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Le Pays N° 5356 du 14/5/2013

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Grève des enseignants : Nouvelle journée de tensions entre élèves et policiers
Publié le mercredi 15 mai 2013   |  Le Pays




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Ce mardi 14 mai 2013 restera gravée dans la mémoire de certains élèves de la ville de Ouagadougou et pour cause, ce fut une journée de course poursuite entre ces derniers et les forces de l’ordre suite à des manifestations qui ont débuté le lundi 13 mai dernier. Mais que revendiquent au juste ces élèves ? C’est ce que nous avons voulu savoir en nous rendant sur les lieux de la manifestation ce jour-là. Retour sur une chaude matinée empreinte de gaz lacrymogène, de jets de pierres et de course poursuite.

Des élèves, il y en avait plein sur la chaussée devant le lycée Philippe Zinda Kaboré où nous avons débarqué aux environs de 9h 30mn. Des pneus, des morceaux de bois et du matériel, pourvu qu’ils soient inflammables, brûlaient à même le goudron. Tout autour, des élèves, petits et grands. Certains transpirant, d’autres attisant le feu et d’autres encore faisant quelques acrobaties avec leurs engins sous le regard de leurs camarades. Nous nous sommes dirigés vers le groupe qui, à première vue, était plus que décidé à « affronter » les agents de police qui patrouillaient déjà depuis un moment dans les alentours. Après renseignement, nous voici devant le président de l’Association des élèves du secondaire de Ouagadougou (AESO), Jacob Béré. Au moment où nous nous apprêtions à lui tendre notre micro, des élèves ont lancé à notre intention : « N’est-ce pas mieux de chercher un lieu sûr pour faire votre interview ? Ça va chauffer d’ici-là ». Néanmoins, nous avons fait l’interview sur place, dans cette ambiance de fumée, de bruits de motos et de cris d’élèves.

Les raisons de cette manifestation, Jacob Béré nous les a confiées en ces termes : « Hier (NDLR : lundi 13 mai), nous sommes sortis pour une marche pacifique pour voir notre ministre de tutelle afin que les problèmes que rencontrent nos enseignants soient résolus. A travers cette marche, nous avons voulu aussi marquer notre désaccord quant aux décrets qui ont été pris et qui portent essentiellement sur les sujets au choix à l’examen du Baccalauréat et celui applicable aux examens. Il y a également des problèmes internes dans nos établissements que nous ne pouvons pas expliquer ici. Nous demandons au ministre de nous écouter car nous ne pouvons pas permettre qu’une minorité nous exploite et piétine notre liberté. Mais la marche a dégénéré parce qu’avant que nous n’arrivions au ministère, les forces de l’ordre nous ont interceptés au niveau du rond-point des Nations unies et nous leur avons fait comprendre que nous voulions simplement rencontrer le ministre. Arrivés devant le ministère, vu que nous étions nombreux, les gens bousculaient et les policiers ont commencé à taper sur les élèves qui se sont mis à lancer des cailloux. Ensuite, c’était du gaz lacrymogène. Voilà comment la course poursuite a commencé. Les policiers nous ont poursuivis jusque dans nos établissements, ils y sont entrés, bien que ce soit interdit, ont tiré des balles réelles mais, heureusement, ça n’a touché personne. Ils ont cassé nos feux tricolores qui sont devant l’établissement. Devant nous, ils ont arrêté une personne et l’ont immédiatement relâchée. Comme nous n’avons pas eu gain de cause hier, nous sommes sortis aujourd’hui encore pour aller rencontrer le ministre. On nous a encore fait comprendre qu’il n’était pas disponible et que le SG allait s’entretenir avec nous ; ce que nous avons refusé. Nous voulions parler au ministre et à personne d’autre. La suite des événements dépendra de ce que le ministre dira ».

« Ce n’est pas nous qui avons suspendu les cours »

