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L’Observateur N° 8382 du 28/5/2013

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Les Africains et la CPI : Soyez d’abord vertueux
Publié le mercredi 29 mai 2013   |  L’Observateur




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En ce lundi 27 mai 2013 à Addis Abeba, dernier jour de la 21e session du cinquantenaire de l'UA, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont quittés avec de nombreuses résolutions, des vœux pieux et surtout un défi ou plutôt une polémique judiciaire : faire juger désormais les génocidaires et autres auteurs africains de "crimes de guerre et crimes contre l'humanité" par les Africains eux-mêmes.


Belle initiative diriez-vous ? Sans doute dans la forme, une telle décision sied à une quinquagénaire comme l'institution panafricaine, accusée à tort ou à raison d'être immature et surtout frappée d'impéritie.

Mais qu'on ne s'y trompe pas : cette volonté des Africains de disposer d'eux-mêmes sur le plan judiciaire, hardie en apparence, cache mal la frénésie de certains de nos princes de se prémunir contre une juridiction qui, depuis quelques années, empêche de massacrer et de torturer.

En profitant des cas du nouveau président kenyan, Uhuru Keneyatta, et de son adjoint, William Ruto, lesquels sont dans le viseur de la CPI, pour seriner une antienne connue, celle d'une CPI raciste, les Africains ont encore manqué l'occasion de s'assumer, de faire face à la marche du monde, et surtout de se taire sur un domaine, où ils ne brillent pas particulièrement par leurs compétences : la justice.

Pourquoi demander le transfert des dossiers des deux premiers responsables de l'Exécutif kenyan de la Haye à Nairobi alors même que les intéressés ont accepté de collaborer avec l'institution que dirige la Gambienne Fatou Bensouda ?

Le vice-président Ruto s'est personnellement rendu à la Haye pour réaffirmer sa volonté de comparaître chaque fois que de besoin devant la Cour. Pourquoi vouloir faire tourner casaque à deux accusés qui ont jusque-là manifesté leur intention de comparaître devant les juges afin, peut-être, de démontrer leur innocence ?

Il y a d'abord un argument-massue qui rend mal fondée cette levée de boucliers contre la CPI : tout comme les 34 autres pays africains, le Kenya a signé le Traité de Rome portant création de la CPI, et l'a ratifié. On aurait pu comprendre que nos illustres antijustice internationale dénoncent une politique du "deux poids deux mesures" de l'institution judiciaire en arguant que les présumés auteurs des mêmes crimes commis au Nord ne sont pas également poursuivis. Encore faut-il qu'ils puissent citer des cas avec des preuves irréfutables. Mais utiliser la couleur de la peau comme ligne de défense... ça ne vole pas haut. Pire, ça n'honore guère les tenants d'un tel argumentaire dont la plupart sont à la tête de pays partie à cette CPI.

Ensuite, est-ce avéré que les deux responsables étatiques du Kenya sont blancs comme neige dans les violences meurtrières qui ont ensanglanté la plaine du Masaï Mara et la vallée du Rift après la présidentielle de 2007 ?

Encore que leurs demandes de clôture de la procédure devant la CPI et de son renvoi devant les juridictions du Kenya auraient été pris au sérieux, si et seulement si les Africains étaient capables de juger leurs dirigeants. Ou va-t-on juger Uhuru et Ruto ? A Naïrobi ou à Mombassa ? Par qui et avec quels moyens le seront-ils ? Et par quelle justice, quand on sait que sous nos tropiques tout se fait sous le contrôle total de l'Exécutif ?

Ceux qui demandent un tel scénario doivent mieux se pourvoir, car leurs arguments ne prospèrent guerre.

Le cas Hissène Habré est un exemple achevé de cette incapacité des Africains à juger leurs criminels de luxe. Voilà 23 années qu'Habré se la coule douce à Dakar, même si, ces derniers temps, les lignes ont bougé.

Du reste cette résolution anti-CPI n'est pas sans rappeler celle du 3 juillet 2009 concernant le Soudanais Omar El Béchir : à l'époque, sous le diktat du défunt Kadhafi, les Africains avaient fait chorus derrière le maître de Karthoum pour opposer une fin de non-recevoir à la CPI. Pourtant dans le massacre des Darfouri, la responsabilité du numéro un soudanais est pleinement engagée et prouvée.

Soyons réalistes ou plutôt pragmatiques et laissons notre orgueil de côté, car "chasse raciale pour chasse raciale" à l'heure actuelle, la justice kenyane ne peut pas juger le fils "du père de la nation". Par extension, le continent est encore incapable de juger ses dirigeants : la volonté politique manque le plus, et l'indigence des moyens explique une telle situation.

Encore qu'il n'y ait que 8 inculpés du continent à la CPI, or, Dieu seul sait qu'ils sont nombreux, les tyranneaux au pouvoir qui auraient dû se retrouver à Shevenighen.

C'est vrai que souvent la justice est l'expression du plus fort. Mais à toutes fins utiles, on remarquera que ce n'est pas le Malien Alpha Omar Konaré ni le Sénégalais Abdoulaye Wade, encore moins le Mozambicain Joaquim Chissano qui seront recherchés par la justice internationale. Les Africains qui sont aujourd'hui sous le coup de poursuites judiciaires sont tous peu ou prou impliqués dans de graves crises qui ont endeuillé des milliers de leurs compatriotes. Alors, si leurs responsabilités n'y sont pas pour autant engagés, qu'ils prennent leurs avions, se rendent à La Haye et prouvent leur innocence. Ce n'est pas plus compliqué que ça.



Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana

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