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Sidwaya N° 7408 du 3/5/2013

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Crise hystérique des filles en milieu scolaire: « Souvent, c’est l’anxiété qui est à la base de l’hystérie », dixit le psychiatre Ouango
Publié le vendredi 3 mai 2013   |  Sidwaya




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La crise hystérique touche les jeunes filles, un peu partout dans les établissements scolaires au Burkina. Le Professeur Jean Gabriel Ouango, psychiatre à l’hôpital Yalgado Ouédraogo, explique ce qu’est l’hystérie, fait un lien entre ce comportement et l’éducation donnée aux enfants, en général, et appelle l’Etat, les éducateurs et la société à être plus regardants sur l’éducation de l’adolescent.

Sidwaya (S.) : Qu’est ce qu’une crise hystérique ?

Jean Gabriel Ouango (J.G.O.) : Une crise hystérique est ce que nous appelons trouble du comportement chez une personne qui, brutalement, se met à avoir une certaine manifestation qui panique l’entourage. Ceci, dans la mesure où ces manifestations rappellent ou évoquent la possible mort de la personne. Souvent, ce sont des crises de type convulsif, c’est-à-dire que la personne tombe brutalement, se raidit, ne parle plus, a les yeux révulsés et les gens se demandent si la personne ne va pas mourir. Après quelques moments, la personne se relève sans problème. Et généralement, quand elle tombe, elle fait tout pour ne pas se blesser.

S. : Quelle différence y a-t-il entre l’épilepsie et la crise hystérique ?

J.G.O. : L’épilepsie est une maladie neurologique qui est due à un moment donné, à une espèce de courant que le cerveau envoie au niveau des muscles, au niveau du corps et qui fait que la personne tombe. Elle peut se blesser, mais elle a ce qu’on appelle les convulsions généralisées. La plupart du temps, tout le corps bouge pendant quelques minutes et la personne se réveille. Elle ne se rappelle pas qu’elle a fait une crise. Elle se rend compte que quelque chose ne va pas parce qu’elle voit des gens autour d’elle et, il y a soit la morsure de la langue, soit une blessure, en général. L’épileptique fait ses crises de façon régulière, tant qu’il n’est pas traité. Par contre, l’hystérie est totalement différente.

S. : Quels sont les facteurs qui favorisent la crise hystérique ?

J.G.O. : La crise hystérique est généralement la manifestation de la réaction à une situation, disons conflictuelle, par une personne qui a des difficultés avec sa personnalité. Nous appelons cela des personnalités névrotiques. Si vous allez chez Freud, vous verrez qu’il y a plusieurs étapes de l’évolution de l’enfant. Nous avons la phase orale où l’enfant dépend de sa maman, la phase anale où naissance de la personnalité et la phase œdipienne ou phase sexuelle et c’est là où justement les personnalités hystériques se constituent. Chaque enfant a, selon la théorie de Freud, un désir sexuel du parent du sexe opposé. C’est ce que la mère fait qu’elle imite. S’il se trouve que dans la famille, les relations sont assez mauvaises ou bien s’il y a une espèce de mal organisation de la famille, il va y avoir un petit nœud à ce niveau-là sur la conscience de l’enfant. C’est une phase où les enfants sont très sensibles, très observateurs. C’est une phase où les enfants vont développer ce qu’on appelle le charme. Si l’enfant passe mal cette étape, il va avoir ce qu’on appelle des fixations et plus tard, il y aura un retour à cette étape. Ce qui fait que ceux qui ont eu leurs difficultés à la phase orale passent tout leur temps à manger quand ils ont des problèmes.

S. : Vu que la crise se manifeste de façon spectaculaire, peut-on l’assimiler à la folie du simulacre ?

J.G.O. : L’hystérique ne fait pas exprès, il faut que les gens le sachent. Il ne faut pas se mettre à tabasser les enfants parce qu’on pense qu’ils font exprès ou se mettre à se moquer d’eux. Comment ça se passe généralement ? Une fille a de mauvaises notes ou n’est pas d’accord avec l’enseignant, en tout cas, il y a un point de conflit ou une grande déception, un échec à un examen ou l’approche des examens et on a peur. Souvent, c’est l’anxiété qui est à la base de l’hystérie. Dès qu’il y a ces points de conflits, elle fait des crises. Quand elle fait sa crise, il y a une espèce d’attraction sur les autres filles adolescentes ; et vous savez que l’adolescent imite beaucoup. Il est très facile pour une fille de faire une crise hystérique quand sa copine est en train d’en faire. Le choix de comportement et de réaction n’est pas encore tout à fait consolidé à l’étape de l’adolescence. C’est pour cela que ça arrive à cet âge.

S. : Ce qui se passe dans les lycées n’affecte que les filles. Y a-t-il une raison en cela ? Peut-on s’attendre à une répercussion sur les garçons ?

J.G.O. : L’hystérie atteint généralement les filles. Dans les différentes écoles, c’est le comportement d’une ou deux personnes qui rejaillit sur les autres. Et c’est dû à l’organisation psychique de chaque individu qui a cette tendance à imiter l’autre. L’hystérie des garçons est différente. Ils font très peu de crise, mais ils ont des comportements hystériformes. Il s’agit des garçons qui sont habillés de façon voyante, qui veulent se faire voir par tout le monde. Ils sont un peu partout. Ils ont des comportements hystériques, mais d’une autre forme que celles que l’on connaît chez les filles.

