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Déficience intellectuelle chez l’enfant : Contraintes et espoir des parents
Publié le jeudi 17 decembre 2015  |  Sidwaya




La déficience intellectuelle s’installe dès l’enfance chez de nombreux enfants. Caractérisée par un développement incomplet de l’intelligence et des dysfonctionnements cognitifs, tels que les troubles du langage, de la mémoire, des difficultés d’apprentissage et des retards moteurs, elle compromet l’avenir de ses victimes. Quelle est la perception de la société sur ces enfants ? Constituent-ils un handicap pour leurs parents ? Regard croisé sur un mal qui persiste dans l’univers de la petite enfance.

La mine déconfite, le regard hagard, Sita Konaté reste songeuse. La raison de ses angoisses quasi-quotidiennes, elle a mis au monde « un enfant pas comme les autres » : un handicapé psychomoteur. La joie que lui procurait celui-ci à sa naissance s’est très vite émoussée, trois jours après son accouchement. Au moment du bain du bébé, elle s’est rendu compte qu’il s’est raidi tout d’un coup, à la stupéfaction de tous. Conduit d’urgence à la pédiatrie Charles-de-Gaulle, l’enfant ne retrouvera point toutes ses facultés en dépit des soins intensifs qui lui ont été administrés durant deux mois. Désemparé, le couple tape à toutes les portes pour obtenir la guérison de l’enfant.

Il fait recours à la médecine traditionnelle sans succès. Loin de se décourager, il va d’une cellule de prière chrétienne à une autre, consulte des marabouts. Malgré ces efforts, le sort de la petite semble scellé. « Un grand marabout nous a dit de laisser l’enfant chez lui et quand il va mourir, nous reviendrons le chercher. Mais nous avons refusé cette proposition », explique Souleymane Rabo, le géniteur. Agée de quatre ans, la petite Rabo ne peut effectuer aucun mouvement. Elle est incapable de s’asseoir, de parler, de manger ou de boire toute seule. Comme la petite Rabo, de nombreux enfants sont en situation de handicap, au grand désarroi de leurs parents.

Les préjugés de la société

Dans de nombreuses sociétés, un enfant en situation de handicap est considéré comme un porte-malheur, un serpent, un génie... La science est sûre d’une chose : une malformation cérébrale ou un dysfonctionnement du métabolisme peut provoquer une maladie psychiatrique. Cette maladie peut résulter d’un accident pendant la grossesse, au moment ou après la naissance. Une encéphalopathie peut être aussi génétique, selon les spécialistes de la santé. « Et dire qu’un enfant qui est déficient intellectuel, s’il a la faculté de se reproduire à l’état adulte, va transmettre directement l’encéphalopathie à son enfant, n’est pas très juste », relativise le Dr Désiré Nanéma, psychiatre au CHU-Yalgado Ouédraogo. Le handicap psychomoteur touche à la fois le physique et le mental, selon le psychologue Boukari Pamtaba, par ailleurs responsable de l’Association burkinabè d’accompagnement psychologique et d’aide à l’enfance (ABAPE). A entendre le psychiatre Désiré Nanéma, l’encéphalopathie peut être aiguë ou chronique et se manifeste à tous les âges, plus particulièrement dès l’enfance.

