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Sidwaya N° 7233 du 14/8/2012

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Plaine rizicole de la vallée du kou : Du sable dans le riz des producteurs
Publié le mardi 14 aout 2012   |  Sidwaya


Plaine
© Autre presse par DR
Plaine rizicole de la vallée du kou


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La vallée du Kou fait partie des tout- premiers périmètres aménagés du Burkina Faso. Cette plaine rizicole située dans la région des Hauts-Bassins est aujourd’hui menacée de disparition en raison de l’ensablement de sa source d’eau.

Arouna Tao, producteur exploitant, est inquiet de l’avenir de la vallée du Kou dans la commune de Bama à 30 km de Bobo-Dioulasso. Venu de son Yatenga natal depuis les années 80, il ne peut plus cultiver le riz aujourd’hui comme auparavant, à savoir deux fois dans l’année. A défaut de pouvoir semer du riz, par manque d’eau, il y sème du maïs à chaque saison sèche. En début juillet, le producteur Tao désherbait son champ pour le repiquage du riz. A côté, un autre champ emblavé en patate douce est en maturation. En principe, ces deux spéculations (maïs et patate douce) ne devraient pas être exploitées sur la plaine du Kou, aménagée en 1968 pour la production du riz, soit deux fois l’année. La présence de ces cultures sus-citées dans la plupart des champs témoigne, si besoin en était, du problème crucial d’eau en saison sèche. Les producteurs utilisent ces cultures à la place du riz parce qu’elles résistent mieux au manque d’eau. En effet, précise M. Tao, si le riz a besoin d’être irrigué toutes les 48 heures, tel n’est pas le cas de la patate qui peut tenir deux semaines sans être arrosée. Une triste réalité provoquée par l’ensablement de la source du Kou. Abdoulaye Ouédraogo, président de l’Union des coopératives de la plaine est un homme à la parole volubile. Il soutient que le canal principal alimente, en temps normal, la plaine a un débit de 3000 m3 d’eau par seconde. Cependant en saison sèche, ce débit est de 1200 m3 par seconde. Cet état de fait joue sur la distribution de l’or bleu entre les différentes parcelles des exploitants. « Etant donné que le débit devient faible, la répartition de l’eau pose problème », explique Abdoulaye Ouédraogo. Pour lui, les producteurs sont tenus de repartir équitablement l’eau alors que la fertilité des sols varie d’une parcelle à une autre. Face à une telle situation, les producteurs ont mis en place un système de distribution rotatif de l’eau. « Au lieu que tout le monde se serve de l’eau au même moment, les 10 canaux secondaires que comptent le site sont repartis en deux groupes. Les 5 canaux sont ainsi utilisés pendant deux jours par une moitié des producteurs et l’autre groupe attend son tour », indique-t-il.

Lacina Sanou est un vieil homme de 69 ans aux pas toujours alertes. Il est chargé de la distribution de l’eau sur la plaine depuis son aménagement. En homme bien averti sur la gestion de l’eau de la plaine, il soutient que le problème remonte depuis 1987, début de l’ensablement de la source du Kou. De sa propre expérience de producteur, le problème d’eau ne s’est jamais autant fait sentir comme à la présente campagne sèche. Du reste, selon le vieux Sanou, la quantité d’eau devant atteindre le site est prélevée pendant son passage par des producteurs n’exploitant pas sur la plaine rizicole. « Si vous suivez le cours de l’eau du canal principal de la plaine jusqu’à sa source, vous remarquerez la présence de bananeraies, des champs d’oignons et de tomates exploités par des personnes extérieures », explique-t-il d’un air inquiet. En vue de trouver des réponses aux difficultés que vivent les producteurs de la plaine, le Collectif revalorisons le Sourou (COREK) est né en octobre 2011. De l’avis de son président, Alphonse Tougouma, l’installation anarchique sur le long du canal trouve son explication dans la dissolution de la grande coopérative en 1995. « Et comme il n’y avait plus de suivi dans les activités de la plaine, les gens ont commencé à siphonner le canal pour irriguer leurs bananeraies et papayers », soutient-il. Ainsi, de son avis, le peu d’eau qui devait atteindre la plaine est utilisé par ces individus à des fins personnelles. Et de marteler clairement ceci : « En réalité ceux-là mêmes qui utilisent l’eau de la plaine, surtout à partir de Diaradougou, sont des barons du régime en place ».

Les effets de l’ensablement

Le manque d’eau en saison sèche joue négativement sur le rendement de la plaine. Le fait que certains producteurs cultivent la patate douce joue sur le chronogramme de repiquage du riz. Car selon les explications du président de l’Union des coopératives, le producteur de ladite spéculation ne récolte ses tubercules au fur et à mesure qu’un client se présente pour l’achat. Cette situation explique que le repiquage du riz tarde à commencer sur certaines parcelles. Par ailleurs, aux dires de certains exploitants, le rendement en riz a considérablement baissé. En effet, Lacina Sanou se rappelle cette vieille époque où la plaine était très généreuse. « En vérité, la vallée du Kou est en train de régresser en rendement.

