électoral : les forces vives approuvent son adoption
Samedi 25 avril 2015. Ouagadougou. Place de la révolution. Les forces vives de la nation ont organisé un meeting unitaire pour apporter leur soutien à la transition et au nouveau code électoral. Photo : Moumina Shériff Sy, président du Conseil national de la transition (CNT)




Journaliste et éditeur, l’ancien président du Forum des éditeurs africains (The African Editor’s Forum – TAEF) et président du comité de pilotage du Centre national de presse Norbert Zongo a été porté à la tête du Conseil national de transition le 27 novembre 2014. En moins d’un an, le fils du général de corps d’armée Baba Sy — père fondateur de l’armée burkinabè, ancien chef d’état-major des armées, ancien ministre de la Défense, grand chancelier des ordres du Burkina Faso de 1980 à 1989 — a marqué l’institution mise en place suite à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 par le vote d’un certain nombre de lois emblématiques. Révolutionnaire et contestataire assumé sous l’ancien régime, Cheriff Moumina Sy, 55 ans, a accepté de faire avec Notre Afrik un tour d’horizon des questions brûlantes de l’actualité de son pays au lendemain du coup d’État du 17 septembre 2015. Celui qui a assumé les responsabilités de chef de l’État, alors que le président Michel Kafando et son Premier ministre, Isaac Zida, étaient retenus en otage, parle de ce coup de force, salue le courage de la jeunesse pendant ces évènements et évoque le code électoral controversé du Burkina. Entre autres…


Notre Afrik : Vous attendiez-vous au coup d’État survenu au Burkina Faso le 16 septembre dernier ?

Cheriff Sy : J’ai souvent dit — et tous mes collaborateurs et mes proches m’en sont témoins ! — qu’après les tentatives que nous avons enregistrées en décembre 2014, en février et en avril 2015, notamment avec cette théorisation sur un vrai-faux complot qui a cristallisé une crise majeure dans la gestion de la transition, il était évident que nous ne pouvions pas arriver aux élections du 11 octobre sans qu’il n’y ait une action contre nous. Aujourd’hui, on se rend compte qu’il y avait véritablement un complot.

J’étais donc convaincu que ceux qui étaient à la base de ces remous allaient tenter un baroud d’honneur. Il nous appartenait donc de prendre toutes les dispositions à cet égard. Maintenant, l’avons-nous fait ? Sans doute pas assez…

Vous avez fait preuve de beaucoup de pugnacité pendant le coup d’État. La nation était-elle en danger ?

Bien sûr ! C’est un coup d’État. Ce qui veut dire qu’on renverse un ordre établi pour remettre un autre en place. Un autre ordre qui a fait officiellement, en seulement 72 heures, 17 morts et une centaine de blessés. Le règne de ces putschistes s’annonçait donc comme un vrai calvaire pour les populations. Il n’y aurait plus eu de liberté, personne n’aurait plus pu parler sans se prendre des balles…

Comment avez-vous organisé la résistance à votre niveau ?

Je n’ai pas vraiment organisé la résistance. Dès le 16 septembre dans l’après-midi, j’ai commencé à informer les populations de la situation, puis à les appeler à s’organiser pour résister à cette félonie. Nous avons affaire à un peuple mature et même sans cet appel, je pense qu’il n’aurait pas accepté la situation. En effet, le 17 septembre, les gens sont descendus dans les rues, notamment à Ouagadougou, pour manifester leur réprobation contre cette forfaiture.

Ce que j’ai peut-être apporté comme plus-value, c’est d’assumer l’autorité de l’État, en réaffirmant que la Transition est toujours là et en assumant les pouvoirs dévolus au chef de l’État jusqu’à ce que le président du Faso, Michel Kafando, soit en état de reprendre son bâton de commandement. A partir de là, l’ensemble des résistants avait désormais un référant et savaient que la Transition vivait toujours. Ils avaient donc toutes les raisons de continuer à se battre.

Comment se sent-on lorsqu’on endosse ainsi le costume de chef de l’État, même pour quelques jours ?

Dans les circonstances où cela est arrivé, au moment où vous endossez un tel costume, la seule chose qui vous importe, c’est la sauvegarde de votre patrie. Vous pensez bien que dans le « maquis » où j’étais, il n’y a pas de tapis rouge, pas de portière que l’on cogne quand vous descendez, pas d’honneur qu’on vous rend, etc. Ce sont les atouts du président sans apparats ni privilèges. Mais vous ne vous en apercevez même pas parce que vos préoccupations sont ailleurs. Ce qui vous intéresse, c’est de continuer la lutte, de mieux organiser vos troupes au cas où cette lutte serait longue.

