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Colonel Lona Charles Ouattara : «le RSP une unite d’élite ? c’est de la mystification»
Publié le mercredi 7 octobre 2015  |  L`Observateur Paalga
Colonel
© Autre presse par DR
Colonel Lona Charles Ouattara




Ancien instructeur militaire des généraux Gilbert Diendéré et Djibril Bassolé, le colonel à la retraite Lona Charles Ouattara, secrétaire national à la défense de l’UPC nous a accordé une interview le 5 octobre 2015. Il revient sur le parcours de ces deux officiers qu’il a connus il y a 36 ans et qui sont sous les feux de la rampe depuis le 17 septembre 2015. Dans cet entretien, il démystifie l’ancien RSP, considéré à tort selon lui comme une unité délite et regrette surtout le fait qu’il n’ait pu détecter la félonie de ces deux officiers lorsqu’ils étaient encore sous sa coupe à l’école militaire préparatoire.



Après le pilonnage du RSP, on n’a pas enregistré une seule victime. En tant que spécialiste des questions de défense comment cela est-il possible ?



Effectivement c’est une grande surprise pour beaucoup et pour moi-même. Si c’est vrai qu’il n’y a pas eu de mort, cela peut s’expliquer par le fait que les quelques éléments résiduels du RSP qui étaient encore au camp Naaba Koom avaient évacué les lieux avant les premières frappes.

Lorsqu’on a dit que le RSP dans sa globalité s’était rebellé, ce n’était probablement pas vrai que Gilbert, même dans son entêtement, aurait cantonné tous ses éléments dans le camp tout en sachant qu’une pluie d’obus pourrait y tomber d’un moment à l’autre. J’imagine que le RSP, dont la mission principale était la protection de Blaise Compaoré, dans ses plans s’était bien assuré que personne ne pouvait attaquer la présidence ou le camp à partir des différents points de la ville. Il avait positionné des unités à Yimdi, sur la route de Bobo, de Fada au Conseil de l’entente. Toutes les soutes à munitions étaient bien entendues des casernes qu’il fallait sécuriser. Ce qui explique le fait que l’effectif qui était toujours cantonné au camp Naaba-Koom n’était pas terrible. A cela il faut ajouter la détermination des troupes venues de l’intérieur du pays prêtes à en découdre définitivement avec eux.



Pourquoi émettez-vous des réserves sur le bilan de l’assaut fait par le premier responsable du pays ?



En tant que colonel à la retraite et spécialiste des questions de défense, je suis très surpris qu’une opération militaire de cette envergure n’ait pas fait de victime quand bien même j’en suis heureux. L’autre explication est que les irréductibles à l’intérieur du camp auraient peut-être refusé de se battre. Si effectivement ils ont déposé les armes et levé haut les mains pour sortir du camp, je ne vois aucune raison pour que les forces loyalistes tirent sur eux.

Ma réserve vient du fait que des obus ont été tirés sur le bastion du RSP. Mais vous savez, les obus, surtout quand il s’agit des 155 millimètres, ont un rayon d’action de 300 mètres. Ils balaient tout sur un rayon de 300 mètres, c’est clair. Mais ce qui est aussi surprenant c’est qu’on ne parle pas des difficultés que Diendéré a eues à l’intérieur du camp. Une partie de ses soldats qui étaient prêts à se rendre et qui auraient tout donné pour quitter les lieux et rejoindre l’armée régulière aurait été abattue par des escadrons de la mort qui étaient sur place. Il faudrait qu’on nous en dise un peu plus sur le sort des éléments devenus eux-mêmes les otages de leur propre régiment.

Je crois que la presse nationale comme internationale a certainement surestimé la force de frappe du RSP. Vous avez exagéré sur les capacités opérationnelles de ce régiment qui, certes, n’était pas ordinaire comme les autres même si Blaise Compaoré a contribué à faire installer dans l’esprit des populations que sa garde prétorienne était invincible comme celle de Saddam qui était même crainte par le Pentagone. Il en est de même dans l’histoire : toutes les gardes prétoriennes paraissent intouchables jusqu’à leur chute. Que représentent 1300 soldats même surentraînés devant 10 000 ou 15 000 hommes ?



L’équipement n’est-il pas aussi déterminant dans une confrontation de ce type ?



L’équipement a toujours été un facteur déterminant dans un conflit, je vous le concède. Mais les hommes et la motivation restent les éléments les plus déterminants dans une confrontation. Après tout, ce sont les hommes qui utilisent le matériel et non le contraire. On présente le RSP comme une troupe d’élite, c’est de la mystification, au mieux c’est un abus de langage. Une troupe d’élite se mesure uniquement à l’aune des missions opérationnelles qu’elle a déjà menées. C’est essentiellement le combat. Alors que cette unité a été spécialement montée de toutes pièces pour garder Blaise Compaoré et garder à domicile des personnalités politiques qui lui étaient proches. Du reste, jusqu’à sa dissolution nous n’avons jamais vu le RSP à l’œuvre sur un théâtre d’opération à l’étranger. C’était du pipeau. C’est un peu comme si un pays déclarait détenir l’arme atomique, il y a un effet psychologique certain et c’est très dissuasif. C’est exactement la même chose.



