Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Art et Culture
Article



 Titrologie



L’Observateur N° 8372 du 14/5/2013

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie

  Sondage



 Autres articles


Comment

Art et Culture

Grève des élèves au Burkina : Ecoutez, les enfants, ça suffit !
Publié le mercredi 15 mai 2013   |  L’Observateur




 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Les habitants du Pays des hommes intègres ont mal à leurs élèves. A vrai dire, il y a de quoi ; au regard du nouveau profil psychologique des «apprenants» depuis quelques années déjà, il n’est pas rare d’entendre des réflexions désabusées du genre : «Ces enfants-là, on ne les comprend plus !», «ce ne sont pas des élèves, ça !», «nos lycées et collèges sont désormais des repaires de voyous !».

A telle enseigne que pour bon nombre de Burkinabè, «élèves» rime avec casses, destructions de biens publics, menaces et intimidations qui vont de pair avec moult désertions inopinées des salles de classe et, partant, rencontres tapageuses dans des maquis et buvettes de la place.

Et ce n’est pas la dernière initiative desdits élèves qui viendra redorer leur blason, irrémédiablement terni. Les émeutes qui, ont éclaté lundi 13 mai 2013 et qui ont causé de violents affrontements dans le plus grand établissement de la capitale achèvent de convaincre les plus sceptiques que les «apprenants» de nos lycées et collèges sont capables de chef-d’œuvre en matière de hooliganisme et de courses-poursuites avec les forces de l’ordre ; pour ce qui concerne la discipline et l’étude assidue des matières du programme scolaire, il faudrait sans doute repasser.

Qu’est-ce à dire ? Personne ne le comprend vraiment. Et la raison (une de plus) avancée par les scolaires pour justifier leur débrayage actuel n'est pas convaincante : les «apprenants» affirment déserter les salles de classe au motif qu’ils «soutiennent» les enseignants, eux-mêmes en grève depuis le 10 mai 2013. Passe encore qu’ils «achètent» une bagarre qui n’est pas la leur ; mais le zèle qu’ils affichent dans leur tentative de jouer aux justiciers finit par révéler au grand jour les plus secrètes de leurs intentions : au Pays des hommes intègres, on est désormais accoutumé à voir les élèves se saisir de tout pour justifier une irrépressible envie de déserter les lieux d’enseignements ; tout y passe ; un élève a une altercation avec un honnête citoyen ? Allez, «libérez !» ; un autre est sanctionné pour indiscipline dans un collège ou lycée ? «Libérez !» ; un troisième est victime d’un accrochage en circulation ? Là aussi, il faut «libérer !». Sans compter que dans cette affaire qui oppose les enseignants au gouvernement, existait un calendrier de pourparlers dont étaient convenues les deux parties, qui savent toutes l’intérêt qu’il existe pour tous que les questions évoquées soient résolues au plus vite ; maintenant que les élèves se sont invités dans la danse, la chose risque de prendre une tournure nouvelle.

L’argument qu'avancent les élèves, qui clament qu’ils ont peur pour l’année scolaire assurément, fait sourire ! Curieux tout de même ! D’où leur vient pareil éclair de prise de conscience ? Nul ne conteste que les examens du Bepc et du Bac sont à proximité et que la non-résolution du conflit qui oppose les enseignants au gouvernement fait peser une lourde hypothèque sur leur bonne tenue ; mais enfin que ce soient les élèves qui se permettent de tels propos laisse dubitatif : ce sont bien eux et nul autre qui ont fait du boycott des cours leur plat de résistance, chaque mois de décembre, et ce, depuis maintenant de longues années ; sans compter le chapelet de dates à leurs yeux «commémoratives» à l’occasion desquelles, pour rien au monde, ils ne manqueraient de débrayer et de «libérer». Et puis, dans le combat que mènent les enseignants, les élèves font figure d’intrus qui veulent se faire plus royalistes que le roi. Car, tandis que les professeurs mènent leurs revendications en passant par le truchement d’une marche pacifique, les élèves qui disent les accompagner ambitionnent de casser du policier et brûlent …des tables-bancs … histoire sans doute de pouvoir débrayer plus tard au motif qu’il leur manque du mobilier dans les salles d’enseignement ! Rien à dire, l’ingéniosité y est ; reste à savoir à quoi elle sert, au final.

