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Procès fraude aux concours de la fonction publique: Le verdict renvoyé au 23 octobre
Publié le mardi 13 octobre 2015  |  L`Observateur Paalga
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© aOuaga.com par A.O
Affaire OBOUF : le procès renvoyé au 27 mars
Mardi 24 mars 2015. Ouagadougou. Palais de justice. La première audience du procès de l`affaire OBOUF a été renvoyée au 27 mars prochain à la demande des avocats de l`opérateur économique




Un an de prison ferme et un million de francs CFA d’amende ; c’est la peine maximale prévue par la loi qu’a requise le procureur du Faso contre chacun des 23 présumés fraudeurs aux concours directs d’entrée à la fonction publique session 2015. Après plus de huit heures d’audience du tribunal correctionnel de Ouagadougou le vendredi 9 octobre 2015, le délibéré de ce procès a été renvoyé au 23 octobre prochain.

Douane cycle B, Enaref cycle B et C, Assistants des affaires économiques, Agents techniques d’élevage, Agents itinérants de santé (AIS). Ce sont les concours concernés par la fraude lors du processus de recrutement de fonctionnaires en août 2015. Les enquêtes ont permis d’arrêter 23 personnes qui ont été présentées au procureur du Faso avant d’être renvoyées devant la chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour jugement. Programmé une première fois pour mi-septembre, ce procès n’avait pu se tenir à cause du putsch manqué du général Gilbert Diendéré. Le dossier a été finalement inscrit au rôle d’audience du 9 octobre 2015 du tribunal correctionnel de Ouagadougou.

Comme il fallait s’y attendre, ils étaient nombreux, surtout les jeunes, à assister à ce procès des 23 présumés fraudeurs aux concours directs d’entrée à la fonction publique session 2015. Un procès qui a pris un aspect particulier avec la présence parmi les prévenus du directeur de la télévision nationale, Ouézin Louis Oulon.

Pour entrer dans la salle d’audience, il fallait montrer patte blanche en se laissant fouiller par les Gardes de sécurité pénitentiaire (GSP). Très rapidement, la salle est pleine ; alors, les gens se massent dans le hall. Problème, aucune sonorisation n’est prévue. Si déjà ceux qui sont dans la salle ont du mal à entendre et suivre les débats, autant dire que dehors ce n’est même pas la peine de tendre l’oreille…

C’est dans ces conditions acoustiques difficiles que s’est ouvert le procès des 23 présumés fraudeurs aux concours directs d’entrée à la fonction publique. La situation va s’améliorer quand, une heure après le début de l’audience, un technicien du son est passé régler le problème de sonorisation au grand bonheur de tout le monde.

A l’entame de l’audience, comme il fallait s’y attendre, les avocats des prévenus ont tenté d’annuler toute la procédure, en soulevant une exception de nullité. Pour eux, ce procès est bâti selon la procédure du flagrant délit qui impose un jugement immédiat des prévenus. Comme ça n’a pas été le cas, les conseils des prévenus ont simplement demandé la nullité de cette procédure de flagrant délit car son effet ne peut pas courir jusqu’à ce jour, soit plus d’un mois après l’arrestation des prévenus. Et pour montrer qu’ils ont le droit avec eux, les avocats ont produit deux jurisprudences burkinabè où les tribunaux de Diapaga et de Manga avaient annulé des procédures qui ne respectaient pas les délais prescrits par la procédure de flagrant délit.

Pour sa part, le parquet a déclaré : «On est soucieux de tout cela mais le dossier doit être jugé». Le ministère public a expliqué qu’il y a les textes et la réalité sur le terrain qui fait que parfois on ne peut respecter les prescriptions légales, ou alors il faudrait augmenter le nombre de salle d’audience pour que tous les dossiers soient enrôlés et jugés à bonne date.