Il fallait prendre langue avec tout le monde et les dispositions nécessaires pour assurer une certaine logistique et certains moyens pour les résistants, etc. Il y a beaucoup de choses qui se bousculent dans votre tête, d’autant plus que vous n’êtes pas dans des dispositions où vous avez un cabinet qui vous épaule. Il y a des choses qui nécessitent que vous tranchiez immédiatement sans prendre l’avis de qui que ce soit et ce n’est pas toujours évident.

Etiez-vous confiant quant à la remise de la Transition sur les rails ?

Oui, et pour plusieurs raisons. D’abord parce que lorsqu’un coup d’État se produit, on assiste habituellement à un certain nombre de déclarations de ralliement, et cela n’a pas eu lieu dans ce cas. Ensuite, « l’affaire » ne se déroulait qu’à Ouagadougou. Dans toutes nos provinces, tous nos villages, il y avait une résistance incroyable et je peux le témoigner pour en avoir traversés beaucoup en un laps de temps. Vous ne pouviez pas accéder à un village sans être fouillé, identifié, guidé… Tout le pays était paralysé !

J’ajouterais à tout cela que l’Unité d’action syndicale a lancé un mot d’ordre de grève très largement suivi. Et s’il y a des personnes à qui il faut tirer le chapeau, c’est bien cette jeunesse formidable, intrépide. Des jeunes qui jouaient avec la mort parce qu’ils aimaient tellement leur libertés, leurs vies !

C’est donc en grande partie à la détermination de la jeunesse que l’on doit l’échec de ce putsch?

Cela est dû à cette détermination des jeunes, mais également à ce sursaut patriotique de ceux que je considère comme les forces armées républicaines sans lesquelles beaucoup de camarades seraient encore tombés. Dans nos trois régions militaires, il y a des officiers brillants, patriotes, qui ont estimé à un moment donné qu’ils ne pouvaient plus rester les bras croisés et laisser les choses continuer. Et comme nous leur avions adressé un message dans nos différents communiqués, ils se sont tenus véritablement à notre disposition, se sont organisés en conséquence et ont décidé par eux-mêmes de descendre sur Ouagadougou.

La conjugaison de la détermination de la jeunesse et la montée de l’armée patriotique et républicaine a mis en échec le coup d’État.

Y aurait-il eu des complicités externes ainsi qu’on le murmure çà et là ?

Dans l’état actuel des choses, je ne saurai l’affirmer ou l’infirmer. Je suis sûr qu’à l’issue des enquêtes, nous serons mieux situés. Mais je dois dire que je n’en serai pas étonné vu que les officiers félons avaient des attaches non seulement avec des groupes extrémistes en Afrique de l’Ouest, et un certain nombre de trafics avec eux. Et nous savons aussi, bien avant ce coup d’État, qu’il y avait eu un certain nombre de recrutements de mercenaires dans des pays voisins en vue de la déstabilisation de la Transition. Mais je ne peux pas encore vous dire si dans ce coup d’État, il y a eu une participation étrangère.

Comment avez-vous réagi au plan de sortie de crise de la Cedeao ?

Je pense même que j’ai été le premier à émettre un avis sur les propositions des émissaires de la Cedeao (Communauté économique des États de l’Afrique e l’Ouest, Ndlr). Elles étaient inacceptables ! Le seul plan de sortie de crise qui valait la peine, c’était la condamnation sans réserve du coup d’État, comme l’ont fait l’Union africaine, les Nations unies et même la Cedeao dans une première déclaration. Il fallait condamner fermement et demander aux putschistes de débarrasser le plancher et de remettre les institutions en place. On ne négocie pas l’impunité. Les propositions frisaient l’indécence parce qu’elles laissaient croire que nous voulions donner une certaine prime à l’impunité.

C’est l’occasion pour nous de saluer les retrouvailles des chefs d’État à Abuja, qui sont revenus véritablement sur ce plan, condamnant à nouveau ce coup de force et laissant au Burkina Faso le loisir de résoudre les contradictions et d’organiser toute instance qui lui plaira pour discuter des aspects politiques, etc.

Que préconisez-vous pour les auteurs du coup d’État, justice ou pardon ?

