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Coopération Taïwan-Burkina: «il appartiendra au nouveau gouvernement de renforcer les relations ou de changer les choses»
Publié le jeudi 19 novembre 2015  |  FasoZine
Shen
© Autre presse par DR
Shen Cheng-Hong, Ambassadeur de Chine (Taïwan) au Burkina.




Entre la République de Chine Taïwan et le Burkina Faso, c’est 20 ans d’amitié et de solidarité. Son Excellence M. Shen Cheng-Hong en poste en tant qu’ambassadeur depuis fin 2012 se réjouit de sa présence au pays des hommes intègres. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il revient succinctement sur les relations existantes entre le Burkina Faso et Taïwan, les élections, le futur de la coopération entre les deux pays. Il a également été question des rapports « conflictuels » entre les deux Chines et de la menace djihadiste.

Fasozine: Excellence monsieur l’ambassadeur qu’est-ce qui vous a marqué ici au Burkina Faso depuis votre arrivée ?
Shen Cheng-Hong : Disons que je suis installé au Burkina Faso depuis maintenant deux ans et huit mois. Mais pour la petite histoire, il faut savoir qu’à partir des années 2000, je venais une fois par an en mission dans ce beau pays que vous avez. Ce qui m’a permis de connaître au mieux l’ensemble des dossiers relatifs à la coopération entre nos deux pays. Dès ma prise de fonction en tant qu’ambassadeur, j’ai pris ces dossiers en main tout naturellement, et je peux vous affirmer que tout se déroule bien. C’est une satisfaction pour moi de travailler avec le peuple burkinabè par l’entremise de son gouvernement. Nous sommes tous sans ignorer que le Burkinabè est travailleur et cet aspect nous facilite beaucoup les choses dans l’élaboration de notre coopération.

Vous étiez au Burkina Faso quand a eu lieu l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Comment est-ce que vous avez vécu cet évènement ?
Vous savez, dans tout processus de démocratisation dans un pays en développement comme le Burkina Faso, je pense que c’est tout à fait normal de passer par une telle épreuve. Un pareil processus de démocratisation a existé aussi en Chine Taïwan. Sur le plan historique, c’est un évènement très important pour ce pays ami. Mais au regard des dégâts matériels et des pertes en vie humaine, nous sommes tristes. Voilà pourquoi nous déplorons ce genre de situations. Néanmoins, je crois que c’est un processus normal et qu’à la sortie de tels évènements, le peuple burkinabè pourra mieux apprécier la démocratie. Il va pouvoir s’attacher plus au système démocratique.

Vous l’avez dit, on déplore des morts. Le peuple burkinabè apprécie davantage la démocratie. Mais il y a eu entre temps un putsch militaire en pleine période de Transition, comment avez-vous vécu personnellement cela ?
A l’instar de tous nos partenaires internationaux, nous condamnons haut et fort tout coup d’Etat. Parce que nous estimons qu’il n’est pas normal qu’on use de la force pour changer un système politique en place. Il est sûr et certain que tout le monde est contre une telle pratique. Je voudrais, à travers cette occasion, réaffirmer notre soutien au peuple burkinabè et saluer le comportement de ce vaillant peuple. Il a bien fait. Maintenant, il faut travailler à préserver cet acquis qui doit constituer un exemple pour l’ensemble des autres pays africains.

Depuis un bon moment le processus électoral est en marche, quelle est la position de la république de la Chine Taïwan pour ces échéances électorales prévues pour le 29 novembre prochain ?
Comme vous le savez, nous disons toujours que c’est tout à fait normal qu’il y ait des élections dans toute société démocratique. C’est la raison pour laquelle notre gouvernement apporte une modeste contribution pour la bonne tenue de ces élections. A ce jour, nous avons offert à la Commission Nationale Electorale Indépendante (CENI) 300 ordinateurs ainsi que la somme de 1 million d’Euros, dans le but de faciliter le travail qu’elle aura à effectuer dans le cadre des prochaines élections. Nous avons aussi remis au Conseil Constitutionnel du matériel informatique. C’est un honneur pour nous, en tant que membre de la société démocratique, de pouvoir accompagner l’Etat burkinabè dans ce processus. Au regard de ce qui précède, cette élection présidentielle se présente comme un rendez-vous avec l’histoire pour tout le peuple burkinabè. A cet effet, nous ne voyons pas l’inconvénient de pouvoir jouer un rôle aussi petit soit-il pour la bonne marche du processus électoral entamé.

