« Je suis de retour au Burkina et je suis entièrement disponible pour servir ma nation ». Ces propos sont de Florence Somda qui, durant 2 ans, a séjourné en Côte d’Ivoire où elle pratiquait le métier de maçon. Pour une femme, cela force sans doute l’admiration. C’est un truisme d’affirmer qu’il est rare de rencontrer une femme au pied du mur (au sens propre du terme) à côté des ouvriers (garçons) en train de soulever des briques, prendre la pelle, prête à charger le ciment pour le balancer. Pourtant, Florence Somda est de cette perle rare. Femme, elle pratique bien le métier de maçon. D’où, tout l’intérêt qu’il y a de s’y intéresser. Rencontrée à Ouagadougou, Florence Somda nous explique comment elle est rentrée dans ce métier.
Les 33 ans sonnés, Florence Somda est originaire de la région du Sud-ouest, notamment de Dano où elle naquit en 1980. Issue d’une famille de cinq enfants, Florence Somda n’a pas eu la chance de poursuivre ses études après son examen au Brevet d’étude du premier cycle (BEPC) qu’elle n’a, malheureusement pas, pu obtenir. Loin d’être une déception, le brutal arrêt de son cursus scolaire l’amène à embrasser le métier de maçon. Du reste, confie-t-elle, « depuis l’âge de 6 ans, j’avais commencé la maçonnerie ». N’est-ce pas donc une prédisposition ? « La maçonnerie me passionne beaucoup, surtout qu’il y a peu de femmes qui s’adonnent à ce métier », déclare Florence Somda qui dit s’être intéressée à ce métier grâce à son ex-copain. « Mon ex-copain était un maçon, et c’est en l’accompagnant sur les chantiers que j’ai aimé le métier. Au moment où on se séparait, je n’avais rien et j’ai essayé de faire le « manœuvre » auprès des maçons et c’est en cela que mon aventure en maçonnerie a commencé », relate Florence Somda. Ainsi, sur le tas, avec d’abord son copain, elle apprend les B.A.BA. du métier. Et comme elle le dit, c’est avec la truelle qu’elle a commencé la maçonnerie avant d’approfondir ses connaissances à l’Agence nationale pour la promotion d’emploi (ANPE) de Gaoua. Passionnée donc du métier de la construction, Florence Somda s’inscrit dans une école pour améliorer ses connaissances du métier. Ayant donc un bagage nécessaire et surtout dévouée au métier de la maçonnerie, Florence Somda bouscule, comme on le dit dans le jargon, pour occuper les premiers rangs dans les chantiers. Des chantiers, on retient qu’au Burkina, elle a participé à la construction des caniveaux de la ville Dano. Après la crise postélectorale qu’a connue la Côte d’Ivoire, elle se rend dans ce pays. « En tant qu’ouvrier, je suis allée à la découverte d’un autre pays pour approfondir mes connaissances et mes expériences. En Côte d’Ivoire, Florence Somda a construit le cabinet d’un médecin à la Rivera II. « J’ai aussi travaillé à la résidence du président (Ndlr : Alassane Dramane Ouattara) où avec la société PEPO, nous avons fait l’appartement militaire et c’est en trois mois que nous avons fini les travaux », a-t-elle ajouté. La construction de la clôture de l’université Houphouët Boigny, la construction des logements pour une agence pétrolière avec « Suisse Construit », sont entre autres d’autres réalisations pour lesquelles la native de Dano, dans les confins du Burkina, a été sollicitée. « Quand nous avons arrêté les travaux de construction des logements pour l’agence pétrolière, je suis repartie à E.E.C.B, à Bingeville où j’ai appris le décès de mon père », se souvient la maçonne qui se voit dans l’obligation de retourner au bercail après s’être fait une renommée en Côte d’Ivoire.
A la question de savoir si une femme maçonne est-elle épanouie comme les hommes, Florence Somda répond : « En tant que femme, je peux dire que ça n’a pas été facile, mais j’ai beaucoup bénéficié des encouragements de la population, surtout de mon entourage et de mes formateurs. C’est en cela que j’ai pu parvenir à mes fins ». Aucun regret pour cette mère de deux enfants d’avoir embrassé ce métier. Lequel métier, selon elle, nourrit son homme. Seulement, nuance-t-elle, « il arrive que je n’ai pas de marchés et en ce moment, il ne faut pas rester les bras croisés. Il faut sortir chercher le marché ». Serait-elle discriminée dans le travail ? « Au début, les manœuvres refusaient de travailler avec moi parce que je suis femme. Mais par la suite, ils ont compris que nous sommes tous pareils. Je me rappelle que chez le président de la république de Côte d’Ivoire, nous étions deux, un homme plus moi. C’est du jamais vu, mais toujours est-il qu’ils m’ont mis aux pieds du mur pour voir si je serai capable. Dès le 1er jour, le chef de chantier était surpris de ma prestation qui était très bien. Et j’ai été retenue jusqu’à la fin des travaux », raconte Florence Somda qui reconnait qu’il arrive souvent que des hommes viennent sur les chantiers la féliciter. « J’apprécie ces genres d’encouragements », se réjouit la maçonne. Toutefois, dit-elle, « en exerçant ce métier, je veux montrer aux hommes qui pensent que la femme doit se contenter du foyer que ce n’est pas vrai. La femme peut tout faire si seulement elle reçoit une formation. De nos jours, c’est seulement le sexe qui fait la différence entre l’homme et la femme, sinon les femmes travaillent avec la même ardeur que les hommes ». Fort de son expérience et de son courage, Florence Somda a une pensée particulière pour ses sœurs. « Mon souhait aujourd’hui est de former les autres femmes. Je souhaite ardemment que l’Etat et les ONG présents au Burkina créent des écoles de formations pour former les femmes qui travaillent dans les buvettes, car dans ces lieux, elles courent beaucoup de risques. Non seulement elles ne sont pas en sécurité, mais aussi, elles n’ont pas une bonne réputation. Le plus souvent, elles se voient obligées de travailler dans ces lieux, car elles ne savent pas quoi faire. Et je pense que pour sortir la jeunesse féminine de ces lieux, il faut que l’Etat burkinabè prenne ses responsabilités en créant des écoles de formation pour que chacune puisse jouir de son métier comme je le fait », conseille Florence Somda, par ailleurs informe : « Je suis de retour au Burkina et je suis entièrement disponible pour servir ma nation. Si on a besoin de moi pour venir servir en exemple, je vais y rester pour relever les défis de la gent féminine burkinabè. Je suis actuellement à Dano, car il y a quelqu’un qui a eu deux marchés et qui m’a fait appel » .