A la question de savoir pour combien temps ils comptaient suspendre les cours, Jacob Béré a répondu : « Ce n’est pas nous qui avons suspendu les cours, c’est le gouvernement. Ce matin, nous sommes arrivés trouver les classes fermées. Pourtant, personne ne nous a mis au courant de cela. Notre proviseur nous a seulement fait comprendre qu’il a reçu l’ordre de fermer les classes ». Pendant que nous étions toujours en entretien, un des camarades de Jacob Béré est venu lui souffler des mots à l’oreille que nous ne saurions retranscrire pour vous, mais retenez seulement que cette scène est venue mettre fin à l’entretien. Mais avant de nous laisser partir, les manifestants ont exigé nos cartes de presse pour s’assurer que nous étions effectivement des journalistes. A peine ont-ils jeté un coup d’œil sur lesdites cartes que certains ont commencé à crier : « Ils arrivent ! » et ce fut la débandade. C’était parti ainsi pour une nouvelle course poursuite entre les deux parties. Des cailloux fusaient de partout. D’aucuns se servaient de lance-pierres pour atteindre les forces de l’ordre qui, à leur tour, projetaient du gaz lacrymogène pour tenter de dissiper la foule. Des passants qui s’étaient entre-temps arrêtés pour observer la scène ont vite fait de quitter les lieux, tant le gaz était irrespirable. « Ça pique les yeux ! » a lancé notre photographe qui arrivait difficilement à faire les photos. « Pour avoir fait le lycée Zinda, je sais ce que c’est », ai-je répliqué. Les forces de l’ordre gagnaient petit à petit du terrain. A un moment donné, nous étions entre le lycée Philippe Zinda Kaboré (LPZK) et le lycée professionnel régional du Centre (LPRC), ne pouvant aller ni à droite, ni à gauche, tant ça fumait de partout. Les injures étaient également au rendez-vous. Tout était mis en œuvre pour agacer les policiers qui, de leur côté, usaient de stratégies pour gagner du terrain, tout en évitant les pierres et autres objets dangereux que lançaient les manifestants. Pendant plus de deux heures, nous avons assisté à ce spectacle, tout en larmoyant du fait du gaz lacrymogène. Des passants, pas informés de la situation, se hasardaient de temps en temps sur la chaussée mais rebroussaient chemin aussitôt « Hé, les journalistes, venez rentrer dans l’établissement, sinon c’est dangereux », lançaient les élèves à notre endroit. Le danger, nous en étions conscients et nous prenions des précautions pour ne pas recevoir de caillou en pleine figure ou sur la tête. Impossible pour nous d’approcher les forces de l’ordre tant elles étaient mouvementées. Le temps de dire « Bonjour » et voilà des cailloux qui recommencent à pleuvoir. En fin de compte, nous avons quitté les lieux sans pouvoir les entendre.