Ça devient une "affaire" des mères

Les handicapés psychomoteurs sont incompris dans certains milieux, du fait des incapacités propres à chacun. C’est pour cette raison que les parents se doivent de respecter l’enfant tel qu’il est, l’accepter et l’aider à vivre convenablement et dignement, sans complexe. Pour le psychologue Boukari Pamtaba, l’intégration de l’enfant déficient commence au niveau de son entourage immédiat qui doit l’aimer. Le regard de la société et le complexe que les enfants manifestent auprès de leurs camarades « anormaux » amènent ces derniers à vivre parfois dans la réclusion. Pourtant, ces « malades » aspirent aussi au bonheur comme les autres. Jeannette Ilboudo a 18 ans. Elle est handicapée psychomotrice. Aucun jeune de son âge ne veut s’approcher d’elle. Même ceux du voisinage ont déserté sa cour. Ses parents ont du mal à supporter cette situation. Dès l’âge de deux ans, le père de Jeannette ordonna à son épouse de se débarrasser d’elle dans la nature, sous le prétexte qu’elle est un enfant « monstre » dont il n’était pas le père. Elle refusa d’obtempérer. « Depuis que j’ai refusé de jeter l’enfant, je suis devenue l’ennemie de mon mari. Il me bastonnait tous les jours. Il ne me parlait plus. Il a voulu même que je quitte le foyer conjugal. N’eût été l’intervention de ma belle-famille, je serais partie », raconte Albertine Ilboudo, mère de Jeannette. De nombreuses femmes endurent des épreuves similaires dans leur foyer en voulant entretenir coûte- que-coûte un enfant à déficience intellectuelle. Harouna, est un enfant « étrange ». Il attire, chaque fois, le regard des personnes qui l’aperçoivent. Cela ne laisse pas ses parents indifférents. Ils sont obligés dans certains cas, de s’afficher en défenseurs de leur enfant pour toutes discriminations à son égard.

Les difficiles réalités de la prise en charge

La prise en charge des enfants en situation de handicap nécessite une plus grande responsabilité des parents. Certains recrutent des domestiques pour s’occuper d’eux, à un coût très élevé. Mais, rares sont ceux qui y restent longtemps. « Il y a des aides-ménagères qui n’arrivent pas à faire un trimestre pour la garde de l’enfant bien que nous concédions à leur payer un salaire relativement élevé », confie le parent d’un enfant à déficience intellectuelle.
Le père de Jeannette Ilboudo est mécanicien. Il s’est désengagé de toutes responsabilités et c’est finalement la mère qui s’occupe de l’enfant. Pour subvenir aux besoins de sa fille, elle mène toutes sortes d’activités. Rakiéta Zoungrana, commerçante et Awa Dermé, ménagère, sont aussi des mères d’enfants déficients intellectuels. Mme Zoungrana souligne que les parents essaient de faire de leur mieux pour les satisfaire. «Beaucoup de personnes font de petits cadeaux à mon enfant dès qu’il quitte la maison. Nous estimons que les gens éprouvent de la pitié pour lui. Tout ceci nous amène à dépenser plus pour lui, contrairement à ses frères», confesse-t-elle. Les parents assument tant bien que mal leurs responsabilités, mais le fardeau est lourd à porter. Ils se demandent ce qu’ils ont fait pour que le sort s’acharne sur eux. Mme Cécile Kaboré est une fonctionnaire à la retraite. Sa fille Grace, a envie de dire quelque chose lors de nos échanges. Malheureusement, elle n’a pas l’usage de sa langue. Après quelques tergiversations, Mme Kaboré confie que la déficience intellectuelle de sa progéniture a été un choc pour elle. « Au service, mes collègues me traitaient de paresseuse. Ils trouvaient que mes absences étaient répétées. Alors que Dieu seul sait ce qu’une mère peut ressentir en ayant un enfant malade à ses côtés», relate Cécile Kaboré.
Toutes ces pensées négatives, selon le psychologue Boukari Pamtaba, font que certaines femmes ont peur de donner encore naissance. Elles se posent d’innombrables questions dont celles de savoir, si l’enfant qui naîtra n’aura pas les mêmes caractéristiques que le précédent. « Pour soulager les parents, nous essayons de leur faire comprendre qu’ils ne sont pas les seuls dans cette situation et que nul n’est à l’abri d’un handicap mental, étant donné qu’il peut survenir à n’importe quelle étape de la vie », explique M. Pamtaba.
Nadège Drabo, assistante en psychologie de l’éducation et du développement, ajoute que le plus souvent, c’est la pression de l’entourage qui préoccupe les parents. Et le rôle du spécialiste, c’est d’essayer de jouer sur leur psychique, surtout celui de la mère afin de surmonter ses craintes.

