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Diendéré poursuivi pour crime contre l’humanité : « pas besoin d’aller à la CPI » (Colonel Sita Sangaré, Directeur de la justice militaire)
Publié le dimanche 18 octobre 2015  |  L`Observateur Paalga
Colonel
© Autre presse par DR
Colonel Sita Sangaré, Président de la FBF .




Rarement la justice burkinabè aura fait preuve d’autant de célérité dans l’instruction d’un dossier. Un mois après le coup d’Etat perpétré par le général Gilbert Diendéré, le glaive est déjà prêt à frapper très fort. En effet, le vendredi dernier, le directeur de la justice militaire, le colonel Sita Sangaré, a annoncé au cours d’une conférence de presse que 23 personnes ont déjà été formellement inculpées dans l’affaire du putsch avorté et une cinquantaine d’autres entendues en qualité de témoins ou parties civiles. Sans grande surprise, la palme des griefs revient au général Gilbert Diendéré qui cumule, à lui seul, 11 chefs d’accusation dont celui très grave de crime contre l’humanité. Selon le colonel Sita Sangaré, le directeur frais «émoulu» de la justice militaire que nous avons approché pour préciser certains points le samedi 17 octobre 2015 dans ses bureaux, il n’est pas nécessaire de déférer cette infraction aussi gravissime que particulière à la Cour pénale internationale (CPI) vu que les juridictions nationales peuvent garantir un procès équitable à toutes les parties.

11 chefs d’accusation ont été retenus contre le Général Diendéré dont celui de crime contre l’humanité. Sur quel fondement légal repose un tel grief ?

Aux termes de la loi n°052/2009/AN du 03/12/2009 portant détermination des compétences et de la procédure de mise en œuvre du Statut de Rome relatif à la CPI (Cour pénale internationale) par les juridictions burkinabè, le crime contre l’humanité (1) est défini par un certain nombre de critères. Je pense que le juge d’instruction a fait application d’un de ces critères. L’article 7 stipule notamment que constitue un crime contre l’humanité au sens de la présente loi, l’un quelconque des actes ci-après lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée. Et parmi les éléments énumérés, il y a meurtre systématique sur la population. Selon le bilan officiel, on a dénombré 14 morts et très clairement la loi indique ce point. C’est en application de cette disposition légale que le général Diendéré est poursuivi pour ce chef d’accusation au vu des actes qui ont été commis par les éléments du RSP qui étaient déployés sur le terrain, lui étant le chef de la structure appelée CND au nom de laquelle les éléments du RSP sont descendus dans les rues.

Dès qu’on parle de crime contre l’humanité, beaucoup voient immédiatement la Cour pénale internationale (CPI)…

La loi 052/2009/AN du 3/12/2009 évoque précisément ce sujet, c'est-à-dire la mise en œuvre du Traité de Rome qui est très explicite sur la question. La CPI ne se saisit que lorsque l’Etat-partie au Traité néglige ou est incapable de mettre en œuvre le contenu du Traité. En clair, si nos juridictions ne se saisissaient pas du dossier, alors la CPI pouvait s’en saisir. C’est ce que l’on appelle le principe de la subsidiarité. Dans le cas d’espèce, nos juridictions se sont pleinement saisies du dossier et elles ont la capacité de garantir un jugement équitable ; donc il n’est pas nécessaire de déférer cette infraction particulière à la connaissance de la CPI.

Y aurait-il un quantum de victimes qui déterminerait ce chef d’accusation ?

Non, il n’y a pas de quantum prévu. Au-delà de l’infraction de crime contre l’humanité, il y a une infraction spécifique qui est l’acte de terrorisme (2) qui est également reproché au Général Diendéré. Lors des malheureux événements, il y avait quand même des agressions généralisées sur la population. On aurait pu enregistrer plus de morts que ça mais fort heureusement on n’en a compté que 14. Mais 14 morts c’est déjà trop. La loi n’a pas fixé de quantum, mais c’est la cruauté et la finalité visée qui requièrent l’attention de la loi. Et c’est pour tout cela que cette infraction a été aussi retenue contre le général Gilbert Diendéré.

