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L’Observateur N° 8355 du 17/4/2013

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Les documentaires de la liberté
Publié le jeudi 18 avril 2013   |  L’Observateur




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Le Burkina Faso est connu pour le Fespaco et pour ses séries télés, mais beaucoup moins pour son cinéma documentaire. Pourtant, le documentaire est en passe de devenir le premier genre. L’association Semfilms s’est spécialisée dans le documentaire sur les droits humains.

Les documentaires de Semfilms développent une thématique variée. On a des films éminemment politiques comme Borry Bana ou le destin fatal du journaliste Norbert Zongo et Sur les traces du Lion (2012) du réalisateur Dimanche Ouédraogo.

Ce docu suit le capitaine Boukary Kaboré, le seul officier de l’armée burkinabè et compagnon de Thomas Sankara entré en sédition après le putsch du 15 octobre 1987 au cours duquel il y a eu l’assassinat du capitaine Thomas Sankara. A la version officielle sur la fin de la Révolution d’Août ce film oppose celle de Boukary Kaboré, qui fut un témoin privilégié de cette époque.

Comme pour dire qu’il faut adjoindre à la version du chasseur celle du lion si l’on veut connaître la vérité sur les histoires de chasse. Il y a aussi La Guerre des terres d’Aziz Nikiéma qui pose le problème du foncier : les spéculations et la spoliation des paysans de leurs terres par les agro-businessmen.

Une thématique variée…

En plus des films sur les figures historiques (Boukary Kaboré, Norbert Zongo, Thomas Sankara, etc.), qui proposent des repères à la jeunesse africaine, le documentaire s’intéresse aux petites gens, qui, certes ne font pas l’Histoire, mais dont le quotidien n’est toutefois pas sans histoire. L’histoire de leur vie, prise en tenaille entre une société traditionnelle qui les brime et un pouvoir politique qui les marginalise, mérite que l’on s’y attarde.

Le Silence des autres (2011) d’Aïssata Ouarma porte sur l’exode des jeunes filles des campagnes vers la capitale, Ouagadougou, où elles font les bonniches, espérant épargner assez d’argent qui pour préparer sa trousse de mariage, qui pour améliorer l’ordinaire de la famille au village. Au bout du rêve de ces filles, il y a parfois des tragédies comme les abus sexuels dans le silence complice des familles qui les accueillent.

Cependant, si le film documentaire s’intéresse à des aspects sombres de la société, Semfilms a conscience qu’à toujours servir des films noirs au public, celui-ci risque d’en développer la phobie. En effet, même un monochrome noir a besoin de nuances de gris pour accrocher le regard ! C’est pourquoi nombre de films s’intéressent à des trajectoires heureuses, à des jeunes gens qui, à force de volonté et de travail, se sont hissés au sommet de leur art.

La Volonté (2004) de Rolande Ouédraogo raconte la vie de l’artiste musicien et sculpteur Pita, dont le handicap, dû à la poliomyélite, n’a pas freiné la détermination à s’imposer dans les arts plastiques et la musique. Le documentaire Boum Boum (2012) est un biopic sur le boxeur burkinabè Boum Boum qui fut champion d’Afrique de boxe. Ce sportif a fait rêver la jeunesse et vibrer la corde patriotique des Burkinabè en leur ramenant la ceinture de champion de boxe.

Après qu’il a raccroché les gants et quitté les lumières des rings, cette ancienne gloire nationale vit dans l’anonymat et la gêne. Le film interpelle la nation pour qu’elle soit reconnaissante et généreuse avec ses fils prodiges ! Il y a parfois de la noirceur dans ces films parce qu’ils montrent l’injustice et la souffrance, mais de la lumière aussi, car les sujets sont filmés sans misérabilisme et dans le respect de leur humanité.

Des agoras de diffusion des docus…

La plupart des films produits par Semfilms sont des premières œuvres de jeunes réalisateurs dont les préoccupations ne sont pas de prime abord des questions esthétiques. Pourtant, il y a au finale une touche particulière-une esthétique-qui émerge de ces documentaires. Gidéon Vink, qui est réalisateur et coordonnateur de Semfilms, reconnaît que le développement du numérique a facilité l’immersion dans le milieu que l’on filme.

Auparavant, l’arrivée d’une équipe de tournage perturbait la quiétude des familles filmées. En effet, l’arrivée d’une impressionnante file de voitures vrombissantes, une équipe nombreuse portant des caméras imposantes et braquant des projecteurs aveuglant sur les sujets à filmer ne favorisaient pas une relation intimiste avec le sujet. Maintenant, avec un réalisateur et un cadreur, on s’introduit dans le milieu à côté des personnages du film sans perturber leur quotidien.

Le film documentaire est un film militant. Il doit ouvrir le regard des spectateurs et les amener à réfléchir sur leur condition, et surtout à réfléchir avec d’autres pour élargir leur spectre de compréhension et de lecture du réel. Il est donc fondamental d’avoir des espaces de projection, de diffusion et de débat sur les films documentaires.

C’est pourquoi, en 2004, Semfilms a créé le festival Ciné Droit Libre qui pendant une semaine réunit des films du monde entier. Des personnalités qui se sont illustrées dans la lutte pour les droits humains y sont invitées pour animer des panels et des débats à partir de films programmés.

C’est ainsi que l’épouse du journaliste André Kieffer, disparu en Côte d’Ivoire, l’altermondialiste Aminata Traoré ou le fils de Patrice Lumumba ont été associés à certaines éditions. Ce festival suscite l'engouement et a essaimé de sorte qu’il y a des festivals Ciné Droit Libre à Abidjan, Nairobi et Dakar.

Semfilms démontre qu’il est possible avec peu de ressources et beaucoup d’imagination d’utiliser la puissance du cinéma pour changer le monde. Ce cinéma-là, en amenant les cinéphiles à prendre conscience de leurs droits et de leur dignité, renoue avec le but qu’André Malraux assignait à l’art, qui est de «tenter de donner aux hommes conscience de la grandeur qu’ils ignorent en eux».

Saïdou Alcény Barry

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