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Lona Charles Ouattara, colonel à la retraite « Le RSP était une milice politicienne »
Publié le jeudi 1 octobre 2015  |  Sidwaya
Situation
© aOuaga.com par Séni Dabo
Situation nationale : l`UPC appelle ses militants à la vigilance
Mardi 29 septembre 2015. Ouagadougou. L`Union pour le progrès et le changement (UPC) a animé une conférence de presse pour donner sa lecture de la situation nationale et appelé ses militants à la vigilance. Photo : Lona Charles Ouattara, secrétaire national chargé de la défense et de la sécurité de l`UPC




Colonel à la retraite, devenu membre de premier rang de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), Lona Charles Ouattara a été un témoin privilégié de la crise politico-militaire qui a secoué le Burkina Faso ces derniers jours. Dans cet entretien, il donne sa lecture des événements sans langue de bois et fait des révélations sur certains personnages-clés.

Sidwaya (S) : Face au refus des soldats de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) de désarmer, l’armée régulière a finalement pris ses responsabilités en lançant un assaut pour obtenir la réédition des putschistes. Quel commentaire faites-vous de cette opération ?

Lona Charles Ouattara
(L.C.O): Les militaires sont formés pour défendre la République, et verser son sang pour sauver sa patrie ne doit pas effrayer un soldat. Le destin du pays se trouve entre leurs mains et je suis heureux de constater que nos jeunes officiers ont finalement compris que la diplomatie n’a pas de place dans l’armée. Du reste, c’est ce que je me suis évertué à faire comprendre à travers mes interventions sur les médias nationaux et internationaux, depuis les premières heures du putsch, qui a momentanément mis un coup d’arrêt au processus de la Transition. Le général Gilbert Diendéré était un ennemi juré de la République, et il ne restait plus aux forces armées républicaines que de l’anéantir en lançant un assaut contre une prétendue unité d’élite. Une troupe d’élite se définit à l’aune des opérations qu’elle mène. Cela ne peut-être que par rapport aux combats. Si la mission de l’unité est de garder des personnalités politiques ou de mener des assassinats ciblés, c’est autre chose. En outre, en moins d’une année, cette troupe a essayé de renverser à trois reprises un régime normalement établi, faisant preuve d’une indiscipline alors que la discipline reste un pré-réquis dans toute armée. Le RSP était une milice politicienne mise en place par l’ex-président Blaise Compaoré pour défendre son pouvoir d’Etat. Une telle troupe ne peut pas être considérée comme une troupe compétente, opérationnelle et capable d’effrayer tout un pays.

S : Les trois généraux de l’armée burkinabè, Gilbert Diendéré, Pingrenoma Zagré et Djibrill Bassolé sont passés au Centre de préparation aux grandes écoles militaires en 1979, dont vous étiez le commandant. Eclairez-nous sur ces personnages que vous connaissez bien.

L.C.O : Ces trois généraux sont effectivement passés au Cycle préparatoire aux grandes Ecoles militaires (CPGEM) sous mes ordres en 1979 avec d’autres camarades, qui sont de nos jours les principaux chefs des garnisons militaires de notre pays. Le CPGEM, Cycle universitaire du Prytanie militaire du Kadiogo (PMK), avait été créé pour harmoniser le niveau de formation des jeunes soldats avant de les envoyer dans une école militaire, notamment après le DEUG II. Depuis cette époque, certains d’entre eux se sont illustrés par leur proximité avec les milieux politiques, mais ils manquaient surtout de courage et d’honnêteté pour être de bons militaires. En effet, alors qu’ils suivaient des cours à l’université, ils ont participé à une grève avec des étudiants civils, ce qui est inadmissible dans l’armée. Au moment de situer les responsabilités en vue de procéder à des radiations, aucun des trois n’a eu le courage de lever son petit doigt pour se dénoncer. Ils ont préféré nier les faits, alors qu’ils semblaient avoir été les meneurs selon les informations. Pour servir d’exemple, j’ai décidé de radier du registre des personnels militaires, les trois élèves soldats, les plus courageux, Daniel Kéré, Harouna Ouédraogo et Bouda, eux, ont reconnu les faits.

