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Investiture d’Alpha Condé : á quoi servent les serments en Afrique ?
Publié le mardi 15 decembre 2015  |  Le Pays
Alpha
© Autre presse par DR
Alpha Condé, président de la Guinée




Pour l’investiture d’Alpha Condé, la simple présence de Denis Sassou Nguesso, qui vient de tripatouiller la Constitution de son pays, envers et contre tout bon sens pour se maintenir au pouvoir, suffit à ternir l’image de cette cérémonie. « Dis-moi qui tu fréquentes et je te dirai qui tu es », dit l’adage. En s’acoquinant avec un dictateur
impénitent de la trempe de Sassou Nguesso, Alpha Condé se trahit ou, à tout le
moins, ne rassure pas. La dictature est une maladie contagieuse et Condé court le
risque d’être « infecté » au contact du dictateur congolais.
Hier, le président guinéen, Alpha Condé, fraîchement réélu, a prêté serment devant un parterre d’invités. Mais, au regard du sort réservé à la parole de bien des chefs d’Etat africains, on se demande bien à quoi servent les serments en Afrique. En effet, les investitures de chefs d’Etat en Afrique se suivent et se ressemblent ou presque.

Les dirigeants usent de tous les subterfuges pour violer les textes

Chaque président élu prête invariablement ce genre de serment qui n’engage en réalité que ceux qui ont la naïveté d’y croire. Même les plus mal élus prennent du plaisir à promettre de respecter et de faire respecter la Constitution qu’ils foulent ensuite aux pieds. En fait, les cérémonies de prestation de serment de bien des chefs d’Etat en Afrique sont une occasion, pour ces dirigeants, de compter leurs amis, de parader et de festoyer. Ainsi, la dimension festive l’emporte sur le caractère solennel de l’engagement pris vis-à-vis du pays, des populations qui ont confié au président, leur destin, l’espace d’un mandat.
On invite des homologues d’autres pays pour montrer qu’on a des amis, du beau monde derrière soi.
La situation prêterait à sourire si elle n’engendrait pas des drames. Un peu partout sur le continent, toutes les institutions, toutes les lois fondamentales, sont au service du chef de l’Etat. C’est dire combien le serment de respecter et de faire respecter la Constitution relève du folklore. Après avoir juré de respecter les textes sacrés de la République, les dirigeants usent de tous les subterfuges pour violer… et sans lubrifiant, les mêmes textes. Ce n’est ni plus ni moins qu’un manque de respect de la parole donnée. Or, l’importance du respect de la parole donnée est notoire en Afrique, du moins dans l’Afrique traditionnelle. Personne n’est fou pour transgresser le totem, pour renoncer à son engagement vis-à-vis des mânes des ancêtres. Même la plupart des Africains qui se sont convertis aux autres religions venues d’Orient, gardent dans leur subconscient un respect profond pour les mânes des ancêtres.
Les chefs d’Etat africains ont ainsi plus peur des totems, des fétiches et des ancêtres
que des Constitutions. Tant et si bien qu’on finit par se demander s’il ne faut pas, sans porter entorse aux principes de la laïcité qui prévaut dans bien de nos Etats, ouvrir la perspective que chaque président jure sur les mânes de ses ancêtres, de respecter la parole qu’il donne lors de sa prise de fonction. Un tel serment pourrait être le début de la sagesse des chefs d’Etat africains. La crainte de la colère des ancêtres en cas de dérive, aurait le don de faire marcher droit, même les dirigeants les plus téméraires. Dans l’Afrique traditionnelle, le chef incarnait la vertu et la dignité. Dans bien des communautés, il était de bon ton que le chef ait l’élégance de se donner la mort si par malheur, il venait, pour une raison ou une autre, à enfreindre les lois sacrées du groupe social, à se dédire de façon notoire. Cette sanction extrême prévue, évitait que les valeurs soient galvaudées. Car, les sociétés étaient conscientes que le « poisson pourrit toujours par la tête », que la société se corrompt vite si le souverain n’a pas un comportement vertueux. La sanction des errements du chef par les gardiens de la tradition, était, dans bien des sociétés, sans appel et cela avait le mérite de rendre même service au chef. En tout état de cause, il faudra revoir la forme des prestations de serment en Afrique. Il faut une sorte d’inculturation de ces serments. Il y a en effet une possibilité de les rendre totémiques si on veut leur donner une chance de produire leurs effets. Mais il faudra déjà faire en sorte que les cérémonies y relatives soient le moins budgétivores possible. Cela, en évitant de lancer des invitations dont le nombre le dispute au ridicule, avec des convives bourreaux de la démocratie. Du reste, pourquoi ne pas s’inspirer des Etats-Unis d’Amérique qui font de l’investiture de leur président élu, une affaire purement domestique? Comme on le sait, cela n’empêche pas la médiatisation internationale de l’événement.

Il appartient au peuple guinéen de veiller à ce que son président respecte scrupuleusement son serment

Pour en revenir au cas d’Alpha Condé, il faut espérer que maintenant qu’il a fini de prêter serment pour son deuxième mandat, de façon festive, il ne soit pas visité par le mauvais génie de la « tripatouillite ». A lui de montrer qu’il n’a pas été « infecté » par le virus de la dictature, après avoir reçu un satrape comme Denis Sassou Nguesso. Il appartient au peuple guinéen de veiller à ce que son président respecte scrupuleusement son serment. La Justice notamment devra mettre un point d’honneur à sanctionner tout manquement aux règles fondamentales de la Guinée. Le président ne doit pas être au dessus de la loi.
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