Je n’ai jamais vu de cas de pardon sans que la vérité n’ait été dite, sans que justice n’ait été faite. Il faut qu’on dise ce qui s’est passé, que l’appareil judiciaire se mette en branle et après on pourra parler de pardon, de réconciliation si tant est que nous devions en arriver là. On ne peut pas passer la justice par pertes et profits.

Le Mogho Naaba prône le pardon et appelle le chef de l’État à la tolérance…

Il prône le pardon comme vous et moi. Il n’a pas dit de sauter l’étape de la justice. C’est après l’étape de la justice que la paix des cœurs pourra s’installer. Pardonner suppose que la justice s’est mise en branle, qu’elle a condamné ceux qui devaient l’être, innocenté les autres.

Quel sens donnez-vous à l’appel au calme et à la paix qu’il a lancé à toutes les couches de la société ?

Il faut restituer les faits. D’abord, ce n’est pas le Mogho Naaba qui court après les gens. Ce sont eux qui vont se retrouver chez lui. Il est donc obligé, en tant que roi des Mossé et à partir du moment où la question arrive devant lui, de contribuer à apporter la solution. Il prend d’ailleurs toujours le soin d’appeler à ses côtés les autorités religieuses.

Plusieurs fois au cours de cette Transition, des gens se sont retrouvés chez lui. Tant bien que mal, il a essayé d’y apporter son concours. La plus grosse secousse, c’est celle que nous venons de vivre. Il est une autorité politique, militaire traditionnel et morale. Il est dans son rôle sans être partisan.

Quel commentaire faites-vous du gel des avoirs de certaines personnalités, ordonné par la justice ?

C’est un premier pas qui me confirme que nous sommes dans une nouvelle dynamique parce que ce n’est pas le gouvernement qui a instruit qui que ce soit de geler des avoirs. Ce sont des magistrats qui ont travaillé eux-mêmes sur le dossier et en ont pris l’initiative. Le procureur s’est autosaisi du dossier. Nous ne pouvons qu’applaudir parce que cela montre qu’une bonne frange de notre justice s’affirme et veut assumer son indépendance. Je crois même savoir que la liste publiée n’est qu’une première liste qui devrait être suivie d’une autre.

Etes-vous d’accord lorsque la Cedeao, et bien d’autres institutions avant elle, indique que le nouveau code électoral consacre une « exclusion » de fait d’une partie de la classe politique ?

Sur ce chapitre, ma position n’a pas varié d’un iota, à moins que l’on me dise que l’Union africaine a modifié sa charte « de la démocratie, des élections et de la bonne gouvernance » et qu’elle a biffé l’article 25. (Dans cette charte adoptée le 30 janvier 2007, l’alinéa 4 de l’article 25 stipule que : « Les auteurs de changement anticonstitutionnel de gouvernement ne doivent ni participer aux élections organisées pour la restitution de l’ordre démocratique, ni occuper des postes de responsabilité dans les institutions politiques de leur Etat. », Ndlr).

Je suis un démocrate. L’Union africaine a pris un bon texte. Ce texte a été internalisé chez nous et le Conseil constitutionnel a reconnu que ce texte est en adéquation avec tous nos textes. Je ne vois plus où se trouve le débat. En dehors de l’aspect juridique, il y a une question d’éthique. Voilà des personnes qui ont exclu de la vie une trentaine de citoyens. On ne discute pas de cela et on se préoccupe plutôt du fait qu’ils ne participeront pas, eux, à des élections…

Le CNT entend-il relire le code électoral controversé après cette parenthèse qui a failli donner un coup d’arrêt à la transition ?

Si cela doit se faire, ce sera sans moi !

Du reste, les textes de la Cedeao elle-même sont clairs : « Aucune modification substantielle de la loi électorale ne peut intervenir à moins de six mois avant la tenue d’élections. » Même si on le demande avec insistance, il ne nous est pas possible de relire notre code électoral sans enfreindre aux textes de l’Union africaine et de la Cedeao.

Pour vous, tout est-il réglé désormais, le pire est-il passé ?

Le pire n’est jamais passé. C’est peut-être ce que les insurgés des 30 et 31 octobre 2014 et même les acteurs de la Transition n’ont pas intégré. Il est difficile de balayer un régime de 27 ans, qui s’est immiscé dans tous les rouages de l’économie, de la politique, de la société, et s’asseoir en croyant qu’ils vont baisser les bras. La logique veut que, quelle que soit la forme que prendra ce combat, ils se battront pour revenir.

