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Coup d’État avorté du 16 septembre 2015: «Les irrégularités de la procédure judiciaire basée sur les écoutes téléphoniques»
Publié le lundi 7 decembre 2015  |  FasoZine
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© Autre presse par DR
Le général de brigade Gilbert Diendéré et le général de gendarmerie Djibrill Bassolé




Des écoutes téléphoniques entre deux personnages désignés comme Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire et Djibrill Bassolé, l’ex-ministre burkinabè en charge des affaires étrangères, sont aujourd’hui un des sujets de prédilection dans les médias et surtout sur les réseaux sociaux. Voici la lecture qu’en donne Lassina Sidgomdé Ouédraogo, dans une opinion parvenue à notre rédaction.



«Suite à la large diffusion de conversations téléphoniques qui serait intervenues entre Djibrill Bassolé et Guillaume Soro et qui constitueraient le principal élément à charge contre Monsieur Bassolé selon ses avocats, les questions juridiques se posent quant à la judiciarisation de l’écoute téléphonique au Burkina Faso.

La question sera examinée au regard des bases légales en droit burkinabè du placement sous écoute téléphonique mais aussi à la lumière du droit international. Une violation flagrante de la constitution du Burkina Faso et du droit international

– En matière d’écoutes téléphoniques, le droit international pose des exigences qui visent à protéger la vie privée et les correspondances. A cet égard, l’article 17 du pacte international relatif aux droits politiques dispose: «Nul ne sera l’objet d’immixtion arbitraire ou illégale dans sa vie privée, sa famille, son domicile, ou sa correspondance, ni d’atteinte illégale à son honneur et à sa réputation.»

– «Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.»
Le Burkina Faso a adhéré à ce pacte le 4 janvier 1999.

Outre les dispositions de cette législation internationale, l’article 6 de la Constitution du Burkina Faso stipule clairement: «La demeure, le domicile, la vie privée et familiale, le secret de la correspondance de toute personne sont inviolables. Il ne peut y être porté atteinte que selon les formes et dans les cas prévus par la loi».

L’interception, l’écoute et l’enregistrement des conversations téléphoniques privées, quels que soient leurs motifs, ne peuvent donc être tolérés en dehors d’un texte de loi qui les autorise et qui les encadre de manière précise.

Dans une société démocratique, il pourrait y avoir ingérence d’une Autorité publique dans la protection du droit au respect de la vie privée, mais cette ingérence doit être prévue par la loi et constituer une mesure nécessaire à la sécurité publique, à la sûreté de l’état et aux intérêts vitaux de la nation. Les écoutes téléphoniques peuvent donc servir à prévenir les troubles à l’ordre public et non à recueillir des preuves dans le cadre d’une procédure judiciaire.
La fin judicaire ne peut justifier des moyens anticonstitutionnels

Pour les pays où la législation le permet comme en France, le juge d’instruction peut, en matière criminelle et lorsque les besoins de l’instruction l’exigent, ordonner l’enregistrement et la transcription de conversations téléphoniques utiles à la manifestation de la vérité. Ces opérations sont effectuées sous un strict contrôle et dans le cadre d’une information judiciaire ouverte. Le droit burkinabè ne prévoit aucune disposition relative aux écoutes téléphoniques ni à leur contrôle par le juge judiciaire.

Par conséquence, la protection du droit au respect de la vie privée et du secret de la correspondance consacrée par l’article 6 de la Constitution prime sur l’exigence tenant à la recherche de preuve dans une procédure pénale. Au regard de ces principes et du droit, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que les écoutes téléphoniques effectuées par le régime de la transition et qui seront transmises au tribunal militaire sont illégales. En outre, la diffusion de ces écoutes sur les médias viole le secret de l’instruction judiciaire et finit de démontrer que le juge d’instruction ne peut les avoir ordonnées.

Une hyper exploitation politicienne et médiatique des écoutes téléphoniques
Il aura été donné à l’opinion publique de constater que des éléments sonores et des retranscriptions de ce qui est présenté comme la conversation téléphonique entre Soro et Bassolé ont été largement diffusés dans les médias, donnant lieu à une polémique politicienne sans précédent.

Si les mêmes écoutes téléphoniques rendues publiques, vraisemblablement par les services de renseignement de la transition, se retrouvent dans le dossier du juge d’instruction, de sérieuses questions ne manqueront pas de se poser quant à l’origine de ces écoutes, les conditions de leur retranscription et la régularité de l’ensemble de la procédure judiciaire.

En tout état de cause, l’exploitation politicienne et médiatique d’une pièce maîtresse de la procédure porte atteinte de la loyauté de la preuve. De manière évidente, les services de renseignement de la transition utilisent les moyens déloyaux et des stratagèmes pour administrer les preuves dans le dossier du coup de force du 16 septembre 2015.

En conclusion, le caractère anticonstitutionnel des écoutes téléphoniques, l’utilisation illégale de ces écoutes par l’autorité publique comme moyen de preuve judiciaire et enfin, l’exploitation médiatique de ces moyens doivent entraîner deux conséquences majeures:

1) L’annulation de ces pièces dans le dossier du juge d’instruction.

2) L’annulation de l’acte d’inculpation dont elle a été la pièce maîtresse.

La judiciarisation des écoutes téléphoniques et leur retranscription est, dans le cas d’espèce, totalement irrégulière et les inculpations qui en découlent sont illégales et infondées.»

Lassina Sidgomdé OUEDRAOGO
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