Depuis la fin du putsch on vous a entendu sur beaucoup de médias à propos des généraux Diendéré et Bassolé. Dans quelles circonstances vous les avez connus ?



Je les ai connus très jeunes. J’étais très près de passer capitaine et c’était en 1979. Je préparais aussi à l’époque mon diplôme d’ingénieur en Angleterre. Diendéré et Bassolé faisaient partie de cette cuvée qui constituait la première promotion du cycle préparatoire aux grandes écoles militaires (CPGEM) logée dans l’enceinte du Prytanée militaire du Kadiogo commandé à l’époque par le Lt-colonel Charles Bambara et secondé par Jean Baptiste Lengani alors lieutenant. Le commandement à l’époque s’était très vite rendu compte qu’il y avait une grande anarchie dans la formation des officiers. Certains étaient formés avec un Bac plus 6 mois et d’autres avec un Bac plus 10 mois. Alors que la voie royale pour la formation des jeunes officiers était Saint-Cyr, et pour y accéder il fallait avoir un bac plus 6 ans comme on dit. On a alors entrepris une formation en tronc commun pour leur faire obtenir au moins un DEUG II.

Je me souviens que seul Djibril Bassolé a pu en son temps obtenir le DEUG I. On comptait, entre autres, dans cette promotion Pingrenoma Zagré, Gilbert Diendéré, Daniel Kéré (NDLR tué avec beaucoup d’autres lors de l’expédition sanglante contre le BIA de Boukary Kaboré, dit le Lion, qui s’était rebellé après l’assassinat de Thomas Sankara le 15 octobre 1987) et j’en passe. J’étais un de leurs instructeurs. Quelques mois après, à la suite d’un mouvement de grève à l’université, le chef d’état-major général des armées de l’époque, le général Baba Sy (NDLR père de Sy Chérif, président du CNT), m’a instruit de mener des enquêtes pour débusquer les meneurs. Les vrais meneurs étaient Diendéré et Bassolé avec d’autres personnes.

Malheureusement ces deux n’ont pas eu le courage de lever le petit doigt et de se dénoncer. C’est gravissime pour des soldats, de tels comportements sont aux antipodes du code d’honneur du militaire. La discipline faisant la force des armées, il était donc hors de question que des militaires s’associent sur le campus à des étudiants civils pour grever pour des raisons politiques. Et pour votre gouverne, sachez que c’étaient des gens qui étaient blanchis, logés et nourris, transportés et qui bénéficiaient, tenez-vous bien, d’un pécule de 40 000 FCFA/mois en 1979. Les vrais meneurs se sont tapis dans l’ombre et ceux qui avaient des rôles secondaires se sont dénoncés : il s’agit de Daniel Kéré, d’Abdoul Ouédraogo, neveu du ministre de la Défense de l’époque, François Bouda, et de Komboïgo. Ils sont sortis du rang et ont parlé.



Ils ont quels grades aujourd’hui ?



Zéro grade ! Parce que je les ai faits radier immédiatement de l’Armée. Mon plus grand regret est d’avoir raté les vrais meneurs, c'est-à-dire Bassolé et Diendéré qui sont passés entre les mailles du filet. Ils ont même été envoyés dans de grandes écoles militaires sans les prérequis, c'est-à-dire le DEUG II. Mais je dois préciser que j’étais hors du pays en Angleterre pour mes études de télécommunication, sinon je n’aurais jamais accepté qu’ils soient envoyés en formation à l’extérieur sans ce minimum. Tout ça pour vous démontrer qu’ils étaient des officiers félons dès le départ. Et je m’en veux un peu de n’avoir pu en son temps les détecter.

Les généraux Diendéré et Bassolé sont actuellement détenus à la gendarmerie nationale ; sont-ils dans les mêmes conditions de détention que des soldats du rang ?



Je crois que tout cela se décide en fonction de la gravité de la faute commise. Pour Djibril, je ne sais pas trop ce qu’on lui reproche, mais pour Diendéré c’est bien de la haute trahison et il peut se réjouir du fait qu’il n’a pas encore été rétrogradé caporal. Rappelez-vous le putsch d’Alger en 1961 dans lequel quatre officiers généraux français étaient impliqués. Ils ont été incarcérés et mis immédiatement à la retraite même s’ils ont été réhabilités quelques années plus tard. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce putsch que le général De Gaulle avait employé le terme «quarteron d’officiers félons» pour la première fois. Pour finir, je crois que les autorités militaires seraient bien inspirées de promouvoir à titre exceptionnel les « boys » qui sont venus faire le travail.

Entretien réalisé par

Jean Stéphane Ouédraogo
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L`Observateur Paalga N° 8221 du 27/9/2012

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