La grande leçon de la dernière bourrasque qui me conforte et qui me ravit, c’est qu’avec ou sans la Transition, personne ne pourra plus imposer quoi que ce soit à ce pays, qui ne corresponde à ses aspirations fondamentales. C’est ce qui me fait croire qu’il y a de grands chantiers d’une meilleure gouvernance qui sont en train de s’ouvrir. Il y a désormais une conscience politique claire, une opinion citoyenne. Ce sont des piliers fondamentaux d’une bonne gouvernance.

Que faut-il attendre de la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle par le Conseil des ministres du 25 septembre dernier ?

La constitution de ce régiment est en elle-même illégale. Les textes sur lesquels il a été créé ne correspondent à rien parce qu’illégaux. En outre, c’est une unité créée par un homme pour le servir. Elle l’a effectivement brillamment servi en terrorisant les populations, en tuant des opposants, en éliminant toute pensée contraire. A partir du moment où cet homme est tombé, on ne peut plus conserver cette unité.

Malgré sa dissolution, le RSP fait de la résistance et le gouvernement a évoqué dans un communiqué rendu public le 28 septembre dernier, la présence de forces djihadistes aux côtés du général Gilbert Diendéré…

A partir du moment où le RSP est dissout par un décret pris en conseil des ministres et que ses éléments ont été réaffectés par décision du chef d’état-major général des armées, toute action de soldats qui se réclament de cette unité est considérée comme de la rébellion. Et les forces armées nationales, lasses de rechercher toutes les voies de dialogue et de la négociation vont être obligées de prendre leurs responsabilités conformément à leur mission qui est d’assurer la sécurité des personnes et des biens.

Dans cette logique, toute connexion des rebelles avec des djihadistes doit être traitée avec la même rigueur. Du reste, nous faisons confiance à nos Forces de défense et de sécurité et en leurs capacités à parer à toute éventualité.

Selon vous, dans quel état d’esprit doivent se préparer, puis se tenir désormais les élections législatives et la présidentielle ?

La question doit être posée aux acteurs politiques. A notre niveau, ce que nous pouvons faire en tant que députés et citoyens, c’est de tout mettre en œuvre pour que ces élections soient apaisées et que les résultats soient acceptés par tous. Nous pouvons peut-être faire des opérations de communication, expliquer, réexpliquer pour que la campagne soit très apaisée et pacifique et que tout le monde accepte les résultats.

Le Conseil constitutionnel devrait-il réexaminer la liste des candidats ?

S’il y a une décision judiciaire qui indique que des partis qui ont ouvertement soutenu ce putsch doivent être dissous, si ces partis qui sont contre la démocratie sont dissous, ceux qui les représentaient aux élections ne peuvent plus logiquement être candidats…

Votre élection à la tête du Conseil national de transition vous a-t-elle surpris ?

J’ai plutôt été surpris quand j’ai été désigné pour être député. Pour la présidence du CNT, il y avait des éléments qui laissaient entrevoir que j’avais mes chances, d’autant plus que j’avais déjà été proposé sur la short-list des partis politiques d’opposition ainsi que sur celle des organisations de la société civile pour assumer les fonctions de président du Faso.

En si peu de temps, votre Parlement a voté plusieurs lois. Pour vous, quelle est la plus emblématique ?

Je n’aime pas cette question parce que pour moi, toute loi a son importance, à partir du moment où elle va impacter la vie des populations. Ce sont toutes ces lois mises ensemble qui doivent tracer les sillons d’un Burkina où il fait bon vivre. Il est évident que certaines lois répondent à une forte attente. Si vous prenez par exemple celle sur la prévention et la répression de la corruption, elle répond à une forte demande, à un long combat de la société civile pour pouvoir traquer la corruption qui gangrène véritablement la gouvernance politique et économique dans notre pays. Il est évident que lorsque vous adoptez une telle loi, vous avez de fortes acclamations parce que l’attente était forte.

Justement, pensez-vous que cet instrument réussira enfin là où les autres, mis en place par le précédent régime, ont échoué ?

Aucun instrument ne réussit si ceux qui doivent le mettre en œuvre n’agissent pas dans le bon sens. C’est pour cela que je souhaite que tous les citoyens se forment, s’informent et sachent qu’ils ont des outils de citoyenneté très forts aujourd’hui qui leur permettent de contrôler l’action gouvernementale. Il leur appartient d’affirmer leur citoyenneté en s’appropriant ces textes. Si chacun de nous s’assoit sur son honorable postérieur, rien ne bougera.

