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Mendicité de mères de jumeaux : tradition ou fonds de commerce?
Publié le mardi 13 octobre 2015  |  Sidwaya




A Bobo-Dioulasso, il y a des femmes assises avec des jumeaux, aux abords de certaines voies, pour mendier. Nombreuses parmi elles disent faire cela, conformément à la prescription de la coutume. Pour d’autres, c’est un moyen pour subvenir aux besoins de la famille.

A proximité de la Chambre de commerce et d’industrie de Bobo-Dioulasso, deux femmes sont assises non loin du feu tricolore. Elles ont à leurs côtés quatre enfants. Devant elles, il y a deux bols. A chaque fois que le feu est rouge, les deux femmes s’approchent des passants arrêtés, pour dire : « Flani baw fora » en langue dioula, qui veut dire « les jumeaux vous saluent ». Certains passants leur font don de quelques pièces de monnaie, d’autres des offrandes. Il y a aussi ceux qui restent indifférents et ne donnent rien. Djénéba Sanou, mère de jumelles, explique son cas : « Je ne mendiais pas. Mais peu de temps après leur naissance, les enfants avaient des problèmes de santé. C’est suite à cela qu’on m’a dit de sortir mendier. Et depuis que je suis sortie avec elles, les ennuis de santé se font rares. Mon époux est au courant de ce que je fais, mais vu nos conditions précaires, il ne s’en plaint pas. Nous sentons de la compassion à travers les regards de ceux qui nous viennent en aide », confie-t-elle. Le cas de Salmata Kani est tout autre, même si le dénominateur commun reste le manque de ressources financières : « A la naissance des enfants, je ne pouvais pas leur donner mon lait, et je n’avais pas les moyens pour en acheter pour eux. C’est la raison pour laquelle je suis sortie mendier », dit-elle. C’est donc par nécessité qu’elle se livre à la mendicité. « J’arrive à peine à nourrir mes enfants. Leur père a quitté la maison depuis qu’ils ont un mois », ajoute-t-elle. Les enfants ont plus d’un an, mais leur mère n’a toujours pas les nouvelles du père. « Ma famille est informée, mais ne peut rien faire, vu qu’elle-même a des difficultés financières », affirme Salmata Kani. Outre ces femmes, il y en a un bon nombre d’autres qui sillonnent la cité de Sya, à la recherche de leur pitance. Tel est le cas de Kadidia Koumaré, grand-mère de six enfants, tous jumeaux. «Leur mère a fait trois accouchements successifs de jumeaux. Venus de Côte d’Ivoire parce que leur père était malade, les trois paires de jumeaux vivent désormais avec moi», raconte-t-elle. Selon elle, ce sont les difficiles conditions de vie qui les obligent à sortir mendier, pour garantir leur ration quotidienne. « Si nous avions de l’aide, nous ne serions pas sortis dans les rues mendier. Ce n’est le souhait de personne de faire ce que nous faisons mais nous n’avons pas le choix», dit-elle.

La religion n’y est pour rien

Les Bobolais quant à eux, ont des points de vue divergents sur ce phénomène. « Nous n’aimons pas ce que nous voyons tous les jours avec ces femmes, mais nous ne savons pas quoi faire. Peut-être que l’Etat peut trouver une solution, s’il s’agit d’aide ou de sensibilisation », déclare Hamidou Saba, commerçant au grand marché de Bobo-Dioulasso. Pour lui « l’Islam dit que si une femme a des jumeaux, elle doit sortir avec eux sillonner la ville une journée, mais les gens ont dénaturé cette prescription, au point d’en faire une source de revenu. Il y a des jumeaux partout dans le monde, mais tous ne font pas cela », s’indigne-t-il. M. Saba est convaincu que ces femmes utilisent les enfants pour mendier et s’enrichir, sans le moindre effort. Cependant, l’imam du Cercle d’études, de recherche et de formation islamique (CERFI), El hadj Oumarou Moné, dément la version selon laquelle l’Islam cautionne la mendicité des jumeaux. «C’est un phénomène que nous rencontrons chaque jour. Certains accusent la religion, mais nulle part dans les textes, il n’est dit que quand une femme accouche des jumeaux, elle doit mendier. Il s’agit de pratiques traditionnelles que l’Islam est venu trouver et qui aujourd’hui, se répercute sur la religion », dit-il, avant d’ajouter : « Personnellement, nous n’acceptons pas ces pratiques, parce que l‘être humain a une dignité ». L’imam Moné a cité trois conditions qui peuvent amener à mendier : « Une personne fortement endettée peut mendier à un moment donné pour rembourser la dette, s’il n’y a pas d‘autre solution. Une personne atteinte d’un handicap physique ou d’une maladie qui ne lui permet pas de travailler. Enfin une personne atteinte d’une calamité ou d’une catastrophe ». L’imam dit avoir interpellé plusieurs fois des femmes pour leur interdire de sortir avec les enfants, eu égard aux maladies auxquelles elles s’exposent. « Je demande aux femmes de travailler toujours et de ne pas mendier, ça ne les honore pas », dit-il. Tout de même, des personnes comme Fatoumata Diarra, gérante de kiosque, pensent qu’il faut avoir de la compassion pour ces femmes. « Avec les difficultés quotidiennes que les femmes vivent dans les foyers ou dans la famille d’origine, ce n’est pas évident pour elles. Soit l’époux est absent, soit il est là, mais ne peut pas subvenir à leurs besoins. La vie n’est pas facile, mais s’il n’y a pas d’autres portes de sorties, elles préfèrent mendier que de mener des activités louches ». A la direction provinciale de l’Action sociale du Houet, le phénomène est connu. Le directeur provincial, Andama Nikiéma, dit avoir fait le constat, avec beaucoup d’amertume. «Au lieu de décroître, explique-t-il, le phénomène ne fait que prendre de l’ampleur. En ce qui nous concerne, nous menons des activités de sensibilisation et de plaidoyers à l’endroit des autorités et à l’endroit de ceux-là qui sont directement concernés. Nous leurs proposons des activités génératrices de revenues (AGR), mais la plupart du temps, ce que nous offrons à ces dames reste en-deçà de ce qu’elles gagnent dans la rue ». En outre, il a fait comprendre que l’Action sociale apporte des appuis ponctuels aux femmes démunies. « Ce sont des appuis ponctuels, des subventions qui ne dépassent guère 200 000 F CFA » a-t-il précisé. M. Nikiéma a fait savoir que ce type de soutien va connaître un changement. « Nous sommes en phase de quitter l’action sociale basée uniquement sur le don, vers une action sociale qui consiste à aider les principales cibles à réaliser leurs projets, à travers des prêts remboursables avec un intérêt raisonnable, et un accompagnement continu des agents de l’Action sociale », a expliqué le directeur provincial.

Nicole A.B. OUEDRAOGO
(Stagiaire)
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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