Comme une équipe de football, ce sont au total 23 personnes qui ont été mises en examen, qui sont-elles en dehors des têtes d’affiche ?

Ce n’est pas confidentiel. De toutes les façons, toutes les personnes qui sont détenues reçoivent, conformément à la loi, des visites de leurs proches sur délivrance d’un permis de communiquer accordé par le juge d’instruction.

Ce n’est pas que nous voulons cacher ces personnes, mais nous devons aussi préserver leur dignité et ce nombre est appelé à augmenter. Depuis la conférence de presse, ce nombre (NDLR le 16, interview réalisée le 17 octobre) a du reste évolué. Nous sommes actuellement à 28 inculpations parce que le magistrat instructeur continue de faire son travail et on ne saurait présumer de ce qui peut arriver demain. Je ne crois pas que la révélation des identités des personnes mises en accusation soit nécessaire maintenant d’autant plus que leurs familles ont été dûment informées. En outre, il ne faut jamais perdre de vue le principe de la présomption d’innocence. On ne doit pas non plus livrer des gens à la vindicte populaire. Il se pourrait aussi que le juge d’instruction arrive à une conséquence de non-lieu pour ces personnes mises en cause. Par ailleurs, je tiens à rappeler que la détention préventive n’est qu’une mesure de sûreté qui peut être levée à tout moment. La loi autorise chaque personne détenue à tout moment de la procédure, à demander une mise en liberté provisoire. C'est-à-dire que l’intéressé peut se retrouver en liberté pendant que la procédure suit son cours. Aussi le juge, à la fin de son instruction, peut décider d’un non-lieu. Il faut également savoir que devant la chambre d’accusation que nous, nous appelons chambre de contrôle de l’instruction, le juge peut ordonner une mise en liberté pour ces personnes tout comme certaines peuvent être aussi libérées à la phase finale du jugement. Si on commence déjà à donner leur nom, l’opinion, même avant leur condamnation, peut les considérer comme coupables des scènes déplorables auxquelles nous avons assisté.

Fatou, l’épouse du général Gilbert Diendéré, a aussi été inculpée dans cette affaire de putsch ; qu’est-ce qui lui est exactement reproché ?

Fatou Diendéré est effectivement poursuivie pour des faits en relation avec les malheureux événements ; je crois qu’elle est accusée pour complicité d’atteinte à la sûreté de l’Etat. C’est tout ce que je puis vous dire pour le moment.

C’est un secret de polichinelle, Fatou Diendéré est hors du pays ; peut-on s’attendre à une demande d’extradition ?

Elle fait l’objet d’un mandat d’arrêt international. Et je n’en dirai pas plus.

Votre prédécesseur à la Direction de la justice militaire, le colonel Sidi Paré est réputé être la taupe des putschistes ; quels sont les griefs retenus contre lui ?

Permettez-moi de ne pas me prononcer sur ce sujet parce que c’est un dossier qui est en instruction.

Tout comme celui de Fatou Diendéré sur lequel vous avez pourtant dit plus d’un mot

J’espère seulement que vous me comprendrez.

Une commission d’enquêtes sur le putsch a été mise en place parallèlement à l’instruction qui est en cours. Vous ne risquez pas finalement de vous marcher sur les pieds ?

Non pas du tout. Nous avons déjà rencontré la Commission qui, faut-il le rappeler, est une structure administrative alors que le Tribunal militaire est une instance juridictionnelle. Vu comme ça aucune interférence n’est possible. La commission d’enquête sur les événements du 16 septembre est une structure mise en place par l’autorité pour lui permettre de prendre des mesures et, à ce titre, elle va certainement auditionner les victimes et essayer de comprendre ce qui s’est passé. Ce qui s’est passé entre aussi dans les attributions du tribunal militaire et il n’y a aucune gêne en cela. Nous sommes deux instances différentes même s’il se pourrait que les conclusions de la Commission d’enquête servent de renseignements au juge d’instruction.