Il y a aussi la loi sur l’accès à l’information…

Cette loi permet désormais à tous les citoyens d’avoir accès à l’information publique, et fait de chacun de nous un contrôleur de l’action publique, de l’action gouvernementale. Cette loi est tellement immense que vous la retrouvez dans peu de pays. Elle complète la loi sur la corruption et donne véritablement le pouvoir aux citoyens de savoir ce que font le gouvernement ou les institutions, d’avoir accès à un certain nombre de documents, de demander des explications.

Ce sont des lois fortes, mais vous n’entendrez pas beaucoup de personnes en parler, tout comme personne ne parle de la loi sur les pupilles de la Nation.

En tant que journaliste et éditeur de presse, comment avez-vous accueilli les récriminations quasi unanimes qui ont salué l’adoption de la loi sur la dépénalisation des délits de presse ?

Je n’ai pas perçu de récriminations quasi unanimes. J’ai vu nombre d’associations qui ont manifesté leur désapprobation, ce que je comprends parfaitement. Je le dis souvent aux confrères : il ne faut pas confondre des questions corporatistes avec des questions démocratiques. La liberté d’expression est une question démocratique et nous devons la défendre à ce niveau-là. Il faut se battre contre tout ce qui remet en cause cette liberté d’expression avec son corollaire dans la presse. Je suis étonné que les gens ne se focalisent que sur les amendes, en laissant de côté tous les aspects avant-gardistes de ces textes sur les médias.

Les responsables d’entreprises de presse jugent trop élevé le montant des amendes fixées entre un et cinq millions de francs CFA…

Un journaliste ne peut plus être emprisonné pour délit d’opinion. Et parce que nous ne pouvons plus être condamnés à une peine de prison, nous demandons également qu’on nous offre une amende qui nous permette de fauter ? C’est ainsi que je perçois la façon dont les associations posent le problème. Une amende doit être dissuasive. Et parce qu’elle est dissuasive, elle fait appel à notre sens des responsabilités mais surtout à la nécessité de notre professionnalisme.

Tenez ! Si on avait collé une amende d’un milliard de francs CFA à ceux qui animaient Radio Mille collines (au Rwanda pendant le génocide, Ndlr), cela n’aurait pas suffit à panser les plaies des victimes du génocide !

Pour moi, cette question de l’amende ne doit pas nous détourner de l’acquis essentiel et important que constitue la nouvelle loi sur la presse. Mais je crois savoir que le chef de l’État a entendu l’appel de ce point démocratique et est dans des dispositions pour revoir avec son gouvernement certains aspects.

Vous assumez de hautes fonctions depuis plusieurs mois, et avez assumé la magistrature suprême quelques jours dans des conditions assez difficiles, il est vrai. Cela ne donne-t-il pas envie de revenir ?

Personne ne sait de quoi demain sera fait. Je n’ai défini aucune stratégie, fait aucun calcul pour être là où je suis aujourd’hui. C’est la lutte de mon peuple qui a abouti à un moment donné. Et ce même peuple a estimé qu’un certain nombre de ses fils pouvaient assumer, dans un délai précis, un certain nombre de missions. Au moment où je vous parle, je ne peux pas vous dire ce que je ferai ou ne ferai pas au lendemain de la Transition. Ce n’est pas ma préoccupation du moment.

Quelles devraient être les priorités du prochain président démocratiquement élu ?

Lui, et les autres qui le suivront, devront s’attaquer à la question de l’employabilité de notre jeunesse. S’ils ne le font pas, ils auront toujours une bombe en permanence. Je pense que nous avons les capacités de résoudre cette question. Il suffit simplement d’une vision politique et d’une volonté affirmée.

Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Centrafrique… L’Afrique est à la croisée de fortes turbulences sociopolitiques et électorales en ce mois d’octobre et au-delà. En êtes-vous inquiet ?

Oui, on est toujours inquiet. Quand vous regardez un certain nombre de pays, il y a ceux qui veulent faire le coup de force que le Burkina Faso a connu, pour réviser leur Constitution et aller aux élections, et ceux qui ont des processus « normaux » mais quand même contestés. Pour maints et moult raisons, il y a matière à s’inquiéter.

D’autre part, on peut y trouver matière à satisfaction parce que c’est cela la dynamique démocratique. Nos pays sont de jeunes nations. Il y en a même qui n’ont pas atteint le stade de nation. Ce sont des jeunes démocraties qui ne peuvent pas faire l’économie de certaines contradictions principales et secondaires.

Propos recueillis à Ouagadougou par Serge Mathias Tomondji
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