Eloignés de l’école

Beaucoup d’enfants en situation de handicap sont encore enfermés chez eux, loin de l’école. Ce qui leur ôte toute chance d’acquérir des connaissances, de développer leurs aptitudes, d’être utile. Grace Kaboré a été rejetée par les autres enfants dits « normaux » dans une école, où elle avait été inscrite. Mais à l’école ouverte par l’Association des parents et amis d’enfants encéphalopathes (APEE), située dans l’arrondissement n°4 de Ouagadougou (Tanghin), elle a été bien accueillie. « Si les parents emmènent leurs enfants, nous demandons leurs attentes. Nous leur disons ce que nous pourrons faire pour l’enfant, parce qu’il ne faudra pas qu’ils se mettent à l’idée que nous allons lui ôter son handicap», clarifie la directrice de l’APEE, Isabelle Yaméogo.
A l’APEE, les frais de scolarité annuels pour les enfants déficients intellectuels s’élèvent à 128 000 F CFA contre 50 000 F CFA pour les enfants dits « normaux » de l’école primaire ordinaire. Pour Mme Yaméogo, ce montant représente une contribution des parents. Il donne droit au transport, à un goûter et à un repas à midi. Mais à l’entendre, il y a des parents qui n’arrivent pas à l’honorer et cela peut avoir des répercussions sur la qualité des prestations. « Certains parents sont animés de mauvaise volonté et ne veulent pas accompagner leurs enfants. Leur souhait est que l’association suspende la participation de l’enfant et qu’il se retrouve dans la rue pour mendier. Ces derniers se disent qu’il y a des ONG qui soutiennent financièrement les structures. Donc, il ne leur incombe plus de payer la scolarité », s’insurge-t-elle.

Des âmes sensibles ne manquent pas

A Ouagadougou, les enfants déficients intellectuels sont référés à la cour de la solidarité, depuis la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Kadiogo, située au quartier Gounghin-Nord dans l’arrondissement n°2. Ce sont des enfants de tous âges, abandonnés, égarés ou des enfants incestueux. Certains parents, bien que sachant où se trouvent leurs enfants ne veulent pas se présenter dans cette structure d’accueil. Selon la responsable de la cour de solidarité, Mme Salamatou Zoungrana, il y a des enfants qui y ont fait au moins cinq ans, sans que les parents, informés de la situation, ne daignent s’intéresser à leur sort. « Ce sont des enfants qui ne savent pas ce qu’ils font, ni ce qu’ils veulent. En plus, la majorité n’est pas autonome et il faut être sur le qui-vive, surtout à propos de l’hygiène », avoue Mme Zoungrana. Pour vivre avec eux, il faut être engagé et surtout avoir de la vocation. « Mes collègues me disent souvent que je ne jouis pas de toutes mes facultés. Qu’il me faut faire des examens périodiquement, étant donné que je suis à tout moment en contact avec ces enfants. Ce sont des frustrations du genre que nous vivons au quotidien», révèle-t-elle.

Espoir et espérance…

Par contre, à la communauté de l’Arche nongr-maasem, dans le quartier Bangpooré de l’arrondissement n°9 de Ouagadougou, il y a tout un processus à suivre avant que l’enfant n’y arrive. Dans cette structure, les pensionnaires mènent diverses activités, qui sont, entre autres, l’atelier occupationnel, le puzzle qui éveille l’esprit. Ce sont des femmes et des hommes qui ont fait le choix de consacrer leur vie à l’épanouissement des enfants mentalement déficients. C’est pour cette raison, que la directrice de l’Arche, Mme Gilberthe Ilboudo, affirme que : «Nos encadreurs sont vraiment dévoués. Ils connaissent mieux les enfants, leurs désirs et ils savent ce qu’ils doivent où ne doivent pas faire avec eux». A l’Arche Nongr-maasem, les enfants à déficience intellectuelle à l’internat, sont au nombre de 11. Environ 85 sont à l’externat par manque de places. « Nous voyons des cas que nous devrions accueillir, mais notre structure d’accueil est limitée et en plus, il y a un manque de personnel », souligne Mme Ilboudo. Embouchant la même trompette, la directrice de l’Association des parents et amis d’enfants encéphalopathes (APEE), Isabelle Yaméogo, note qu’il arrive que l’association refuse un enfant, si toutefois celui-ci présente plusieurs handicaps et dont les infrastructures adaptées pour ces cas précis sont inexistantes. Avec sa bonne volonté, l’association veut que l’enfant puisse apprendre certaines règles dans la société, être accepté afin de mieux s’intégrer.

Afsétou SAWADOGO
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