Interpellant le président du tribunal, le procureur du Faso a martelé : «Si vous ne voulez pas juger, confiez-nous nos prévenus pour qu’on puisse refaire un dossier à leur encontre». A bien réfléchir, il s’agit là d’une demande malicieuse et pernicieuse car si le tribunal y accède, les prévenus pourraient prolonger durablement leur séjour en détention le temps que la nouvelle procédure soit prête et enrôlée…



«J’ai remis 3 millions en cash à monsieur Tou»



Après s’être retiré pour délibérer sur cette exception portant sur la nullité de la procédure, le tribunal a rejeté la requête des avocats. Place donc au procès proprement dit.

Le premier prévenu appelé à la barre est Issouf Tou, le directeur du cabinet chargé de la conception des épreuves des différents concours de la fonction publique. Il a expliqué que depuis l’an 2000, c’est son cabinet qui conçoit tous les sujets des concours de la fonction publique, soit depuis 15 ans. Issouf Tou a soutenu que son cabinet n’a jamais été incriminé dans une affaire de fraude.

Concernant cette affaire de fraude pour laquelle il comparaît, le directeur du cabinet a reconnu avoir été sollicité mais, a-t-il déclaré, «j’ai refusé». Il a en effet été sollicité, en vain, par Seydou Compaoré un contrôleur des impôts. N’en démordant pas, ce dernier lui a envoyé sa financée Evelyne Guébré, une élève assistante des douanes, pour le convaincre. Cette visite a fait mouche, puisque finalement Issouf Tou a transmis des sujets à Seydou Compaoré. Selon lui, il a payé un million par concours. «J’ai remis 3 millions en cash à monsieur Tou. Vous savez, monsieur le président, qu’il n’y a pas de crédit dans pareille affaire». Réponse du président du tribunal Seydou Soulama : «ah non, je n’en sais rien».

Compaoré a expliqué avoir eu les sujets en deux vagues, une première fois, c’était vers la Patte d’oie et une seconde fois une nuit près d’un cimetière : «Monsieur Tou m’a dit qu’il m’attendait au milieu du cimetière. Quand je suis arrivé au cimetière, je ne le voyais pas. Je l’ai appelé, il m’a dit d’avancer jusqu’au milieu du cimetière. Il m’a remis les sujets et m’a indiqué chez lui».

Altruiste, Seydou Compaoré a confessé avoir transmis à son tour les sujets et leurs corrigés à ses frères et à certains de ces amis. Comme une tache d’huile, le pétrole (la fraude) va s’étendre progressivement jusqu’à parvenir à Seydou Birba, promoteur et patron de plusieurs centres de formation et de préparation aux concours de la fonction publique. Selon Birba, il a acheté les sujets à coups de millions. Par exemple, il acheté les sujets du cycle B de l’Enaref à 2,5 millions FCFA et ceux du cycle C à 1,5 millions. Il a déclaré avoir reçu gratuitement les épreuves de 4 autres concours. Son fournisseur était Ousmane Ouédraogo, un contrôleur du Trésor.

C’est Seydou Birba qui a chargé le directeur de la télévision nationale, dans cette histoire sordide de fraude. Il a déclaré à la barre qu’il a eu à rencontrer Ouézin Louis Oulon dans sa voiture près de l’ambassade du Ghana. «Oulon m’a dit que si j’ai des sujets, je peux l’aider car il a trois personnes qui passent des concours. Je lui ai dit que c’est un million par personne. Il m’a dit que donc lui il me doit 3 millions. Finalement on a discuté et je lui ai fait un forfait de 1 million qu’il devait de payer. Quand je le quittais, il m’a donné 10 mille francs pour mon carburant. On s’est revu dans son bureau à la télé le 3 août et il m’a fait un chèque de 100 mille francs pour mon carburant. La veille du concours, je suis allé chez lui et j’ai administré les sujets à ses trois protégés jusqu’à 4 heures du matin. Pour aller chez lui, il m’a dit que si j’arrive au Lido bar de l’appeler et c’est ce que j’ai fait». Mais il semble que des erreurs étaient contenues dans les corrigés puisque certaines réponses ne concordaient pas avec les épreuves administrées le jour du concours. Alors pour se rattraper, Birba aurait pris contact avec Oulon pour lui proposer le sujet d’un autre concours. Selon Seydou Birba, «Oulon m’a demandé si c’était de la bonne graine ?»