Aux premières heures de l’aménagement, je pouvais récolter 4 à 5 tonnes sur ma parcelle d’un demi-hectare, mais aujourd’hui cela est impossible ». Le producteur Idrissa Sawadogo, originaire de la province du Zondoma (région du Nord) y a établi ses pénates depuis 1977.

Embouchant la même trompette, il soutient avoir récolté 5 à 6 tonnes de riz paddy à l’hectare dans le temps, cela avant que l’ensablement de la source d’eau n’entraîne le tarissement du site. « Mais depuis les années 1995, avoir 3 tonnes par hectare est une chose qui arrive rarement », regrette-t-il. Lors de la récente saison sèche, Idrissa Sawadogo, affirme avoir emblavé son champ en maïs. Même si toutefois, il déplore que cette spéculation lui rapporte peu par rapport au riz. L’abandon de la culture du riz en campagne sèche est aussi ressenti par l’Union des étuveuses de riz de la plaine. Sans avancer de chiffres, la présidente des étuveuses, Mariam Sawadogo, professe avec un pincement au cœur que la quantité de riz paddy livrée par les producteurs à sa structure a beaucoup baissé ces dernières campagnes sèches. Quant aux membres du COREK la production du riz a chuté de 50%.

D’ailleurs, pour eux, les pertes subséquentes à l’ensablement du Kou sont estimées à 1,5 milliard de FCFA par an. Interrogé pour en savoir davantage sur ces chiffres donnés par le Collectif, le directeur régional de l’Agriculture et de l’hydraulique des Hauts-Bassins, Maurice Traoré, se garde de toute confirmation. « Je n’ai pas connaissance de ces chiffres », s’exprime-t-il. Mais M. Traoré reconnaît que l’impact négatif de l’ensablement est considérable pour la région et pour tout le territoire national. Concernant la plaine du Kou, M. Traoré confie qu’il est souvent difficile pour les producteurs de valoriser le tiers du périmètre en saison sèche. « Sur 1200 hectares, ils (Ndlr : les producteurs) n’exploitent souvent que 300 hectares en saison sèche ; le reste constitue une perte importante », précise Maurice Traoré. Le chef technique de la plaine, Marius Sanou, relève pour sa part que le stress hydrique a touché 130 hectares lors de la campagne écoulée. Cependant, le problème n’entame pas la volonté de l’Etat à soutenir les exploitants en semences améliorées et en intrants. « Avec l’appui de l’Etat, nous avons pu augmenter la productivité. N’eût été l’impact du manque d’eau, les exploitants pouvaient récolter 8 000 à 9 000 tonnes de riz paddy », affirme le chef technique.

257 millions de F CFA pour sauver le Kou

Les producteurs, conscients que le salut de la plaine ne viendra que de leurs propres efforts, ont initié des contributions pour le désensablement de la source du Kou. Selon l’agriculteur Lacina Sanou, les cotisations des exploitants ont permis de réunir près de 10 millions de FCFA pour le curage du Kou. « L’Etat nous a promis à maintes reprises de désensabler la source d’eau et jusque-là rien n’a été fait. C’est pourquoi, nous nous sommes cotisés pour trouver une solution à notre problème », se plaint M. Sanou. Mais le hic, poursuit-il, la somme a été jugée trop insuffisante par les autorités régionales. Le directeur régional de l’Agriculture des Hauts-Bassins reconnaît avoir été informé de la somme réunie par les exploitants.

Cependant, estime-t-il, le problème d’ensablement du Kou dépasse le simple cadre des producteurs. « Ce ne sont pas seulement les activités de la vallée qui sont menacées par l’ensablement mais celles de toute la ville de Bobo », souligne Maurice Traoré. En outre, cette méforme de la source d’eau provoque même des inondations dans la ville de Bobo-Dioulasso, en période pluvieuse. « On a vécu des coupures d’eau ces derniers temps (Ndlr : 3 et 4 juillet 2012) à cause d’une inondation des équipements de pompage de l’ONEA. Et cela est une des conséquences de la sortie du Kou de son lit », explique M. Traoré. Ainsi, face au problème, révèle-t-il, il y a eu la mise en place des comités locaux de l’eau. De même, des cadres de concertation ont été organisés en vue de proposer des solutions pour sauver le Kou. En effet, la dernière grande rencontre en date a été la tenue du forum régional sur la protection des berges du Kou organisé en septembre 2011. « Ce forum qui a été présidé par le ministre de l’Agriculture visait à débattre de la problématique de l’ensablement et de toutes ses conséquences économiques et aussi proposer un plan d’urgence pour sauver ce cours d’eau », souligne le directeur régional de l’Agriculture des Hauts-Bassins. Le coût de ce plan d’urgence est estimé par le directeur regional de l’Agriculture à 257 millions de FCFA.

L’urgence de la situation a amené le ministre de l’Agriculture à demander un financement auprès de l’Union internationale de conservation de la nature (UICN). « Aux dernières nouvelles, cela est en bonne voie et je pense que d’ici à la fin de l’année en cours, quelque chose sera fait pour sauver le Kou », indique Maurice Traoré, tout confiant. Mais en attendant, ce sont les producteurs qui paient au prix fort l’ensablement de cette source d’eau du Kou.


Nombamba Didier OUEDRAOGO ouedi2006@yahoo.fr

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