S : Pourquoi le Chef d’Etat-major général des armées (CEMGA), le général de brigade Pingrenoma Zagrè, a-t-il privilégié jusqu’au bout le dialogue avec les putschistes, au lieu d’aller à l’affrontement comme certains l’auraient souhaité?

L.C.O : Personnellement, j’avoue que le prétexte selon lequel on cherche à éviter un bain de sang ne saurait justifier les vraies raisons qui ont milité en faveur des négociations. C’est peut-être les relations entre les deux Chefs militaires qui ont prévalu, à mon avis. Sinon le CEMGA, le général Pingrenoma Zagré, devait conseiller au pouvoir politique la meilleure stratégie pour venir à bout de l’ennemi, malheureusement cela n’a pas été le cas. Bien au contraire, il s’est mis à l’avant-garde des négociations après que les éléments du RSP ont renversé le président de la Transition, Michel Kafando et son gouvernement. J’ai toujours dit que dans l’armée, on ne négocie pas. Du reste, ce n’est pas au pouvoir politique de négocier avec l’armée car elle doit être sous les ordres de celui-ci.

S : A la mutinerie de 2011, ce sont les éléments du RSP et ceux du Régiment parachutiste commando de Dédougou qui sont allés neutraliser les mutins de Bobo-Dioulasso sans qu’on ne parle d’un dialogue ni craindre un bain de sang. Pourquoi cette fois-ci a-t-on voulu négocier avec des putschistes ?

L.C.O : Les négociations menées par le CEMGA, le général Pingrenoma sont à mettre au compte de la Transition et de l’Etat-major général des armées. Je ne peux pas répondre plus que ça.

S : Quel sort doit-on réserver au général Gilbert Diendéré qui a fui l’assaut et se serait réfugié dans une représentation diplomatique, à la Nonciature apostolique selon certaines sources ?

S’il est vrai qu’il est chez le Nonce apostolique, il n’y restera pas éternellement. Dès sa sortie, il doit être arrêté, mis à la retraite et dégradé. Un officier général représente un pays, mais après ce coup d’Etat, il n’est plus digne de représenter le Burkina Faso qu’il a trahi.

S : Peu avant l’assaut final le général de gendarmerie Djibrill Bassolé a été arrêté, car soupçonné par le gouvernement de la Transition de comploter avec les putschistes. Cela vous surprend-t-il?

Non, pas du tout ! Parce qu’il a fait plusieurs déclarations sur les médias qui vont pratiquement dans le même sens. Le général Bassolé et Diendéré ont toujours évolué ensemble. Si le général Bassolé s’est mêlé à ce coup, c’est qu’il craignait d’être rattrapé par l’histoire par rapport à des faits au sommet de l’Etat. Sinon, il dispose d’assez d’argent pour aller vivre tranquillement dans son village.

S : L’Etat-major n’avait-il pas des doutes sur la capacité de l’armée régulière à faire face au RSP ?

L.C.O : Dans un Etat-major on ne tâtonne pas. Il y a un service de renseignements, qui doit pouvoir démontrer le contraire s’il fonctionne très bien. Si nous étions restés sur la position de l’Etat-major général de nos armées, aujourd’hui le général putschiste Gilbert Diendéré serait toujours en train de régner sur le Burkina Faso par la force des armes.

S. : Maintenant que la question du RSP semble résolue, quelle action faut-il entreprendre pour construire une armée unie et véritablement républicaine à l’avenir ?

L.C.O : C’est une bonne chose que cette crise ait eu lieu, malgré les nombreuses pertes en vies humaines que nous déplorons parce qu’elle va permettre de réformer notre armée et de constituer une cohésion au sein des forces armées nationales. Sinon avoir une armée dans une armée comme c’était le cas au Burkina Faso, avec le RSP, n’était pas une situation aisée. La réforme de l’armée se traduira concrètement par la mise en place d’une armée républicaine, neutre qui ne se consacre qu’à ses tâches régaliennes de défense de l’intégrité du territoire, des institutions de la république et des intérêts du peuple burkinabè.

Entretien réalisé par
Beyon Romain NEBIE
et Kader patrick KARANTAO
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