Tout a commencé le 28 octobre 2014 à la place de la Révolution



Sans fioriture, Ouézin Louis Oulon a rejeté les déclarations de Birba. Pour le directeur de la télévision nationale, c’est fortuitement qu’il a rencontré Birba lors un événement social. «On me l’a présenté comme quelqu’un qui a un centre de formation et de préparation aux concours. Comme j’ai des neveux à la maison et qui souhaitent passer des concours, j’ai pris le contact de Birba. Mais c’était pour la formation de mes protégés. Quand après je l’ai contacté, il m’a dit que leur formation allait me coûter 150 mille francs. Mais on s’est accordé sur 100 mille et c’est du reste le montant du chèque que j’ai émis à son nom. Donc c’est faux et archi-faux tout ce que dit Birba. Le 23 avril 2015, il est venu me voir à la télé. En mai 2015, on s’est rencontré pour les formalités (modalités) de la formation. Le 11 juillet, j’ai fait le paiement de 100 mille mais il ne pouvait toucher le chèque que le 3 août. Je ne peux pas lui donner 100 mille francs de carburant alors que ma dotation personnelle au service ne vaut pas ce montant. Avec Birba, on avait une relation de clients cherchant à former ces frères pour les concours de la fonction publique».

En réalité, toute cette histoire de fraude a commencé en 2014, plus précisément le 28 octobre à la place de la Révolution à Ouagadougou, lors de la marche de l’opposition contre la modification de l’article 37 de la Constitution. Ce jour-là, Seydou Compaoré et son ami et promotionnaire Ousmane Ouédraogo sont sur le théâtre des manifestations et discutent des concours de la fonction publique. Et c’est là qu’ils voient Issouf Tou passer. Ousmane informe son ami Compaoré que c’est Tou qui conçoit les épreuves des concours de la fonction publique. Etonnement de Compaoré qui connaissait Tou, mais n’avait jamais su cela. Alors il s’exclame : «Dja, moi je dors avec un cadavre et quelqu’un d’autre va venir le pleurer avant moi !»

Finalement, on le sait et il l’a confessé au tribunal, une fois qu’il a eu les sujets, Seydou Compaoré en donne à son ami Ousmane. Les sujets en main, Ousmane fait à son tour des copies pour son ami Birba, patron des centres formation et de préparation aux concours de la fonction publique, contre la somme de 3,5 millions. C’est au niveau de Birba que les sujets vont abondamment circuler, remis gracieusement ou contre espèces sonnantes et trébuchantes à des tiers.

Ouvrant le bal des plaidoiries à 17 heures, l’agent judiciaire du Trésor a insisté sur le rôle de Issouf Tou et de Seydou Birba, deux personnes qu’il faut condamner selon lui. Mais estimant que la puissance publique n’a rien perdu matériellement dans cette fraude, l’agent judiciaire du Trésor a annoncé que l’Etat ne se constituait pas partie civile et donc ne réclame rien comme dommages et intérêts.

Dans ses réquisitions, le procureur a soutenu que c’est par Issouf Tou que tout est arrivé. Le ministère public a insisté sur le rôle de Evelyne Guébré dans l’attendrissement de Tou afin qu’il accepte de livrer les sujets à son financé Compaoré. Concernant les «petits Oulon», le parquet a déclaré qu’ils ont réfuté les faits même s’ils ont été réveillés tard dans la nuit pour être formés la veille du concours. Ouézin Louis Oulon, comme on le sait, est poursuivi de complicité de fraude pour avoir aidé ses protégés à avoir les épreuves. Pour le procureur, «l’investissement physique et moral de Oulon nous convainc qu’il a eu une connexion frauduleuse avec Birba». Considérant l’ensemble du dossier, le parquet a déclaré que les infractions sont fondées contre les prévenus et a demandé qu’il plaise au tribunal de les reconnaître tous coupables et de condamner en répression chacun des prévenus à la peine maximale : un an de prison ferme et un million d’amende. Le procureur a regretté la clémence du législateur car les peines prévues dans le code sont très légères selon lui.