S. : Il est revenu que les différents examens sur les filles victimes n’ont rien relevé d’anormal, qu’est-ce qui justifie cela ?

J.G.O. : Quand vous faites des analyses, par exemple, sur l’eau que les enfants boivent, vous ne trouverez rien. Ce n’est pas toxique. Vous faites également un examen physique, médical, vous ne trouverez rien. Vous faites des prélèvements, vous ne trouverez rien. Mais au plan mental, les conclusions des psychiatres qui ont été sur le terrain ont montré qu’il s’agissait effectivement de personnalités tout à fait névrotiques. Ce sont de jeunes filles immatures qui, face à certaines situations, développent ces crises.

S. : Qu’est-ce qu’une personnalité névrotique ?

JGO : Une personnalité névrotique est une personnalité qui ne se sent pas tout à fait à l’aise dans toutes les situations. C’est une personnalité qui est constituée, dans sa vie, d’une sédimentation d’évènements qu’elle n’a pas pu gérer depuis l’enfance. Donc, elle n’est jamais à l’aise devant les différentes situations de sa vie. Vous avez plusieurs personnalités de type hystérique, du moins des personnalités névrotiques. Vous avez les névroses hystériques, les névroses obsessionnelles. Ce sont des gens qui ne peuvent pas, par exemple, traverser la foule, des gens qui ne peuvent pas s’exprimer en public et vous avez ce qu’on appelle la névrose d’angoisse généralisée. Tout ceci a une racine. La racine, c’est que dans l’évolution, il y a eu un problème pendant la phase de constitution de la personnalité de l’enfant, la phase œdipienne.

S. : Ces crises ont-elles une incidence, à long terme, sur les filles ?

J.G.O. : Non ! Si c’est une crise hystérique qui est vraiment installée, ça va continuer jusqu’à ce que, petit à petit, les expériences de la vie viennent résoudre, d’elles-mêmes, les problèmes. Il n’y a pas de médicaments. Il y a simplement une vie progressive avec des expériences qui vont venir corriger la personnalité qui a problème. Par contre, il n’y a pas de conséquences, plus tard, sur les autres enfants qui font les crises quand les hystériques font la leur.

S. : Quel comportement préconisez-vous aux acteurs de l’enseignement ?

J.G.O. : Il faut faire attention à la première fille qui fait sa crise hystérique. Si elle le fait en classe, il faut faire sortir les autres élèves. Il faut rester avec elles dans une atmosphère calme. L’enseignant peut gérer calmement ces choses-là. Vous essayez de parler, de demander ce qui ne va pas, si ce matin elle a eu des difficultés à la maison ou si c’est ce qu’on vient de dire en classe qui l’a choquée, etc. La crise va passer. Et maintenant, vous faites rentrer les autres, vous leur expliquez que sa crise n’est pas très grave, c’est quelque chose qui arrive et peut arriver à tout le monde. Là, on bloque la succession de crises. Mais si vous laissez tous les élèves dedans, une commence, toutes celles qui ont des personnalités fragiles vont le faire, puisque c’est des choses spectaculaires.

S. : Quel rôle pensez vous que puisse jouer l’Etat pour freiner la crise, vu qu’elle persiste dans les provinces ?

J.G.O. : Je pense qu’il faut peut-être former les enseignants et leur expliquer que ce n’est pas quelque chose de très dangereux. L’Etat devrait pouvoir développer des attitudes simples pour les enseignants qui pourront gérer la crise et prévenir son extension. La deuxième chose que l’Etat pourrait faire, c’est de revoir avec le ministère chargé de l’Education ou le ministère chargé de l’Action sociale et autres, pour réformer l’éducation des enfants. Vous savez, il n’y a pas seulement que l’hystérie, vous avez des enfants qui prennent la drogue, pourquoi ? Pourquoi y a-t-il de plus en plus de drogués dans nos établissements ? Les adolescents sont perdus. Il n’y a pas d’images positives réelles pour les adolescents, auxquelles ils doivent s’attacher, parce que pour que l’adolescent avance, pour qu’il progresse, pour qu’il consolide sa personnalité, il lui faut des modèles. Avec les Technologies de l’information et de la communication (TIC) et autres, les enfants ont accès à des informations qu’ils n’arrivent pas à maîtriser et à gérer. Dans ces conditions, où faut-il apprendre à gérer ces informations ? C’est en famille, l’école ne peut rien. Par exemple, pour ceux qui peuvent, les enfants ont l’ordinateur, la télé dans la chambre. Ils ont accès à Internet dans la chambre. Aucun parent ne vérifie ce qu’ils regardent.

S. : Pensez-vous que les emplacements des établissements sont hantés ?

J.G.O. : Ce sont des histoires. Si on analyse, Ouagadougou avait plein d’endroits hantés. Le respect des morts n’a rien à voir avec les endroits hantés. Je ne crois pas aux histoires d’écoles hantées. Je trouve que cela effraie les enseignants et les enfants pour rien. Si vous allez voir l’interprétation culturelle, c’est normal, car la tradition veut qu’il y ait des endroits hantés. Il y a des malades qu’on nous envoie ici, on nous dit qu’ils ont traversé un endroit hanté. Pourtant, c’est tout simplement lié à l’interprétation de la maladie, qui amène certains à faire penser qu’il y a des « kinkirsis » là-bas.

Entretien réalisé par Adéola Waliou ADEGUEROU

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