L’indépendance du pouvoir judiciaire ne serait-elle pas alors menacée ou remise en cause dans ce cas ?

Pas du tout ! Cela ne peut nullement remettre en cause l’indépendance de la justice. Rappelez-vous qu’en son temps, une commission d’enquête avait été instituée pour se pencher sur le meurtre de votre confrère Norbert Zongo. Ailleurs on parle même de commissions d’enquêtes parlementaires. Le pouvoir judiciaire a ses structures d’investigation, le pouvoir législatif aussi et l’exécutif a également le droit d’avoir ses structures d’investigation. Cela ne remet pas pour autant en cause le principe de la séparation des pouvoirs.

Malgré tout, les conclusions des travaux de cette commission ne risquent-elles pas de lier le juge ou tout au moins de l’influencer ?

La loi est formelle sur ce point. Ce genre d’enquêtes ne peuvent être que de simples renseignements pour le juge. En aucun cas elles ne le lient. Cependant, il appartient au juge de faire la part des choses. S’il y a des éléments importants dans les conclusions, le juge peut les prendre en compte mais les recommandations de cette commission ne sauraient lier que le gouvernement qui l’a mandatée. S’il y a des informations ou des éléments importants dans les conclusions, le juge peut les prendre en compte sans que cela soit des injonctions.



Mon colonel avec tous ces dossiers brûlants auriez-vous encore le temps de porter votre second «béret», celui de président de la Fédération burkinabè de football (FBF) ?



Vous savez, depuis fin décembre 2008, j’étais commissaire du gouvernement près le Tribunal militaire avec des tâches très très absorbantes parce que c’est l’autorité de poursuite. Dans un tribunal militaire, le commissaire du gouvernement est l’équivalent du procureur et ce n’était pas du tout une tâche aisée. La Fédération de football c’est du bénévolat ; il s’agit de consacrer une partie de son temps pour une cause donnée. Vue comme cela, il n’y a pas de hiatus possible. C’est une question d’organisation et j’apprécierai au regard de la tâche mais je veux juste rappeler que depuis fin 2008, je suis habitué à ce rythme de travail et du reste je ne connais pas de président de fédération qui s’occupe exclusivement de cette fonction. Ce n’est pas un poste professionnalisant et les présidents de fédération d’une manière ou d’une autre sont appelés à faire carrière dans leurs domaines respectifs. Dans l’esprit du bénévolat, si vous estimez que votre temps vous le permet, vous vous engagez ; dans le cas contraire, il vous appartient aussi de faire la part des choses.

Du crime contre l’humanité

Le Burkina Faso est Etat-partie au Statut de Rome depuis le 16 avril 2004. L’article 7 dudit Statut définit comme suit les crimes contre l’humanité : «Aux fins du présent Statut, on entend par crime contre l’humanité l’un quelconque des actes ci-après (meurtre, extermination, réduction en esclavage, déportation forcée, viol, génocide…) lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque »

(2) Des actes de terrorisme

La Loi N°060-2009/AN stipule que les infractions suivantes constituent des actes de terrorisme lorsque, par leur nature ou leur contexte, ces actes visent à intimider ou à terroriser une population ou à contraindre un Etat ou une organisation internationale, à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque :

- les infractions contre l’aviation civile, les navires et les plates-formes fixes, les moyens de transport collectif ;

- les infractions contre les personnes jouissant d’une protection internationale y compris les agents diplomatiques;

- la prise d’otage ;

- l’attentat à l’explosif ;

- les infractions en matière nucléaire ;

- l’association de malfaiteurs.



Jean Stéphane Ouédraogo
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