Et on finit par se demander jusqu’où ira un pareil désordre qui s’impose désormais comme un phénomène récurrent, «embête» professeurs et chefs d’établissements, désempare des parents qui tirent le diable par la queue pour assurer la scolarité de leurs rejetons et empêche même les élèves studieux et volontaires de travailler dans la quiétude et la sérénité. Alors, jusqu’à quand ?

Lorsqu’on pousse la réflexion en profondeur, on finit par se demander si les enfants ne tirent pas profit d’une certaine irresponsabilité généralisée qui produit fort normalement les fruits qu’on doit en attendre : on a laissé pourrir une situation.

Certaines tergiversations des responsables du ministère en charge de l’Education y sont pour quelque chose : tenez ! la réforme du bac, décidée, il y a quelques mois… la mesure à peine prise, les enfants marchent une matinée et, dans la foulée, ladite mesure est retirée par ceux qui l’avaient proposée ; en décembre dernier, on entendit le même ministère menacer de sanctions les élèves qui troubleraient la quiétude dans nos lycées et collèges ; comme pour relever le défi, les «apprenants» firent le tour des établissements de la ville et s’en retournèrent «victorieux» chez eux, en toute impunité ; la chose les revigore et à ce jour, dans leur immense majorité, les élèves ont l’impression qu’ils sont tout-puissants et peuvent se comporter comme ils le veulent, où ils le veulent, en toute impunité ; et de fait, quelque part, ils n’ont par vraiment tort de le prendre ainsi : depuis que, par suite de l’affaire Justin Zongo, des policiers ont été jugés et embastillés, même nos valeureux «flics» ont une peur bleue de ces enfants qui peuvent les pousser à commettre une bavure, laquelle leur fera tomber le ciel sur la tête.

Les parents de nos chers élèves ne sont pas en reste ; que font les associations de parents d’élèves ? On les reconnaît dans cette affaire à une terrible caractéristique : leur silence assourdissant ! On a beau dire que les «enfants de maintenant n’écoutent pas», l’argument ne saurait effacer le fait que certains parents à ce jour n'ont aucune emprise sur leurs rejetons ; à tel point que certains d’entre eux donnent l’impression de considérer les établissements scolaires du privés et du public comme des endroits où l’on fait du baby-sitting pour grands enfants : ils exigent que l’éducation qu’eux-mêmes manquent de donner à leurs enfants à la maison, on la leur inculque dans les lieux d’enseignements.

Mais une catégorie d’élèves est aussi à plaindre : le groupe de ceux qui choisissent d’aller à contre-courant et décident d’aller en classe et de suivre les cours ; intimidations, menaces et sévices divers constituent leur lot ; l’assassinat de l’élève du Saint-Viateur en est un exemple patent.

A supposer que l’on choisisse de ne rien faire contre de pareils abus, il n’existera aucune chance que le milieu scolaire du Pays des hommes intègres guérisse un jour de ce mal pourtant profond et qui remet en question l’avenir même de toute la nation.

A ce jour, les enfants scolarisés dans nos lycées et collèges donnent toute la mesure qu’ils sont les rois de ce pays ; il leur suffit de décider qu’une année scolaire n’ira pas à son terme, et la chose se passera comme ils l’auront voulu ; et comme tout le monde à présent les craint, il n’y a pas de raison qu’ils s’arrêtent en si bon chemin. Il est temps, grand temps qu’on y réfléchisse ; on pourra toujours dégager en touche ; mais demain le problème n’en sera que plus grand. Et alors nous n’aurons plus que nos yeux pour pleurer. «Malheur au pays dont le roi est un enfant», prévenait fort justement le sage ! A méditer absolument.

Jean Claude Congo

 Commentaires