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Contre-analyse / Corruption et impunité : Tunis approuve, le Caire réprouve
Publié le lundi 14 septembre 2015  |  Le Pays




Ben Ali est parti en 2011 de par la volonté des acteurs de la révolution du Jasmin, mais le système qu’il avait mis en place pendant son long règne, notamment en son volet prédation des deniers publics et l’impunité qui était garantie pour leurs auteurs, semble avoir la peau dure en Tunisie.

En tout cas, c’est le sentiment que l’on peut avoir à propos du projet de loi pris en conseil de ministres en juillet dernier et qui devrait être débattu prochainement à l’Assemblée nationale. En effet, soutenu par la présidence de la République et le parti Nidaa Tounès, majoritaire, le texte prévoit, en échange de remboursements, d’exonérer de poursuites les responsables de faits de corruption et de détournements. Ce projet, censé encourager les investissements et renflouer les caisses de l’Etat, n’est ni plus ni moins qu’une prime décernée à l’impunité selon l’opposition.

Le peuple tunisien pouvait s’attendre à autre chose qu’à cette sorte d’amnistie aux collaborateurs de Ben Ali

C’est donc à juste titre qu’elle a battu le macadam de la célèbre avenue Bourguiba à Tunis le samedi 12 septembre dernier, pour dénoncer ce qu’elle appelle un retour des pratiques de l’ancien régime.
Car, le texte querellé s’apparente non seulement à une prime à l’impunité, mais aussi à un stimulus pour la corruption.

Toute chose qui va à l’encontre de l’esprit du mouvement des acteurs du printemps tunisien, qui, on se rappelle, avaient payé un lourd tribut en termes de pertes en vies humaines dans l’espoir de tourner définitivement la page du système Ben Ali.

Ce système, en plus du fait qu’il était liberticide, reposait essentiellement sur l’enrichissement illicite des bonzes du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Ben Ali, et sur l’impunité. Avec la chute de l’homme fort de Tunis en 2011, le peuple tunisien, légitimement, pouvait s’attendre à autre chose de la part du pouvoir de Beyi Caïd Essebsi qu’à cette sorte d’amnistie à peu de frais qu’il veut accorder aux collaborateurs de Ben Ali, qui pendant plus de deux décennies, n’ont eu aucun scrupule à faire fortune sur le dos de l’Etat tunisien. A l’analyse, l’on peut se rendre vite compte que plus qu’une amnistie, il s’agit en vérité d’une auto-amnistie. En effet, la plupart des cadres du parti majoritaire, Nidaa Tounès, à commencer par le président Essebsi, sont des anciens collabos de Ben Ali.

De ce fait, ils sont conscients qu’ils peuvent être épinglés par une véritable reddition des comptes. L’on peut donc dire que derrière ce projet de loi dit de réconciliation, pourrait se cacher leur volonté de s’octroyer une impunité en s’auto-amnistiant. C’est pourquoi, en politique surtout plus qu’ailleurs, il n’est pas aisé de faire du neuf avec du vieux. La rupture dans le cas d’espèce aurait été possible avec des acteurs politiques qui n’ont pas trempé leur barbichette dans la soupe du satrape Ben Ali. Essebsi et ses camarades l’ont fait et cela est connu de tous.

Qu’ils prennent donc des dispositions tendant à les blanchir est de bonne guerre.
Mais moralement, cela est inacceptable. D’ailleurs, bien des acteurs politiques en Afrique ne sont pas à ce niveau de réflexion et c’est ce qui explique entre autres que des coquins prospèrent sur ce continent dans le domaine de la politique.

Le moins que l’on puisse dire, est que Essebsi ne veut pas s’inscrire dans le schéma de l’opposition qui fait aujourd’hui des pieds et des mains pour que tous les délinquants à col blanc de l’ère Ben Ali répondent de leurs actes devant les tribunaux. Ce projet de loi en est la preuve éclatante.

La corruption et l’impunité sont de véritables cancers qui rongent bien des pays d’Afrique

D’ailleurs, c’est méconnaître la nature humaine que de croire un seul instant que les responsables de faits de crimes économiques, accepteraient de leur bon gré de se dénoncer auprès d’une commission, fût-elle spéciale. Et si par extraordinaire, ils venaient à le faire, l’on peut se poser la question de savoir quel crédit l’on peut accorder à leurs confessions.

A ces inquiétudes, l’on peut ajouter que l’objectif brandi par le gouvernement selon lequel il vise, au moyen de ce projet de loi, à rétablir au plus vite la confiance des milieux d’affaires et à récupérer de l’argent frais qui servira au développement, a de fortes chances de ne pas être atteint. Cet objectif ne peut être envisagé sérieusement que dans le cadre d’une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la corruption et de l’impunité.

C’est cela qui peut rassurer les investisseurs et par voie de fait, positionner la Tunisie sur le chemin du développement. Toute autre chose sera contre-productive. Pour toutes ces raisons, l’on peut avoir le sentiment que le règne de Beji Caid Essebsi est en train de restaurer le système Ben Ali en encourageant la corruption et l’impunité. Pendant ce temps, l’Egypte du Maréchal Al Sissi semble bien réprouver ces tares.

En effet, le successeur de Morsi n’a pas hésité un seul instant à renvoyer tout son gouvernement à cause, à ce que l’on dit, d’une retentissante affaire de corruption dans laquelle le ministre de l’Agriculture et son chef de cabinet seraient impliqués. Si cela est avéré, l’on peut tresser une couronne de lauriers au Maréchal président. Car, la corruption et l’impunité sont de véritables cancers qui rongent aujourd’hui plus que jamais bien des pays d’Afrique. Leur traitement passe par des mesures fortes et courageuses.

Une d’elles serait d’amputer purement et simplement les membres qui en sont atteints. C’est douloureux mais c’est nécessaire. Al Sissi semble être dans cette posture. On ne peut pas malheureusement en dire autant de son homologue Tunisien sur qui pourtant le peuple avait fondé beaucoup d’espoir en le portant massivement au pouvoir.
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