La version du ministre Moussa Ouattara

Il était environ 10h 45mn quand nous quittions les lieux, laissant les deux parties sur place ; les élèves étaient maintenant perchés sur les murs des établissements d’où ils lapidaient toujours. La chaussée, elle, était occupée par les forces de l’ordre. Nous voilà au ministère des Enseignements secondaire et supérieur où le patron des lieux, Moussa Ouattara, n’a pas hésité à nous rencontrer pour nous donner sa version des faits. Notre entretien avec lui a duré environ une quarantaine de minutes mais, ce qu’il faut retenir en substance, ce sont ces extraits : « Les deux syndicats des enseignants, le SNESS et la F-SYNTER ont déposé un préavis de grève de 24 heures auprès du gouvernement qui a accusé réception. L’objet est que, selon eux, le gouvernement n’a pas fait suite à la mise en œuvre d’un accord, notamment celui du 26 mai 2011. Nous avions fait le point lors des rencontres globales gouvernement-syndicats. Des rencontres tripartites ont suivi pour traiter de cette question. La grève des enseignants était prévue pour le vendredi et le lundi 6, nous avons constaté un mouvement d’élèves sans auparavant être informés. Certains responsables d’élèves ont même refusé de nous dire quoi que ce soit. J’ai été pris au dépourvu ce jour-là, les élèves voulant s’adresser à moi. Je suis venu leur parler malgré mes occupations. Là, ils m’ont interpellé de faire suite aux revendications de leurs enseignants et d’éviter une année blanche, une année sans examens. Je leur ai dit qu’il n’a jamais été question d’année blanche et que le gouvernement même ne voulait pas cela et qu’il est en train de travailler à faire des propositions. Deuxième élément, vous vous souvenez d’un arrêté qui introduisait une motion de sujet unique. Ils ont dit qu’une lettre avait dit que c’était suspendu mais que ce n’était pas régulier. Nous avions même fait une rencontre lors de laquelle, en faisant le point qui était lié à la préparation des examens, il ressortait la nécessité juridique qu’il y ait de nouveaux arrêtés en remplacement de l’arrêté qui a été querellé et du côté de l’OCECOS concernant le BEPC et du côté de l’Office du Baccalauréat pour ce qui est du Bac. J’avais demandé aux deux premiers responsables de ces structures de préparer des projets d’arrêtés, ce qui fut fait assez rapidement mais, pour éviter qu’il y ait des erreurs matérielles, nous avons constitué un comité d’experts qui a revu le texte article par article, paragraphe par paragraphe. Je leur ai dit que nous allons nous occuper de cette question. J’étais à un conseil de cabinet où mon dossier de préavis s’invitait. Les élèves sont repartis sans faire du bruit. Par la suite, il s’agissait de la journée de grève des enseignants dont le SG du ministère a été informé par la commune de Ouagadougou. Nous n’avons pas reçu une correspondance quelconque annonçant une marche des enseignants au terme de laquelle le ministre devait les rencontrer pour recevoir quoi que ce soit. Néanmoins, nous nous sommes apprêtés pour les recevoir et le SG les a effectivement reçus. Là encore, ils ont dit que c’était une méprise parce que c’est le ministre lui-même qui devait les recevoir. Il n’y a jamais eu de mépris, je n’étais pas là parce que ce jour-là aussi, j’étais à une rencontre entre les ministres qui ont des syndicats ayant des préoccupations pour voir que faire. Et c’était ce genre de questions que nous traitions. Au terme de la rencontre, on a mis en place un comité technique qui a travaillé jusqu’à une certaine heure et, à l’heure actuelle, le gouvernement est prêt à rencontrer les syndicats des enseignants. En sortant de cette rencontre le vendredi, le ministre de la Fonction publique m’a autorisé à envoyer un message aux premiers responsables des deux syndicats et même à l’adjoint du SG de la F-SYNTER. Le message disait que le ministre de la Fonction publique m’autorise à vous informer que la délégation gouvernementale va vous rencontrer le mardi à 17h et je leur ai demandé de bien vouloir accuser réception. Le même message a été envoyé au ministre de la Fonction publique en guise de compte rendu. Ils ont accusé effectivement réception avec courtoisie et je tiens à les remercier. Il m’est ensuite revenu que les élèves ne sont pas informés que le gouvernement est en train de traiter la question des enseignants. J’ai demandé au secrétaire général de faire un message d’information à l’ensemble des directeurs régionaux pour les informer que le gouvernement envisage rencontrer les syndicats et j’ai été obligé de dire au secrétaire général de faire part aux différents responsables des associations d’élèves de la rencontre. J’entends ensuite dire qu’il est possible que les élèves sortent et là encore, sans nous informer de quoi que ce soit ; ils voulaient nous surprendre. Mais, quand vous voulez surprendre quelqu’un, ne vous étonnez pas que la personne ne soit pas là au moment de votre passage. Le 6 mai dernier, je les ai rencontrés, pourquoi je ne pouvais pas le faire cette fois-ci ? Au moment où ils sont venus, nous étions encore en conseil de cabinet où j’exposais un dossier devant Son Excellence. Quand j’ai eu un peu de temps pour jeter un coup d’œil à mon portable, j’ai été informé de la situation et j’ai su qu’ils ont refusé que le SG les reçoive. Il y a eu donc les jets de pierres sur l’édifice d’où l’intervention des forces de l’ordre pour les repousser. Et je me demande toujours quel est le motif de cette manifestation. Honnêtement, que voulaient-ils que je dise de nouveau ? Ce n’est pas avec eux que je dois discuter des points des syndicats. J’ai l’impression que les syndicats n’ont pas dit aux élèves que nous avons prévu de les rencontrer. Qu’est-ce que les élèves voulaient me dire et qu’ils ne m’ont pas dit le 6 ? Quand on nous a dit que les enseignants aussi voulaient marcher, nous avons donné instruction pour que les grands établissements qui sont au centre-ville soient fermés parce qu’il y avait, semble-t-il, des élèves qui allaient marcher avec eux. S’il y a un débordement, qui endosse la responsabilité ? »

« Des gens ont incité les enfants à sortir »

Selon le ministre, si le besoin se fait sentir, les classes seront encore fermées aujourd’hui et ce, sur tout Ouagadougou : « Que puis-je faire dans ce type de situations sinon donner instruction de fermer, étant donné que les manifestants veulent coûte que coûte se mesurer aux forces de l’ordre ? S’ils veulent être informés, ils le seront ». De l’avis du ministre Moussa Ouattara, ce groupuscule d’élèves qui manifestent serait incité à l’action par certains éléments. A la question de savoir si les examens ne sont pas menacés par ces manifestations, le ministre a souligné que s’il y a des effets négatifs, il faut que, moralement et sincèrement, on les partage ensemble parce que, dit-il, « des gens ont incité les enfants à sortir. Ce n’est pas une plateforme des élèves. Que viennent-ils faire dedans ? ». « Qui par exemple ? », avons-nous demandé. « Je n’indexe personne. On n’a pas besoin de faire un dessin mais d’être seulement intelligent », répond le ministre. Et de souhaiter que les syndicats aient un peu plus de clairvoyance à ce que les discussions se fassent de manière compréhensive et que l’on puisse aboutir à une certaine entente. Progressivement, tout peut s’arranger de son avis et de plus, l’on doit avoir à l’esprit l’avenir de ces enfants. Seuls trois établissements du centre-ville étaient fermés à la date du mardi 14 parce que, a estimé Moussa Ouattara, à ce niveau, le rassemblement est rapide. Il s’agissait du Zinda, du Nelson et du LPRC.

Christine SAWADOGO

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