Cette élection présidentielle va certainement déboucher sur un changement de régime. Est-ce que vous ne craignez pas que ce nouveau régime ne s’aligne derrière la grande Chine au détriment de la République de Chine Taïwan ?
A ce niveau, je crois qu’au vu de tout ce que nous avons eu à faire et qui se poursuit toujours dans le cadre de notre coopération avec le Burkina Faso, il reviendra au nouveau gouvernement mais aussi au peuple burkinabè de voir s’il y a lieu de renforcer d’avantage les relations entre nos deux pays ou de vouloir changer un peu les choses. Je profite de l’occasion pour vous rassurer que, même entre la Chine populaire et Taïwan, nous avons toujours mené des démarches de négociation, de dialogue. Ce qui fait qu’aujourd’hui, les relations entre les deux rives sont beaucoup plus intenses qu’auparavant.

Comment vivez-vous justement ce rapprochement entre vos deux Etats, surtout après cette poignée de mains qualifiée d’historique entre les présidents de la Chine populaire et de la République de Chine Taïwan ?
Je crois que c’est quelque chose qui allait arriver tôt ou tard. Des échanges ont toujours existé entre nos deux pays. Maintenant ce qui pose problème, c’est le règlement de certains dossiers épineux, importants ou encore urgents concernant les populations de ces deux rives. Je pense qu’une rencontre de ce genre permet d’établir une bonne communication entre ces deux chefs d’Etat. Vous savez, il y a des dossiers sensibles et exigeants qui méritent qu’on y prête une véritable attention surtout au niveau politique. Par exemple, lors de ce sommet, le président Ma Ying-Jeou de la république de Chine Taïwan, concernant la question de la menace militaire de la Chine populaire, a attiré l’attention du président Xi Jinping. A ce sujet, c’est 1 500 missiles qui sont pointés sur l’île.

En dépit de cette poignée de main historique, ces missiles sont toujours en effet braqués sur Taïwan…
Selon les informations qui nous sont parvenues, c’est que Xi Jinping, pendant la rencontre, a eu à dire qu’une solution sera trouvée au moment opportun (rire). Il a même soutenu que tous ces missiles ne sont pas dirigés sur Taïwan. A vrai dire, c’est un langage diplomatique. Parce qu’aujourd’hui, les missiles utilisés par la Chine populaire peuvent atteindre une cible qui est à une distance de 8 000 kilomètres. Et ces missiles sont juste pointés en face de Taïwan depuis la province de Fujian. Et pour la population taïwanaise, cela constitue toujours une menace. De ce fait, il revient à la Chine de faire un geste pour qu’on puisse parler de paix entre nos deux pays. Néanmoins, cela peut être considéré comme étant un premier pas.

Est-ce par rapport à cette menace ou bien d’autres qu’une bonne partie de la population taïwanaise est opposée à ce rapprochement avec la Chine populaire ?
Vous savez, nous sommes dans une société démocratique. Et concernant le rapprochement et la réunification dont on parle beaucoup, il y a toujours des personnes qui seront contre.

Mais est-ce que cela ne va pas jouer en la défaveur du président Ma Ying-Jeou et son parti lors de la prochaine présidentielle?
Je ne pense pas vraiment. La politique du président Ma Ying-Jeou est très claire, c’est aussi la politique du Kuomintang (parti au pouvoir, Ndlr). Maintenant, selon des sondages, c’est l’opposition pro indépendance qui est susceptible de gagner les élections. Pour ce nouveau président qui prendra le gouvernail de la République de Chine Taïwan, nous nous posons la question de savoir ce qu’il fera une fois en poste. Mais laissez-moi vous dire qu’à ce jour, entre les deux rives, ce sont 23 accords qui ont été signés dans pratiquement tous les domaines (économique, commercial, lutte contre le crime, etc.), et qui ont été mis à exécution. Que le futur président soit d’accord ou pas avec ces conventions, il ne pourra rien y changer.

En réalité, dans la mesure où les échanges entre ces deux rives doivent continuer, on ne peut pas isoler la Chine populaire. Pour la petite histoire, c’est à partir des années 80 qu’on a permis à certaines populations d’entrer en Chine pour emmener de l’argent et par la suite on a ouvert les frontières pour permettre aux commerçants taïwanais d’aller investir en Chine, voilà comment la Chine populaire a commencé à développer son économie. Alors, pour diverses raisons, on ne peut pas pour le moment mettre un terme à cette relation avec nos voisins chinois. On se doit même de continuer à soutenir leur développement économique. Nous aussi, nous avons besoin d’une partie du marché de la Chine populaire.