«Birba est devenu Jésus dans ce dossier»


Ouézin Louis Oulon s’était attaché les services de cinq avocats ; on peut en citer Me Halidou Ouédraogo, le bâtonnier Mamadou Savadogo et Me Batibié Benao. Ils ont soutenu que leur client n’a rien commis comme acte répréhensible car ayant «simplement inscrit ses protégés à un centre de formation. En conséquence, il doit être relaxé car n’étant pas concerné par la fraude».

Les conseils de Oulon ont expliqué que les destinataires finaux du produit de la fraude ne sont pas punissables car ils ne font que recevoir. Ils ont argumenté que juridiquement, «la réception des sujets ne constitue pas une faute ; alors celui qui les reçoit ne peut être poursuivi». Pour les avocats de Oulon, «Birba est devenu Jésus dans ce dossier et tout ce qu’il dit est parole d’évangile». Ils ont mis un accent sur les qualités professionnelles de leur client, plusieurs fois lauréat des prix Galian. Les avocats ont donc invité le tribunal à ne dire rien que le droit sans tenir compte des états d’âme de l’opinion car «le tribunal n’est pas une juridiction d’appel de l’opinion publique».

Les avocats des autres prévenus se sont engouffrés dans cette même brèche des articles 308 et 311 du code pénal en indiquant que nulle part, la loi ne cite celui qui reçoit les sujets comme un fraudeur ou un complice du fraudeur. C’est pour cela qu’ils ont rejeté l’argumentaire du parquet qui parlait de sanctionner les vendeurs et les acheteurs.

Pour l’avocat de Issouf Tou, la fraude ne se décrète pas, il fallait dans le dossier les spécimens des sujets remis par Tou pour les comparer à ceux réellement administrés lors des concours. La conviction de l’avocat est que certains ont voulu se faire de l’argent en faisant croire qu’ils détenaient les vrais sujets des concours et pour preuve : «il y a eu des plaintes car les sujets et les réponses ne correspondaient pas, et c’est la preuve que Tou n’a rien fait».

Avocat de Compaoré et de sa financée Guebré, Me Julien Lalogo a insisté sur le fait que son client Compaoré n’a jamais reçu un franc dans cette fraude et c’est pourquoi le tribunal doit avoir la main légère contre lui. C’est la même plaidoirie développée par Me Mamadou Sombié qui a sollicité le sursis pour Compaoré et sa financée car ils ont assumé leur acte et imploré le pardon.

Me Odilon Gouba, défendant Ousmane Ouédraogo a déploré la vacuité du dossier qui a fait que ce procès a tiré en longueur. Pour lui, «on ne peut pas parler de fraude quand les sujets ne correspondent pas à ceux qui ont été administrés. Le faire, ce serait comme si on veut faire avorter une femme qui n’est pas enceinte ; ce qui est impossible». Comme Me Sombié, Me Gouba a aussi déclaré que dans ce dossier, on est exactement dans le cas de figure d’une «infraction impossible».

Avant la clôture des débats, les prévenus ont, à tour de rôle, demandé pardon et sollicité la clémence du tribunal. Ce moment a été l’occasion pour Ouézin Louis Oulon de réaffirmé sa probité et de redorer son blason : «Je réaffirme ce que je suis. Je n’ai pas changé d’un iota».

Il était 21 heures passé lorsque Seydou Soulama, le président du tribunal, a levé l’audience tout en renvoyant le délibéré au vendredi 23 octobre 2015.

San Evariste Barro
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