Mais jusqu’à présent, la Chine populaire continue à considérer Taïwan comme l’une de ses provinces…
Effectivement, mais cela ne doit pas nous empêcher de continuer à négocier avec la Chine populaire. C’est à travers les échanges qu’on pourra parvenir à changer leur mentalité petit-à-petit. A travers cette première rencontre historique qui a eu lieu entre nos deux chefs d’Etat, il était question de faire comprendre à la Chine populaire qu’il est temps de prendre en considération les sentiments de la population taïwanaise. Pour s’entendre, il faut tout naturellement se comprendre. C’est pour cela que nous insistons sur le mode de vie et des valeurs intrinsèques de notre peuple.

Qu’en sera-t-il alors des relations entre ces peuples ? Seront-ce des rapports de pays à pays comme il se doit ?
Je ne peux vous donner une réponse exacte à ce sujet. Mais ce qu’il convient de souligner ici, il ressort qu’après un sondage, il y a 60 % de la population qui est pour le statut quo. C’est-à-dire qu’on maintient les rapports ainsi entre les deux rives. Au sortir des négociations, on saura ce qu’il y a lieu de faire. Parce qu’apparemment, ce n’est pas nous qui demandons la réunification, mais plutôt la Chine populaire. Vous savez que géographiquement, nous sommes très proches et pour ce fait, on ne peut pas nier l’existence de la Chine populaire. Il est vrai qu’ils ont toujours considéré et continuent de considérer la Chine Taïwan comme une province rebelle. C’est leur mentalité, leur idéologie. Maintenant, c’est à nous, à travers les négociations, de leur faire comprendre ce que nous Taïwanais pensons. La Chine populaire gagnerait à modifier sa position vis-à-vis de notre peuple.

Comment des alliés de Taïwan, comme le Japon et les Etats-Unis, qui ne partagent pas la même idéologie de la Chine Populaire, vont-ils voir ce rapprochement entre les deux Chines ?
Il n’y a pas de souci à se faire à ce niveau. Ils sont particulièrement heureux des contacts établis et de la continuation pour ce qui est du dialogue entre Taïwan et la Chine populaire. Ces mêmes alliés en question ne souhaitent pas qu’on ait recours à la force dans cette affaire qui nous oppose. Bien au contraire, ils saluent la démarche entamée qui, sans doute, aboutira à la création d’un environnement de paix qui sera favorable à tout le monde.

Vous savez, actuellement en Asie, il n’y a pas que le problème entre les deux Chines. Il y aussi celui de l’île japonaise de Sangoku, en mer de Chine méridionale. Il y a des problèmes partout : des conflits un peu partout dans le monde avec les djihadistes, l’Etat islamique. Pour le moment, les différents alliés que nous avons nous encouragent à travailler dans le sens de privilégier le dialogue pour que règne la paix. Par ailleurs, avec un grand pays comme la Chine populaire, il sera difficile de l’isoler. Alors on gagnerait à travers le dialogue à l’intégrer à n’importe quel système politique, économique, commercial du monde.

Comment percevez-vous les derniers attentats qui ont eu lieu à Paris ?
Nous déplorons cela tout simplement. Personnellement, je n’arrive pas à comprendre comment est-ce qu’on peut arriver à une telle ampleur des choses. En toute circonstance, il faut privilégier le dialogue. Il est bien vrai que nous savons tous qu’entre les islamistes et les occidentaux, cela paraît très difficile surtout avec le problème de la Syrie. A ce que je sache, l’usage de la violence n’a jamais résolu quoi que ce soit. Aujourd’hui, tous les pays devraient s’asseoir, pousser la réflexion et trouver la solution. On ne sait pas quelle sera la prochaine cible.

Est-ce que Taïwan est à l’abri de ce type de menace ?
Non je ne crois pas. Tout ce qui peut arriver en Europe, peut également se présenter un jour aussi en Asie. Prenons le cas par exemple de l’Indonésie où il y a la présence de radicaux islamistes. Même Taïwan, qui n’est pas un pays musulman regorge 50 000 musulmans avec à peu près six mosquées. Mais à la différence de ceux qu’on peut trouver en Indonésie, eux ils sont plus modérés. Je crois que tout ce qui concerne l’Europe aujourd’hui peut, à un moment donné, concerner l’Asie. Puisque les islamistes ambitionnent mettre en place un grand pays avec l’application par exemple de la charia et cela pourrait causer des problèmes.

Propos recueillis par Guy Serge Aka et Morin Yamongbè
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